Ce soir on fête à Saint-Ouen les vingt ans d’Hey Colossus. L’occasion d’enfoncer ses meilleurs bouchons d’oreilles, d’autant que les Anglais sont bien entourés. Même si je rate le groupe Claude (mystérieuse incarnation sur laquelle je n’ai pas plus d’informations), à priori la formation la plus ouvertement noise de la soirée si l’on en juge le mur de bruit des deux dernières minutes du set que nous arrivons à rattraper de justesse. Sorry Claude, see you next time.
Tombouctou est un trio lyonnais percutant, à l’image de sa musique noise punk impétueuse. Venus défendre l’album Tricky Floors sorti en mars dernier, le groupe se compose ainsi : à droite le guitariste se tortille sur ses grandes jambes pour sortir les riffs les plus abrasifs possibles, pendant qu’au fond le batteur se démène sur ses charleys pour donner l’impulsion la plus féroce avant de partir sur un plan des plus dansants, alors qu’à gauche la chanteuse alterne cris aigus et mélodies tordues. Impossible de ne pas remuer. Instrumentalement, c’est impeccable de vitalité, mais c’est bien la prestation de Cocrelle au chant qui embarque le tout, et révèle une variété d’émotions assez large, chose pourtant pas aisée dans un style de chant explosif et mélodiquement « à part » (faute de le décrire mieux). Difficile de ne pas penser à Siouxsie mais ça serait limiter les références et les compétences de la chanteuse de ce soir. On repense particulièrement à cette fin de set qui se clôt sur des hurlements graves noyés de reverb à l’effet cathartique, qui nous touche assez pour rendre émouvante cette musique relativement sèche et violente. Bien joué.
20 ans de carrière scénique pour Hey Colossus, un élément dans lequel ils sont tels des poissons dans l’eau. Il faut dire qu’il s’agit pour eux de la meilleure occasion de faire rugir les instruments et de faire surgir le bruit dans sa forme la plus pure et la plus brute. Bien sûr, au gré des mues et de l’âge, les sonorités du sextet ont évolué vers des sphères quasi classic rock, en tout cas plus accessibles aux oreilles délicates, notamment sur In Blood, leur dernier opus de qualité, certainement moins massif que le précédent double Dances / Curses mais qui touche par une belle écriture. Et puis Hey Colossus a toujours été un groupe mélodique. Néanmoins ce soir, on compte bien sur quelques sursauts propres à nous ruiner les tympans.
Piochant la setlist de ce soir principalement dans ces deux derniers opus, les Anglais prouvent que cet anniversaire n’est pas un exercice nostalgique mais bien un pas de plus vers de nouvelles expériences musicales. En tout cas, il est toujours difficile de définir le style du groupe mais Hey Colossus est un groupe à guitares, c’est indéniable, et entre la Gretch joué au bottleneck, la SG rugissante et la Telecaster tranchante, on est gâté, d’autant que le trio de 6 cordes sait se répartir le travail. Tout ça est calé au poil et ça se balade entre arpèges harmonisés, riffs tordus ou triturage de pédale.
Bref, le vocabulaire est large, rien qu’entre le bel écrin qu’est Perle ou le plus punk TV Alone. Et surtout, ils n’hésitent pas à joindre leurs forces pour lancer quelques montées soniques dont le groupe a le secret, galvanisés par une section rythmique solidement calée et par l’énergie déployée par Paul Sykes au chant dans un style délicieusement théâtral sans jamais paraître surjoué. L’épitome de leur talent s’incarne ce soir par le final A Trembling Rose, pièce épique qui mélange noise, transe krautrock et psychédélisme dur pendant une dizaine de minutes qui ravissent nos petits cœurs en manque de BRUIT. On en prendrait bien encore plus mais ça sera pour les 20 prochaines années.
Last modified: 10 octobre 2023