Le plus improbable des power trio heavy-n-roll est de retour. MUTOID MAN est toujours porté par tout le génie et la folie de Stephen Brodsky (Cave In, Old Man Gloom et environ 140 autres projets), l’arme de percussion massive Ben Koller (Converge) mais est désormais complété par nul autre que Jeff Matz (High on Fire). Dès l’annonce de ce line-up et de l’album à venir, tout le monde s’est mis à saliver. Pourtant, personne n’était prêt pour la masterclass à venir, pas même moi, pourtant acquis de longue date à la cause des hommes du Massachusetts.
Initialement, j’ai pensé me contenter de rédiger une suite de superlatifs pour décrire l’album tant il s’agit d’une des plus grosses claques rock métal au sens très large du terme que je me sois prise ces dernières années. Sur cet album, voyez-vous, il y a de tout et pour tout le monde et je mets donc au défi n’importe quel fan de disto de ne pas y trouver son compte et son plaisir.
Parlons de ce qui saute aux oreilles : les riffs dissonants, forcément, dès l’intro de “Call of the Void”, ça nous titille. Mais une telle frénésie de riffs dissonants, c’est assez rare. On les retrouvera donc sur “Unborn” ou “Siphon” et c’est d’autant plus remarquable lorsque ces dissonances donnent naissance à des titres aussi fédérateurs et marquants. Loin de l’effet de manche, c’est une évolution logique de ce qu’on avait déjà entrevu ici ou là sur les deux premiers LPs. Faire sonner le dissonant, ça c’est fait.
Et puis sur « Mutants », il y a ce qu’on connaissait déjà de Mutoid Man. D’abord la voix chantée presque 80’s et ultra catchy de Stephen Brodsky, avec des refrains imparables comme sur l’hymne “Call of the Void” ou “Siren Song”. Il y’a aussi sa voix criée, toujours plus maîtrisée et variée sur des morceaux comme “Broken Glass Ceiling” en mode bétonnière ou en mode coreux sur le break de “Unborn” (à tel point qu’un doute m’habite pour savoir si c’est bien Brodsky sur cette partie).
Et alors que cette année annonce le retour de Pantera sur les routes, le meilleur hommage à Dimebag viendra du riff d’intro de “Broken Glass Ceiling” qui est assurément mon coup de coeur de l’album. Car oui, niveau riff métal et lourdeur, le groupe ne fait toujours pas dans la dentelle, on pense à “Frozen Hearts” et, encore, “Unborn”. On retrouve aussi ces leads guitares mélodiques rapides qui accompagnent un paquet de refrains tout au long de l’album, formant une harmonie bienvenue avec le chant et c’est là aussi une marque de fabrique de Mutoid Man. On pourrait aussi parler des soli à grand coup de whammy (et oui, je sais que Brodsky n’utilise pas vraiment LA whammy mais l’effet d’octaver mal tracké est le même, non mais!) Qui nous rappellent forcément le dantesque solo de « Bandages » sur leur précédent effort.
Mutoid Man, c’est aussi un certain Ben Koller et oh mon dieu que cet album est jouissif côté batterie. C’est bien simple, on est à mi-chemin entre du Mastodon et du Motorhead. Comprenez que c’est fou, que ça joue super vite et technique mais que quand il faut juste revenir aux fondamentaux et taper beaucoup trop fort, on sait faire. Les intros de “Graveyard Love” et “Demons” (voire plus bas) ou encore les breaks sur absolument tous les titres en sont la parfaite démonstration.
Enfin, le facteur X, Jeff Matz. Si cet album n’a clairement pas été pensé pour faire briller la basse, il y a de grands moments de bravoure comme ces lignes toutes en tension sur les intros basse / batterie de “Graveyard Love” ou “Demons” ou encore ses harmonies dingues sur “Siphon” et surtout son apport tout du long de “Setting Sun” en clôture de l’album. Et puis le monsieur semble donner de la voix sur quelques morceaux et cette pluralité est grandement appréciée.
Alors une fois qu’on a listé les ingrédients et qu’on a dit que c’était génial, il nous reste deux exercices à terminer : essayer de comprendre pourquoi ça prend si bien, mais aussi et surtout, résumer le sentiment global ressenti après nos écoutes répétées.
Le pourquoi est forcément une supputation de ma part mais je pense que les 25 ans de carrière de Brodsky et sa grande complicité et amitié avec Koller sont les grands responsables du succès de cet album. Avec Mutoid Man, ces mecs-là ne portent pas le poids d’un genre et d’une discographie à honorer, c’est un groupe né d’une blague entre copains et qui, dès le départ ne s’est imposé aucune limite. Cela a permis aux deux compères d’explorer pendant deux albums différents horizons sans se soucier de créer un grand album et en abordant celui-ci de la même manière, avec cette identité déjà créée et avec un focus plus précis que jamais, le groupe nous délivre ici SA pièce maîtresse. De celles qui seront vite considérées aussi importantes que les plus grands albums de Converge, High on Fire ou Cave-In. Et puis, l’apport de Jeff à la basse et la production massive de Kurt Ballou sont aussi venus sublimer le tout.
Quant au ressenti général, c’est bien simple : c’est un album sans temps mort, sans raté, sans concession. Un album puissant et droit dans la gueule, sans aucune prétention mais avec de l’ambition, un combiné de folie et de maîtrise. Un album qui se paye le luxe de durer pile le temps nécessaire et de se terminer sur un chant aérien sur fond acoustique d’une beauté inédite pour le combo. Bref, “Mutants” est une énorme baffe dans la gueule, un album colossal, qui va truster un sacré paquet de tops de fin d’année, à commencer par le mien.
Last modified: 12 septembre 2023