HELLFEST 2022 Part 1/Jour 1 : enfer, pogo et canicule.

Written by À la une, Live

Clisson, temple incontesté du métal, a rouvert les portes de sa cathédrale vendredi 17 juin 2022, après deux ans de fermeture forcée. À cette édition de tous les extrêmes et superlatifs, la météo s’y est également mêlée avec des températures dépassant les quarante degrés. Le festival n’aura jamais aussi bien porté son nom : bienvenue au Hellfest, bienvenue en E.N.F.E.R. ! (PHOTOS : Sylvain Golvet – Texte : Lord Pierro et Yannick K.)

Après avoir été réveillés sans douceur par les niçois d’In Other Climes et leur metal hardcore sauvage, nous sommes lancés pour la journée. « Top ! Je suis un groupe formé en 1999 ; composé de 4 membres, je suis originaire de Suède ; où heureusement je n’ai pas gagné le concours Eurovision et je suis pourtant une machine à tubes stoner, je suis, je suis… Greenleaf ! » L’autre pays du métal n’a pas son pareil pour nous envoyer des formations de qualité à tel point qu’on se dit que le slot de 11h30 est bien ingrat en regard de leur prestation scénique. La section rythmique nous réserve un groove imparable sur lequel il est impossible de rester de marbre.

Greenleaf

Encore dans l’euphorie, nous n’aurons pas le même plaisir à assister à la performance d’ASG, pour lesquels le public était présent en masse. Pas mauvaise, loin de là, beaucoup de groupes vendraient leur âme au Diable pour avoir leur talent, mais il manquait ce p’tit truc qui transcende un set et le fait passer de « bon moment » à « concert inoubliable ». Tout l’inverse de Slapshot, les légendes du Hardcore, qui nous retournent la Warzone et lancent la bagarre tant attendue ! Ça vole dans tous les sens, le groupe est déchaîné, le rythme effréné, bref les bostoniens auront marqué leur territoire et il sera difficile de les détrôner. L’un des meilleurs concerts de hardcore au Hellfest, et pas que cette année !

Pendant ce temps, sous la chape de plomb de l’après-midi, Burning Heads alternent entre classiques issus de « Dive » ou « Escape » et du nouvel album « Torches of Freedom ». Leur hardcore mélodique fait mouche sur un public aux pieds bouillants. Mais le soleil brûlant restera leur pire ennemi tant il immobilisera les fans sur le pavé. Les lances à eau tenteront tant bien que mal de les rafraichir et on se dit que dans cette situation, des titres plus chaloupés issus d’ «Opposite » ou de « Taranto » aurait été bien plus appréciés.

Si on parle de maîtrise, il y a bien un groupe d’une constante et d’une régularité exemplaire. Il y a quelque chose de rassurant avec Elder : lorsque que vous doutez ou que tout part en couilles autour de vous, le quatuor reste un totem immuable de notre scène et ce, quelque que soit le set ou la fréquence des concerts vécus. Di Salvo sait se faire discret au chant, transporte le public compact qui entre en communion avec le groupe par le Saint Riff. Mettez vos dicos à jour : « Maîtrise » se traduit par « Elder » en anglais.

Elder

Retour vers le futur, épisode 1. La présence de Rudeboy à l’affiche n’a pas déclenché de grandes effusions d’enthousiasme… jusqu’à l’ajout de la mention « plays Urban Dance Squad ». Et là, c’est toute ma jeunesse et l’âge d’or de la fusion (on parle du groupe qui a influencé RATM, bordel !) qui réapparait le temps d’un concert incroyable. Le gars n’a pas perdu son timbre si caractéristique et quand part le riff de « Demagogue », on se croirait vraiment en 1994 ! Imparable set list qui démontre l’immortalité de morceaux de qualité.

Retour sous la Valley pour réparer un crime de lèse-majesté pour tout aficionado de virées psychédéliques : Black Mountain joue enfin sous la Valley ! Même si l’introduction à haute teneur en mellotron nous rassurait sur l’envoutant voyage que pouvait proposer les Canadiens, il faut bien reconnaître que le groupe aurait pu faire preuve d’un peu plus d’audace. On sait pourtant le groupe capable de servir des fulgurances garages avec nappage psychédélique, mais ici seule la guimauve subsiste pour se perdre dans des circonvolutions popisantes un peu fades. Rendez-vous raté.

