NICK OLIVERI : « Fuck It représente ce que Mondo Generator aurait toujours dû être. »

Written by À la une, Interview

En pleine canicule, j’ai descendu une bouteille de tequila entouré des mecs de Mondo Generator. Jamais la cité des vins n’avait autant ressemblé au désert californien et l’I.boat à une generator party, lors de la venue du trio en tête d’affiche du warm-up du Black Bass Festival. L’occasion de revenir sur la sortie de leur tout dernier album « Fuck it », les 25 ans de « Cocaïne Rodéo », John Paul Jones, l’empreinte Kyuss et les spécificités du jeu de basse du chauve le plus connu de notre scène. 

Nick Oliveri (basse & chant) : “Je suis bourré en ce moment même. »

Comment pourrait-on débuter cet entretien de manière plus iconique? (Rires) Le line-up actuel est le plus stable de l’histoire de Mondo Generator et c’est de loin mon préféré en live. Qu’y a-t-il de si spécial avec ce line-up, qu’apportent les deux Mike à Mondo ?

Nick : Mike Pygmie est dans Mondo Generator depuis plus ou moins 12 ans maintenant…

Mike Pygmie (guitare) : Juste après la sortie de « Hell Comes to Your Heart » !

Nick: Il est là depuis longtemps, il est génial et il écrit de super morceaux. Mike Amster est arrivé plus tard et il répétait « allez, on joue des nouveaux titres ! » parce qu’on jouait surtout des vieilleries. Alors il nous a rejoint et on a bossé sur les nouveaux titres avec notre producteur Steve Hanford qui nous a malheureusement quitté depuis (Stevey, on t’aime). Il nous a aidé à produire cet album “Fuck It” et on pense tous que c’est exactement ce que ce groupe aurait toujours dû être. Avant ça, j’avais toujours en tête que je devais tout faire moi-même sur les albums et ce n’était pas idéal. Ce n’était pas au top jusqu’à ce qu’on obtienne ce mélange de morceaux qu’on a écrit tous ensemble. Ce n’est qu’à ce moment-là que c’est vraiment devenu parfait selon moi. 

De mon point de vue, c’est la première fois que Mondo Generator sonne comme un groupe. Qu’est-ce que cela change dans le processus d’écriture ?

N : Je n’ai plus à tout écrire et c’est vraiment génial ! Les Mike écrivent de super titres et on écrit ensemble, tout devient plus simple. Parfois on utilise des titres qui ne sont pas sortis sur tel ou tel album. Et puis Mike Pygmie écrit vraiment des chansons incroyables. J’ai juste envie de les apprendre et de jouer dessus. C’est un mix de nous trois et ce dernier album en est une très bonne démonstration. Je pense qu’il est meilleur que tous nos albums précédents.

Mike P : C’est Nick Oliveri and friends, et je crois que beaucoup de choses découlent de là. Ce ne sont pas juste des musiciens de sessions qui jouent ce qu’on leur demande, on est amis, on traine ensemble, on jamme, on fait du bruit. Il m’envoie un titre, ça me plaît alors je lui renvoie un truc etc. C’est pas du boulot, c’est que du fun. 

« Fuck It représente ce que ce groupe aurait toujours dû être. C’est un mix de nous trois, et il en est une bonne représentation. Je pense qu’il est meilleur que tous nos précédents albums. » – Nick Oliveri

Que pensez-vous de votre dernier album « Fuck It », sachant que les confinements ont été imposés alors que vous veniez de débuter la tournée promo ?

Mike Amster (batterie) : On était en tournée depuis cinq semaines en effet.

N : Je dois dire que j’étais dévasté parce qu’on venait de sortir notre meilleur album et ça nous a stoppé dans notre élan. Nous avions des tournées prévues aux US, on était super excités, on voulait continuer sur notre lancée. Stöner n’existait pas encore donc on voulait se concentrer sur les albums de Mondo Generator. C’est ce qu’on a toujours voulu. C’est la malédiction de Mondo. Bien sûr que quelque chose devait arriver. Et c’était tout à fait indépendant de notre volonté. J’ai eu du mal à le digérer. Comme je disais, c’est notre meilleur album et je crois que quiconque a une bonne oreille s’en rendra compte. Et donc nous voilà de retour. C’est toujours un album à défendre et on va enfin pouvoir faire les dates annulées aux US donc c’est une bonne chose. 

On peut entendre tout un tas de nouvelles influences sur cet album comme l’aspect plus prog, est-ce que ça vient de Mike Pygmie ?

N : Mike est très prog dans son approche et je pense que ça a été important pour ce nouvel album. C’est un putain de sorcier à la guitare ce mec, sérieux ! 

Je l’ai vu jouer de la basse et il déchire tout aussi …

N : Je sais ! Ce mec me dégoûte (rires).

