Deux facettes du doom se produisent ce soir dans le club du 20e arrondissement. Celle de Spirit Adrift est plus proche des racines heavy du genre. Celle de Yob tend plutôt vers le post-metal et le drone. Cela posé, pas question de les départager, on est là surtout pour remuer la tête et les bras à l’unisson, peu importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.
Pour sa première tournée européenne, Spirit Adrift, projet personnel de son leader Nate Garrett, vient nous présenter un nouvel album à venir en août, composé quasi intégralement de reprises, mais aussi des extraits de la carrière encore courte mais prolifique de ce groupe. Leur recette est un doom narratif, progressif, parfois trop prévisible, aux influences évidentes de Sabbath mais aussi floydiennes ou öysteriennes (si si, ça se dit). Malheureusement, la petite scène de la Maroquinerie semble un peu étriquée pour cette musique qui appelle plutôt les vestes ouvertes à frange, un public prêt à dégainer du briquet, dans une salle aux volumes d’un stade au minimum. On ressent donc ici un manque d’envergure scénique, avec des musiciens honnêtes mais en retrait et qui font sonner le tout comme un Ghost en plus puriste, mais surtout en plus modeste. Le public semble aussi le ressentir et n’ose pas trop s’approcher, préférant remplir la salle et la fosse à l’arrivée de Yob. Dommage car sur album, Spirit Adrift ne renouvelle rien mais nous fait souvent passer un bon moment.
Yob oeuvre lui dans un doom beaucoup plus expressif, tout entièrement porté vers l’extériorisation sonore de la personnalité unique de son leader Mike Scheidt. Le résultat est un magma explosif, n’hésitant pas à malmener l’auditeur, mais surtout à l’amener progressivement vers les états intérieurs d’un trio tout entier versé dans sa restitution scénique enflammée.
Cependant, cette tournée est particulière pour Yob : 1) c’est leur grand retour en Europe après la pandémie. 2) ils n’ont pas de nouveautés à présenter, hors la réédition de leur anciens opus (en l’occurrence « Atma » qui sera joué en intégralité). Et 3) derrière les fûts c’est Dave French de Brothers of the Sonic Cloth, vieil ami du groupe, qui remplace Travis Foster en pause pour quelques temps. C’est clairement le bémol de la soirée. Malgré d’évidentes compétences de batteur, Dave n’a pas le jeu de Travis et ne se fond pas aussi bien, par une exécution manquant de souplesse et quelques hésitations et erreurs sur certains passages. On peut tout de même envisager que la cohésion avec Dave sera meilleure au fur et à mesure de la tournée. Et malgré tout, Yob se donne toujours tout entier pour le show, et le public, pas bégueule, oscille sous les coups de boutoir des trois compères.
Avant le final, Mike exprimera non sans fébrilité les difficultés subies ces deux dernières années, regrettant de ne pas pouvoir se mêler encore plus avec son public. Une émotion palpable lors d’un final à l’énergie redoublée, et qui sera agrémenté d’un morceau supplémentaire, au grand bonheur du spectateur du premier rang ayant réclamé sans cesse son Burning the Altar et qui sera récompensé. Car Yob is love, comme vous le savez.
Last modified: 10 mai 2022