Choisir, c’est renoncer. High on Fire ou Mastodon ? Quand on sait que les membres de Mastodon se sont rencontrés à un concert de HOF, ce clash n’est peut-être pas un hasard dans la prog’ mais plutôt un clin d’œil des organisateurs. Et l’idée de voir désormais l’une des entités les plus créatives du moment sur la Mainstage pèse dans la balance. Même si les tubes d’ « Hushed & Grimes » restent des passages obligés repris à tue-tête, on retiendra pourtant un show tourné vers la complexité et la démence des plus beaux titres tirés de  « Leviathan », « The Hunter » et même « Blood Mountain ». La meilleure image en forme de conclusion restera Brent Hinds, littéralement porté par son public, prolongeant jusque dans la foule le classique « Blood & Thunder ». Magistral.

Mastodon

Pendant ce temps-là, c’est un ouragan sonore qui va s’abattre sous une Valley pleine à craquer de festivaliers en phase de recuperation, absolument pas prêts à encaisser le set le plus lourd et le plus violent de la journée. High On fire nous tabassent sans ménagement, au rythme des frappes sauvage de Cody Willis et à la pluie de riffs que fait tomber le shaman Matt Pike. Tu voulais du gras et du sale ? Vœu exaucé.

Voilà 10 ans que Dog Eat Dog ne s’était pas produit au Hellfest ! le gang est visiblement content d’être de retour à Clisson et John Connor, le frontman le fait savoir ! Ça papote beaucoup entre deux titres, freinant par moment l’énergie positive de ce groupe. C’est qu’on a envie de sauter sans arrêt sur les tubes de « All Borrow Kings » of course ! Le sax’, véritable marque de fabrique, fonctionne toujours autant sur leur crossover des plus groovy. Décidément l’âme des nineties plane sur cette première journée.

Dog Eat Dog

Autre délice mais dans un autre genre. Entre Baroness et le public de connaisseurs du Hellfest, c’est une grande histoire d’amour, plus particulièrement depuis l’édition 2018 où tout le monde a encore en tête le set acoustique imprévu. Comme pour donner le change, leur prestation démarre avec un « Take My Bones Away » qui cloue le bec à plus d’un. Baizley se présente (toujours) en leader naturel de sa troupe mais il faut reconnaître que Gina Gleason (NDLR : notre photo en une), survoltée et à la présence magnétique, rééquilibre la fougue du chanteur. Un vrai yin et yang. Baroness joue avec ses tripes et son cœur. La setlist, multicolore, traverse les âges et les plaisirs : l’ascenseur émotionnel « Rays on Pinions », la splendeur mélancolique « Eula », la solaire « Tourniquet » à faire hérisser les poils de barbes… Baroness nous rappelle à l’envi tout le plaisir d’être là. Et le public lui rend bien. Une vraie communion, dont le paroxysme sera la reprise du riff d’«Isak» scandé par le public à l’unisson et qui fera revenir le groupe sur scène, surpris par un tel élan de reconnaissance de la Valley. Ce soir, Baroness IS love. Un des moments forts de ce premier week-end.

Le contraste est fort et malheureusement en défaveur des Deftones, qui headlinent la Mainstage 1. Le set démarre pourtant sur les chapeaux de roues avec les imparables « Be Quiet & Drive » et « My Own Summer » mais ce sera la seule chose positive à retenir du show. Amputée de son guitariste Stephen Carpenter, plus préoccupé par des questions existentielles, la formation est à la peine et son remplaçant, hésitant, pas vraiment au point sur nombre de morceaux. Ce manque de dynamique est encore accentué par les temps morts bien trop longs entre les morceaux et le final sur « 7 words » n’y changera rien. Enorme déception du jour.

Suicidal Tendencies

Heureusement, la Warzone nous réserve une belle surprise pour clôturer cette journée en beauté. 40 piges que Mike Muir et son orchestre thrash Suicidal Tendencies se font les portes paroles d’un anticonformisme rageur. Avec intelligence et humour, le prêcheur Muir en oublie parfois la musique mais se rattrape en invitant le public à monter sur scène et à foutre un bordel monstrueux en même temps que dans le pit ! Et rien que cette image vaut toutes les autres tentatives de retourner la Warzone de cette folle journée. Mention spéciale pour Tye Trujillo, 18 ans et fils de, au même poste que son père trente plus tôt, restant stoïque malgré le circle pit et les slam SUR la scène. This is history.

Last modified: 13 juillet 2022