All aboard the Desertfest London 2023 train ! C’est la tête à peine reposée et en concurrence directe avec le couronnement que le Desertfest suit son cours sur cette deuxième journée. Un samedi très chargé en tête d’affiches que vous pourrez retrouver sur la Piccadilly Line, mais également bon nombre de pérégrinations hors de sentiers battus sur notre Northern Line, la ligne des aventuriers. Choisissez votre plateforme, c’est parti ! (Photos : Tim Bugbee et Jessy Lotti // Textes : Matt et Sofie Von Kelen)
Piccadilly Line : Passant par les plus grandes stations touristiques, elle se permet tout de même quelques détours surprises. Votre chauffeur s’appelle Matt et vous souhaite un très bon voyage.
Northern Line : C’est la ligne de l’underground et des découvertes mais elle dessert aussi quelques grands pôles, le temps d’une correspondance avec la Piccadilly Line. Ce train est piloté par Sofie qui vous recommande de bien vous accrocher.
Piccadilly Line
Station Tons
On attaque la journée avec Tons, dans un Black Heart déjà bien bondé. Musicalement, j’adhère à ce sludge doom italien mais j’avoue que sur album, le chant m’avait moins convaincu. Poussé par certaines personnalités publiques que je ne citerai pas à m’assurer d’être au premier rang pour le set, j’avoue être très agréablement surpris. Comme souvent avec ces styles de musique, c’est en live que le groupe prend tout son sens et je me régale à headbanger tout le long du set.
Station Fatso Jetson and Sean Wheeler
À peine Tons a plié son set que je me rue pour voir les derniers instants de Fatso Jetson et Sean Wheeler à l’Electric Ballroom. L’occasion aussi d’être placé au mieux pour l’enchaînement de groupes qui va suivre. Je ne verrais que les quelques derniers titres et j’ai forcément un peu de mal à rentrer dedans, mais le public semble avoir adoré ce set. Sean Wheeler joue beaucoup avec son audience, ça joue bien, et dieu ce que ces mecs ont juste naturellement l’air cool. Jalousie.
Station Dozer
Je n’avais jamais vu Dozer sur scène et personnellement j’ai adoré. Difficile pour moi de comparer avec leurs prestations habituelles mais j’ai trouvé que les nouveaux titres s’intégraient parfaitement à la setlist et que le groupe avait une très bonne énergie sur scène. De toutes façons, j’ai entendu le riff de « From Fire Fell » en live et ça, déjà, ça enterre les prestations d’un bon paquet de groupes ce weekend. Quel riff, mon dieu quel riff.
Station Weedeater
De toute cette vague de groupe au sludge gras, au bassiste barbu à casquette vissée sur le crâne et aux morceaux dédiés à cette chère Ste Marie Jeanne, j’ai toujours eu un gros faible pour Weedeater. J’avais cela dit des doutes sur leur capacité à transcender une scène comme celle de l’Electric Ballroom mais j’ai eu tort de douter. Une énergie incroyable, un public qui réagit parfaitement et un set maîtrisé de bout en bout. Un vrai moment de communion. Et je ne dis pas ça uniquement à cause des Turbojugend de Londres qui m’accompagnent sur ce set et se goinfrent des champis les plus massifs que j’ai vu de ma vie. Par professionnalisme, je me suis vu refuser leurs avances entre chaque titre mais ça ne gâche en rien l’expérience tant Weedeater a assuré.
Station Crowbar
Faisons court. Crowbar fait du Crowbar. Le public est ravi, le son est plutôt massif, les mecs ont l’air contents d’être là et les morceaux du dernier album passent décidément beaucoup trop bien en live. Une valeur sûre qui assure, c’est sûr, c’est Crowbar, votre assurance high gain.
Station Oreyeon
C’est l’instant anecdote impromptue. Le set d’Oreyeon était mal engagé. Et pour cause, l’un des guitaristes n’avait pas de son une fois ses pédales enclenchées. Moi et mon œil de lynx de gros geek du matos, nous avons vite trouvé la raison de ce problème mais le techos sur place m’enverra bouler de la micro scène du Dev sans même daigner vérifier ce que j’avançais. Le guitariste lance donc son set sans aucun effet et passablement irrité. Entre deux morceaux, étant au premier rang et voyant qu’il cherchait à nouveau une solution, je lui explique le problème tout bête et après un moment de déni, il se rend compte qu’en effet, j’avais raison. Il n’aura le temps que de pouvoir s’accorder dignement, le set étant déjà trop avancé pour en faire plus.