Mike P : On en parlait l’autre jour. « Listen to the daze », un des titres récents, la première fois que les gens l’entendent, même si ce n’est pas du 4/4, ils ressentent le rythme du morceau.

Mike A : Je crois que c’est du 4/4, juste un peu bizarre.

Mike P : Oui mais c’est bizarre comme tu dis, c’est l’idée. Je ne l’ai pas écrit en 4/4. Ça dépend de comment tu comptes et je suis nul en maths. Il y a cette vibe assez étrange mais le morceau garde ce côté rock’n’roll qui fait que tu peux bouger la tête. Les gens ont été super réceptifs donc c’est cool.

Mondo Generator depuis 2018 : Mike Amster, Nick Oliveri et Mike Pygmie.

Sur le dernier album « Fuck It » il y a moins de lignes de chant mélodique et plus de cris typiquement Mondo, c’était un choix conscient ?

N : Je vois ça comme une question de timing et de la manière dont j’approche les paroles et le chant. Si tu prends « Listen to the Daze », Mike m’a envoyé une démo, j’ai écrit des paroles et c’était super dur pour moi de chanter tout en jouant. Donc je me suis dit que je n’allais pas me concentrer sur le chant et le jeu de basse à la fois. Je vais écrire les paroles, chanter et ensuite j’apprendrais à jouer et chanter en même temps. A l’époque de QOTSA par exemple, il m’arrivait d’écrire à la guitare et Josh ou moi trouvait une ligne de chant mais c’était compliqué, genre « comment est-ce que je vais chanter et jouer ça en même temps? ». En plus je chantais toujours en décalé. Pour répondre à la question, les morceaux de « Fuck It » sont les plus difficiles sur lesquels il m’ait été donné de chanter et jouer, comme avec QOTSA, et c’est pour ça qu’il y a plus de cris. Je ne comprends rien aux signatures rythmiques. J’ai appris à jouer seul. Je ne connais pas les détails techniques de la musique mais je la ressens. Les chiffres ne ressentent pas, les gens oui. Ils font des erreurs et moi aussi. Mais les nombres ne mentent pas et si je savais compter, je tomberais juste à chaque fois, mec !

« Kyuss lives, Kyuss dies, je ne joue pas pour la paternité d’un nom. (…) Le nom de Kyuss devrait appartenir aux fans, car ils ont amené le groupe plus loin qu’aucun label ne l’a jamais fait. » – Nick Oliveri

Pour clore le chapitre « Fuck It », on se doit de parler du morceau « Kyuss Dies ». Était-ce cathartique d’écrire ce titre ?

N : J’ai envoyé une démo à Brant (Bjork, batteur d’origine et fondateur de Kyuss) et il m’a dit : « j’adore les paroles mec, c’est de la bombe ». Donc je me suis dis « parfait, c’est tout ce que je voulais savoir ». Et puis tout est vrai, tu sais. On avait tous ces problèmes juridiques et je me suis juste barré. J’étais en mode « Vraiment ? On va se battre pour le nom du groupe ? » Kyuss lives, Kyuss dies, je ne joue pas pour la paternité d’un nom. Je veux jouer de la musique et m’éclater. Pour moi, Kyuss devrait appartenir aux fans car ils ont amené le groupe plus loin qu’aucun label ne l’a jamais fait. Dans les années 90’s, un label soutenait le groupe, ils ont injecté de l’argent et ce n’est pas allé bien loin. Alors que les fans, eux, on fait rentrer Kyuss dans une autre dimension. 

Et puis il y’avait peu de fans à cette époque.

N: Carrément. J’avais déjà quitté le groupe quand Scott Reeder et Alfredo Hernandez l’ont rejoint et qu’ils ont sorti “…And the circus leaves town”. Ils avaient joué au Bottom of the Hill à San Fransisco. Ce club a une capacité de 350 personnes et ce n’était pas du tout sold out. Comme je jouais avec les Dwarves, j’y étais, il y avait aussi Fatso Jetson et ce n’était pas sold out. Et c’était leur toute dernière tournée avant que le groupe ne se sépare. Donc même avec Elektra Records qui soutenait le groupe — le label de The Stooges, The Doors, un label avec des moyens — ils en étaient là. Ce sont les fans avec les mp3 et les copies de CD qui ont maintenu le groupe en vie. Et 10-15 ans après, c’est devenu une raison pour nous de nous battre ? Les fans devraient être propriétaires du nom. Pourquoi il appartient à un gars qui veut l’enterrer ? C’est juste dire la vérité et retourner la question. Pourquoi TOI, tu en es le propriétaire ? Pour moi, le nom revient aux fans et si ils veulent nous voir jouer, on devrait pouvoir le faire. “Kyuss dies, here comes the suits and ties.” Ça fait référence aux avocats qui viennent tuer notre groupe. C’est de ça qu’il s’agit. Ça n’appartient pas à Josh ou Scott ou qui que ce soit, ça appartient aux fans. Je le leur ai déjà dit en face : pourquoi vous vous battez ? C’est stupide.

