Du rock au doom : les albums les plus cool de 2021.

Written by À la une, Chronique

LE TOP 5 DE BEEHO

1. Mastodon « Hushed and Grim » (Reprise Records)

2. Gojira « Fortitude » (Roadrunner Records)

3. Somnuri « Nefarious Wave » (Blues Funeral Recordings)

4. Converge/Chelsea Wolfe « Bloodmoon: I » (Epitaph)

5. Bossk « Migration » (Deathwish Inc.)

LE TOP 5 DE SYLVAIN GOLVET

1. TURNSTILE « Glow On » (Roadrunner Records)
Constamment sur le fil entre les racines hardcore et les tentations pop, Turnstile a décidé d’exploser cette année avec « Glow On » et on peut dire que c’est réussi. Grosses prod, feat d’artistes hypes et hooks hyper efficaces : rien ne nous est épargné mais l’énergie est toujours là. Mieux encore, le tout est un cri d’amour à la scène hardcore qui l’a fait naître, tel ce « Turnstile Love Connection », sorte de PMA des Bad Brains à la sauce 2021. Vivement les lives !

2. Domkraft « Seeds » (Magnetic Eye Records)
« Into The Orbit », un titre programmatique s’il en est vu l’abnégation que met le trio pour nous faire décoller pendant les 7 titres de la plus abrasive sortie stoner-doom de l’année. L’espace sonore est lui aussi bien rempli, ça déborde de partout entre la basse infra-enveloppante, les frappes continues d’une batterie pleine de crashs et les rugissements slidés d’une guitare farfouillant alternativement les zones graves et aiguës de nos tympans. Le voyage est turbulent, on y laisse quelques égratignures, c’est pas Thomas Pesquet ici !

3. Nightwatchers « Common Crusades » (Season Of Mist)
En ces temps de politique trouble, rien de tel qu’une dose de punk-rock qui ne mâche ses morceaux. Creusant à fond les plaies du passé colonial français, l’album nous régale de dix brûlots qui dézinguent, entre autres, Gilles Kepel, la laïcité à deux vitesses ou encore les forces de l’ordre. Et comme les Toulousains ne sont pas avares, ils nous ont gratifié de hooks mélodiques savoureux (« White Fathers », « A not-so Secular State Culturalism ») qui nous font remuer du cul en tendant le poing bien haut.

4. Mastodon « Hushed & Grim » (Reprise Records)
Bizarrement, on n’attendait presque plus Mastodon. Pourtant auteurs d’albums jamais décevants, on craignait quand même que la routine s’installe. Et l’annonce d’un double LP laissait craindre le surdosage. Alors oui, 1h26 c’est un peu long mais ce « Hushed & Grim » ne compte qu’un seul morceau vraiment dispensable. Le reste braconne sur les terres de la carrière du quatuor, des frontaux « Pushing the Tides » ou « Savage Lands » aux plus progs « Teardrinker » ou « Eyes of Serpents ». Mais aux grés de quelques sonorités nouvelles, le groupe ne livre pas vraiment un best of et prouve qu’on peut encore sonner inspiré après deux décennies derrière soi (à l’instar de Gojira avec « Fortitude »).

5. Blackwater Holylight « Silence / Motion » (RidingEasy Records)
Comme de nombreuses productions « pandemiques », « Silence / Motion » explore des contrées introspectives douloureuses. Cette impression de surplace dans un monde foisonnant, c’est ce qu’Allison Faris a voulu exprimer à travers ce troisième opus. Ce contraste est dans l’ADN de Blackwater Holylight, jusque dans le nom du groupe, il est ici poussé dans ses retranchements. Alliant les choeurs éthérés d’Alison à des growls intenses sur fond de trémolos et de double pédales, l’album se faufile au milieu des genres, shoegaze, dark folk, doom ou même boogie heavy pour nous faire flotter dans un état d’incertitude à la fois confortable mais jamais loin du malaise au court de ces 7 titres sinueux. Avec toujours ce rayon de beauté qui perce l’obscurité au moment où l’on s’y attend le moins.