Pourquoi cette longue digression? Et bien parce que malgré ces pépins techniques, le groupe a envoyé un set de haute volée. Et c’est aussi cette capacité à faire face à l’adversité (et aux techos un peu beaucoup aux fraises) qu’on reconnaît les bons groupes de live!
Station Telekinetic Yeti
Il y a toujours, sur un tel festival, LE moment de déception. Ce concert qu’on avait coché sur le running order, ce groupe qu’on attendait tant et qui finalement, ne répondra pas à nos exigences sûrement bien trop élevées. Pour moi, ce fût malheureusement Telekinetic Yeti. J’adore le groupe sur album et surtout le dernier que je considère comme un petit chef d’oeuvre. Mais ce soir-là, dans un Powerhaus qui n’a jamais si mal sonné, le son est rikiki, nasillard, trop moderne. Et le duo ne peut que difficilement rattraper le public à l’énergie vu leur setup assez exigeant de ce côté là (un duo et pas mal de claquettes à effectuer sur le pedalboard, ça limite les possibilités scéniques). Je ne reste donc que pour quelques morceaux et décide de revoir le groupe plus tard, dans de bien meilleures conditions je l’espère.
Station Corrosion of Conformity
Après m’être frité avec le videur m’assurant que le concert était terminé alors que le rappel n’avait pas encore eu lieu, j’ai fini par être autorisé à pénétrer de nouveau dans l’Electric Ballroom, juste à temps pour « Clean My Wounds » et « Albatross » qui venaient conclure un show visiblement de grande qualité. Si j’étais mauvaise langue, je dirais que j’ai vu l’essentiel, tant ces deux tubes encapsulent à la perfection, et surtout dans ces versions jams rallongées, tout ce qu’est et représente CoC. Une prestance scénique indéniable, des riffs aussi agressifs qu’ils sont groovy et ce petit côté « on est le Metallica des gens de bons goût » qui m’a toujours charmé.
Northern Line
Station Tuskar
Si en ce doux samedi de mai, tu fais de pied de grue à l’Underworld en attendant que se dissipent les brumes de ta grasse matinée, n’aie aucune inquiétude : Tuskar va rapidement se charger de remettre ta tête dans son axe dédié. En effet, le duo du Buckinghamshire (à répéter 12 fois très vite devant un miroir) réussit le tour de force d’être à la fois sludgy as fuck mais également d’une complexité presque prog. Entre un batteur chanteur très intense et un guitariste particulièrement théâtral, le public est embarqué sur un rollercoaster émotionnel longue distance articulé autour de morceaux fleuves évoquant une B.O. de western jouée par des doomsters tout droit sortis d’un lieu autogéré. Il n’est même pas 17 heures et ceci est la première claque d’une série particulièrement mémorable…
Station Our Man in The Bronze Age
S’il y a bien un groupe que j’attends de pied ferme au milieu de toutes les alléchantes propositions du Black Heart, c’est celui-ci ! Labellisé prog par certains, post-doom par d’autres, le quintet originaire de la même province imprononçable que Tuskar n’en est pas à son premier rodéo et nous offre un soundcheck en direct avec commentaires de l’ingé son dans la façade et petites joutes verbales entre les musiciens, le tout 100 % humour british. Bref, un petit show avant le show. Et c’est parti pour 50 minutes de prog ultra-nuancé alternant envolées mélodiques et segments intensément heavy. Tom Plat et Graham Hulbert se disputent la palme des plus belles parties vocales tandis que les morceaux se déroulent comme autant d’aventures différentes mais tirées du même livre. Seul bémol, le son BEAUCOUP trop fort pour ce genre subtil et qui aura tendance à amoindrir la finesse de la performance.
