Please mind the gap between the train and Desertfest London ! Le Desertfest, et celui de Londres en particulier, c’est une avalanche de poids lourds qui peut permettre aux plus introvertis d’accéder à la majorité des têtes d’affiches stoner, doom, sludge et rétro rock en l’espace de trois jours pour ensuite pouvoir passer le reste de l’année pépère, entre hard gaming et petits comités. Mais c’est également un vivier de groupes plus confidentiels sur lesquels nous nous sommes scrupuleusement penchés cette année encore. Pour vous y retrouver, nous vous proposons donc de choisir votre itinéraire… (Photos : Tim Bugbee et Jessy Lotti // Texte : Matt et Sofie Von Kelen)
Piccadilly Line : Passant par les plus grandes stations touristiques, elle se permet tout de même quelques détours surprises. Votre chauffeur s’appelle Matt et vous souhaite un très bon voyage.
Northern Line : C’est la ligne de l’underground et des découvertes mais elle dessert aussi quelques grands pôles, le temps d’une correspondance avec la Piccadilly Line. Ce train est piloté par Sofie qui vous recommande de bien vous accrocher.
Que tu sois fan de la première heure des pionniers du genre ou aventurier défricheur adeptes de références obscures à peine visibles sur Bandcamp, tu devrais trouver ici de quoi faire frétiller ta zone cérébrale dédiée à la mémoire, ou du moins apaiser ta frustration si tu ne fais pas partie des chanceux ayant assisté à cette mémorable édition. Il ne te reste qu’à choisir ta ligne de prédilection… ou les emprunter toutes les deux !
Piccadilly Line
Station Spaceslug
J’attaque donc mon aventure londonienne avec Spaceslug à l’Electric Ballroom. Oui je l’avoue : jusqu’alors, l’Electric Ballroom était la seule salle anglaise dont j’avais pu profiter le temps d’un concert en… 2010 ! Une fois la nostalgie passée, je me mets en jambes devant ce set qui condense assez bien ce qu’on attend du weekend. Des riffs d’une lourdeur implacable, des instants plus planants et un groupe qui arrive à bien tenir son rang sur cette large scène, c’est tout ce qu’on demande. Mention spéciale aux trop rares passages en voix criée, du plus bel effet.
Station Mr Bison
C’est déjà l’heure de faire du sport, de jouer des coudes et de se frayer un chemin dans un Black Heart archi bondé (en même temps passé 40 personnes on respire plus) pour profiter un peu du set de Mr Bison. On reste ici dans de l’ultra conventionnel mais très très efficace. Le public est particulièrement réceptif, la bière est bonne et le set me met dans les meilleures dispositions pour attaquer mes grosses attentes du jour.
Station Mountains
Je dis non. On ne peut pas, en 2023, avoir un nom de groupe aussi générique. C’est inacceptable. Comment ferais-je pour retrouver ce groupe sans me taper leur 55 homonymes ? Le groupe joue son set au Dev’ (qui deviendra bien vite notre QG The Heavy Chronicles pour l’ensemble du Fest) et il apporte un peu de ce post sludge biberonné à Baroness, Mastodon et Kylesa avec des envolées vocales rappelant parfois un Biffy Clyro sous stéroïdes. Une bien belle découverte dont j’avais coché le nom un peu par hasard après quelques écoutes furtives sur la playlist du DF. No regrets !
Station Church of Misery
Nous y voilà. Retour à l’Electric Ballroom pour LE groupe que j’attendais ce Vendredi. La folie nippone s’empare d’un public conquis dès les premières notes et c’est partie pour une véritable masterclass. Comprenons nous bien, Church of Misery c’est une science du riff, un art du groove et des passages catchy, une scénographie parfaitement gérée … les mecs ont tout. Les tubes, le son, la prestance, le public. Un véritable régal et déjà l’une des toutes meilleures prestations du weekend. Quand on sait que les musiciens actuels sont tous arrivés récemment sur le projet (hormis l’indéboulonnable Tastu Mikami), ça laisse rêveur. Au passage, les Tokyoïtes nous offriront un nouveau titre de l’album à paraître cette année et c’est une tuerie. Bref, grandiose.
Station Vinnum Sabbathi
La magie du Desertfest Londres, ce sont aussi ces moments où l’on a pas forcément grand chose de prévu et où l’on suit son envie dans l’instant. Revêtant ma casquette de Sofie l’aventurière, je me risque donc à aller profiter du drone doom de Vinnum Sabbathi au Black Heart. Impossible d’avancer dans la salle archi comble mais je profite de ce mur de son d’une violence rare. Me vient tout de même une pensée cocasse : y a-t-il vraiment un groupe sur scène ou est-ce que j’assiste à un épisode de folie collective ? Car de là où je suis placé, je ne vois pas un seul petit bout de morceau de musicien, uniquement les corps en transes de mes comparses dans le public.