(Nick cite “Ownership of a Pirate ship, a sunken ship, we’ll never be free.”)

N : J’ai enregistré le morceau au studio de Josh et un gars me dit « Tu vas vraiment chanter un titre qui s’appelle Kyuss Dies dans le studio de Josh ? » Et j’étais là, « Putain, mais carrément ! ». Je ne sais pas ce qu’il en pense, il l’a probablement entendue. Josh a toujours été honnête avec moi, c’est un très bon ami. Il a eu quelques problèmes de son côté mais j’aime ce mec, on a grandi ensemble. On s’aime, on se voit régulièrement. Mais pourquoi tu veux à tout prix détenir le nom si c’est pour l’enterrer ? Les gens qui détiennent le nom du groupe sont ceux qui aiment ce groupe et s’ils veulent nous voir jouer, laisse-nous jouer. C’est pour ça qu’on joue encore des morceaux de Kyuss. 

Puisque tu parles de Josh, est-ce que tu peux m’en dire plus sur l’histoire avec John Paul Jones ?

N : Josh m’a demandé de venir. Il avait Dave (Grohl) à la batterie. Il me dit de descendre le voir et qu’on va faire un peu de bruit. Je mets ma basse dans ma caisse, je conduis jusque là bas et heureusement, je laisse ma basse dans le coffre. J’arrive, on se dit bonjour et là Dave me dit « Tu sais qui c’est ça ? » Et je me retourne et je lui dis « Putain de merde, bien sûr, t’es John Paul Jones et t’es badass! ». On a parlé un peu. Je suis content de ne pas avoir sorti ma basse, j’aurais été écoeuré. J’étais quand même blasé mais ils ne le savaient pas, donc ça va. Enfin maintenant, ils le sauront !  

À l’époque, la presse faisait tout le temps des comparaisons entre moi et Josh. On avait eu pas mal de presse positive et il avait quelques critiques alors il était en mode « Dave Grohl joue dans mon groupe, bâtard, John Paul Jones joue dans mon groupe, bâtard ». (Rires) Et bon ben, il a gagné ce round. Ok frangin, merci de m’avoir présenté John Paul Jones j’avais toujours rêvé de le rencontrer. Et c’est marrant parce qu’en grandissant j’étais un grand fan de Led Zep alors que Josh pas du tout. Dave et Josh sont mes amis mais je suis vraiment content de ne pas avoir sorti ma basse. John Paul Jones joue là, donc moi je vais mettre ça à côté. Ce mec est un monstre sur son instrument, j’aurais jeté la mienne à la poubelle. C’était un plaisir et c’était absolument incroyable de le rencontrer.  

« Cocaine Rodeo » vient de fêter ses 25 ans. Est-ce que tu as des souvenirs spécifiques à partager sur cet album ?

Nick : C’était la première reformation de Kyuss. C’était en 97 donc j’ai demandé à Josh s’il voulait venir jouer de la guitare sur mes trucs. J’ai appelé Brant séparément pour lui demander de jouer la batterie sur mes titres. J’ai appelé Chris Goss pour enregistrer à Monkey Studio et puis j’ai appelé John (Garcia, frontman de Kyuss), « hey mec, viens chanter là dessus ». On a fait « Simple Exploding Man », « Cocaine Rodeo » et « 13th Floor », et vous avez tous les membres originaux de Kyuss jouant ensemble dans la même pièce. On a jammé un peu mais aucun d’entre eux n’était au courant avant d’arriver dans le studio.

Est-ce qu’on peut parler de ton jeu de basse car je trouve que personne n’en parle dans tes interviews. Si je cite Lemmy Kilmister, Cliff Burton, Geezer Butler et Gene Simmons comme tes influences principales, j’ai tout bon ? Tu rajouterais qui ?

N : J’ajouterai juste DeeDee Ramones, Chuck Dukowski, Mike Watt. Je ne peux absolument rien jouer comme il le ferait mais wow, quel bassiste ! Mais je ne retirerais aucun de ceux que tu as cité !

Ton jeu de basse est aussi iconique grâce à toutes ces petites variations ajoutées ici ou là sur des lignes de basse autrement très directes. Est-ce toujours planifié ou est ce que tu improvises sur le moment, à l’instinct ?

Nick : Ça dépend. Je me lance, tout simplement en chantant et jouant devant des publics différents, ce n’est jamais pareil. J’essaye d’ajouter des petites choses. Parfois j’y arrive et je suis trop content et parfois je me rate un peu mais je retombe sur mes pattes, un petit slide de bass et c’est reparti. Je ne vais pas m’empêcher de le faire parce que les gens viennent voir des groupes en live pour ça. Mais tu ne peux réussir sans parfois faillir, pas vrai ?

Last modified: 29 août 2022