Station Deathchant
La seule consigne que m’avait donné Beeho concernant ce road trip «découvertes» était d’y faire une petite place à Deathchant, improbable bande de voyous made in L.A. que j’ai du coup prévu d’interviewer un peu plus tard. On est sur une nouvelle nouvelle vague du heavy metal avec des twin guitars dingues, peu de chant (ce qui ne pose strictement aucun problème) et une harmonie entre les morceaux telle que le set entier devient une seule et monstrueuse composition machine à laver laissant, contrairement à l’accoutumée, le groupe surexcité et le public exsangue. Hasard fun de festival : les deux californiens avec qui je traîne depuis le before du jeudi sont de bons amis du groupe, l’un d’eux, Ed, recevra même un hommage public pendant le show.
Une heure plus tard, je réussis enfin à mettre la main sur les intéressés pour une interview en plein air sous le pont du canal. Hilares, les membres répondront approximativement à mes questions, mais pas avant que nous n’ayons tous beuglé en chœur plusieurs couplets de «Under The Bridge ». Revenez dans le coin d’ici quelques temps pour la lire !
Station Church of the Cosmic Skull
Ce groupe, je ne voulais pas l’écouter avant de le voir. Ou à peine. Juste le temps de comprendre que j’allais aimer. Mais je n’étais juste pas prête pour ce truc complètement dingue, ce heavy psych prog atomique dans la plus pure tradition des 70’s avec un batteur chanteur (le 3e aujourd’hui) qui me fait furieusement penser à Don Henley (The Eagles), tant vocalement que physiquement. Le son est excellent, rendant les bouchons inutiles alors que je tangue au premier rang, abasourdie par ce déluge de choristes, de riffs d’orgue et de breaks incroyablement bien foutus. La furieuse bande de Nottingham achève de lessiver mon ego déjà bien tartiné par Deathchant et je ressors de là complètement hilare, prête à m’époumoner au Dev sur ce que le hard FM des années 80 a produit de plus inavouable…
Correspondance Unsane
Piccadilly Line : Unsane c’est fou. Oui bon, il fallait bien la faire celle-ci, mais objectivement c’est moins le groupe que son public qui est fou. On se faufile Sofie et moi, dans un Underworld archi blindé. On y retrouve les mecs de Tons mais aussi l’équipe d’Arrache toi Un Oeil et on kiffe ce défouloir de violence sophistiquée. Dans la fosse, ça pogotte sec et les crânes frôlent en permanence les deux piliers du centre de la salle, m’obligent à souvent détourner le regard de la scène pour m’assurer qu’il n’y ai pas un bain de sang dans l’un des pits. Très certainement le concert le plus punk et nihiliste de ce Desertfest, tant dans l’attitude que dans l’énergie que dégage le trio. La baffe du jour.
Northern line : Effectivement, Unsane dépote comme à son habitude et l’Underworld est juste la scène parfaite pour eux. C’est extrêmement carré, puissant, clean mais pas aseptisé, bref, typiquement new yorkais, quoi… À l’heure où j’écris ces lignes, je m’apprête d’ailleurs à lâcher mon clavier et enfourcher mon vélo pour aller les voir sur les quais de Garonne dans le cadre de l’ouverture du festival Relâche. Niark niark !
Terminus
L’after party du Dev en ce Samedi soir fut… MAGIQUE ! Une DJette à mi-chemin entre Joan Jett et un personnage de manga nous offrira tout ce que le hard rock a fait de plus kitsch mais surtout de plus catchy depuis 50 ans. Chaque festivalier (et festivalière) présent tombera instantanément amoureux de cette sirène à fort caractère et parfaitement assumée dans le plus pur style des métalleuses londoniennes. Les derniers debout braillent, se tortillent autour de poteaux détournés de leur usage premier, hurlent ou s’improvisent air guitarists, le tout arrosé de gin tonic, de vin rouge sans prétention ou du fruit des derniers fûts de bière à écluser….
L’ambiance sera incroyable jusqu’au plus profond de la nuit. C’est exténués mais heureux et les yeux plein de paillettes que nous allons tous nous écrouler avec l’envie que le lendemain se conclue d’aussi folle manière.
Last modified: 14 novembre 2024