Northern Line
Station Kurokuma
Direction les profondeurs de l’Underworld et quoi de mieux pour introduire les hostilités qu’un groupe déclarant en interview « We were smoking a lot and listening to Electric Wizard ». Venu tout droit de Sheffield, Kurokuma groove à mort, tout en gammes néo-orientales, flangers à gogo et vocaux écorchés psalmodiant au sujet des légendes précolombiennes. Actifs depuis 2014, ils auront cependant attendu 2022 pour livrer leur premier full length pour lequel le terme rythm’n doom pourrait bien être inventé sous peu…
Station Dawn Ray’d
Underworld toujours avec Dawn Ray’d qui restera l’une de mes highlights du week-end. Imaginez trois liverpuldiens lookés crusty mais lumineux comme des chromes de custom bike fraîchement briqués. Le public déjà ultra-chaud pour Kurokuma beugle avec conviction pendant que le très charismatique Simon Barr accorde son violon électrique. Et c’est parti pour une heure d’anarcho-black intense et mid-tempo porté par la technique remarquable de ce dernier qui navigue avec fluidité entre chant black et chant clair. Il règne comme une vibe pagan mais dans un sens différent de celui auquel nous sommes habitués. Je ne pipe rien aux lyrics mais l’engagement humain et politique dégouline de chaque mot jusqu’à l’émouvant final tout en harmonies vocales a capella. Allez checker ce groupe, il y a matière à crush !
Station Earth Moves
C’est le moment de galoper le long de ma chère Kentish Town Road vers mon non moins cher Powerhaus, LA salle bien foutue garantissant une vue imprenable sur le groupe quelle que soit la taille de l’intéressé. Surprise, cette année le son est fort. TRES TRES fort. Et cela ne sied que moyennement à Earth Moves, crossover London/Brighton un peu screamo un peu post-black qui semble pour le moins galérer à s’entendre. La sauce finit cependant par prendre et lier les multiples émotions dégagées, notamment par les parties de guitare de Sam Ricketts qui riffe sur une belle Gibson Cherry et qui sait s’en servir. Dans son dos, un batteur plein de nuances, seul de l’équipe qui ne semble pas souffrir de la boucherie sonore. Côté chant, l’effet est plus mitigé avec des parties screamées du feu de dieu mais des passages en voix claire massacrés par le mix. Un groupe que l’on aurait préféré découvrir dans l’intimité du Black heart et de préférence sans l’intégralité des potards dans le rouge…
Correspondances Kadavar / Graveyard:
Piccadilly line
Kadavar, vous connaissez, moi aussi, la terre entière aussi. On sait qu’on va prendre une véritable leçon de placement scénique, d’interaction avec le public, de tubes et de rock’n’roll. Alors quid de ce set en particulier ? Et bien le trio est passé à un quatuor et c’est la première tournée sous ce format là. Personnellement je n’ai pas eu l’impression que l’apport soit si grand dans le son, les compos ou le jeu de scène mais il est un peu tôt pour s’en convaincre. En revanche, comme toujours, le groupe a fait preuve d’une maîtrise assez ahurissante et nulle doute que si ce fut mon premier concert de Kadavar j’aurais été absolument scotché. Une valeur sûre.
Dure mission que de venir clore cette soirée. Surtout après le set de Kadavar. J’adore Graveyard et la voix inimitable de Nilson alors forcément lorsque résonnent les premières notes de The Siren, mon petit cœur fond comme un carré de chocolat Cadbury sur un trottoir de Camden. Mais il faut reconnaître que le style scénique plus statique, les morceaux un peu plus posés auront un poil endormis les valeureux de l’Electric Ballroom.
Northern Line
J’avais promis du 100% découvertes et je faillirai 3 fois fois durant cette édition, notamment de soir avec Kadavar et Graveyard. Mais qui, QUI peut résister à ce plateau glamour à mort réunissant la fine fleur du rétro heavy allemand et suédois ? En ce qui concerne Kadavar et contrairement à mon collègue, je trouve que l’ajout de Jascha Kreft dédié à la seconde guitare et aux claviers apporte une épaisseur très “Purple” qui tendait à leur manquer sur les grandes scènes. Perchée sur le balcon de l’Electric Ballroom avec vue plongeante sur les festivités (et notamment un mosh pit durant Kadavar…), il est temps de céder au fandom le plus radical. La danse presque rituelle effectuée sur le set des germains en compagnie d’une prof de flamenco espagnole est suivie d’une larmichette commune lorsque les beaux gosses de Göteborg déballent leur setlist riche en lovesongs. Guimauve et sororité…
Terminus
Tout le monde descend ! En ce premier jour, point trop de folie ni d’after endiablé (du moins, rien qui n’ait fuité de Camden et ses secrets bien gardés), il faut rester en forme car demain, le trajet s’annonce bien plus long et éprouvant. Nous espérons que le voyage fût agréable et on se retrouve très vite pour le deuxième jour de report !
Last modified: 14 novembre 2024