LE TOP 5 DE LORD PIERRO

1. Domkraft « Seeds » (Magnetic Eye Records)

Depuis les premières écoutes au printemps et sa sortie, je n’ai jamais cessé de penser que « Seeds » était l’album de l’année et qu’il serait impossible à surpasser. Sept mois après, le constat est définitif : j’avais raison. Domkraft ont façonné un tel monument de Doom que non seulement ils nous ont offert le meilleur album de 2021, mais ont également pulvérisé les standards du genre en façonnant leur propre conception du doom à la manière d’un Saint Vitus, par l’ajout de passages sludge, punk ou ultra fuzzés, donnant à l’ensemble une variété incroyable tout en maintenant une unité sonore que seuls les plus talentueux réussissent. Domkraft ont planté les graines du renouveau du Doom, et les futures poussent s’annoncent délicieuses.

2. Zahn « Zahn » (Crazysane Records)

Attention pépite ! Le meilleur album de l’année dont personne ou presque n’a entendu parler ! Projet instrumental de membres ou ex-membres de groupes comme Heads, The Ocean ou Einstürzende Neubauten, ZAHN ont créé leur propre recette à base d’ingrédients bien connus mais parfois disparus, tel du noise rock expérimental, mélangés à d’autres plus reconnaissables et moins difficiles à assimiler. Le tout va vous remuer aussi fort que si vous étiez dans un shaker, vos oreilles et vos trippes n’étant pas d’accord sur le résultat. Mais parce que vous aimez les défis, vous allez y retourner sans cesse et finir par adorer cet album, sa diversité d’ambiances permettant à chacun d’y trouver un morceau inoubliable.

3. Jointhugger « Surrounded by Vultures » (S/R)

Seulement le deuxième album des Norvégiens mais déjà un album majeur, non seulement dans leur discographie, mais surtout dans le paysage musical stoner/doom ! A l’image de leurs voisins de Lowrider, Jointhugger tissent des ambiances éthérées mais sur des sonorités plus lourdes, plus massives, donnant l’impression de voir un troupeau d’éléphants réalisant un balet acrobatique d’une fluidité et d’une finesse digne de gymnastes olympiques. Le chant sait se faire discret, mais lorsqu’il vient se poser telle une nappe de brume sur un paysage cosmique, il vient vous guider dans votre voyage psychédélique pour vous montrer la beauté de cet album.

4. Year Of No Light « Consolamentum«  (Pelagic Records)

Huit ans après son dernier album, le combo bordelais nous gratifie (enfin !) d’un nouvel album. Depuis leur débuts en 2004 jusqu’à « Consolamentum » qui célèbre leurs vingts ans d’existence, YONL continuent d’asséner leur post-metal instrumental d’une noirceur et profondeur toujours plus intenses. Poursuivant l’exploration et le fil rouge spirituel des précédents albums, « Consolamentum » est le point d’orgue d’un groupe maîtrisant sa créativité et l’exprimant de la plus sublime des façons. Le meilleur album d’un groupe français sorti cette année, et l’un des meilleurs albums tout court.

5. Zeahorse « Let’s not (and say we did)«  (Copper Feast Records)

Grâce au regain de sonorités 90’s, nous voilà enfin avec un revival de qualité sans champi ni patchouli ! Les australiens nous envoient leur post-hardcore noisy droit dans la tronche,par des rafales de riffs épileptiques à vous en faire péter la nuque, où les mélodies et les refrains entêtant s’acoquinent de passages rouleaux-compresseurs qui n’arrêteront de broyer vos ossements qu’une fois réduits en poudre. Chaque morceau vient supplanter le précédent, pour être sûr des effets produits sur une audience en manque de ce genre de son depuis au bas mot 20 ans. Addictif à souhait.

LE TOP 5 DE YANNICK K.

1. BRUIT ≤ – The Machine is burning and now everyone knows it could happen again (Pelagic Records)

Il est assez cocasse de s’appeler BRUIT ≤ et de produire un ensemble de sons prenant la forme d’un film sonore réussissant autant à submerger émotionnellement l’auditeur. En tissant rock symphonique, triturations électroniques et instrumentations classiques, BRUIT ≤ restitue quatre instrumentales, quatre cycles dont la force est double. La force d’arriver à narrer une histoire, notre histoire, celle de l’homme sciant inlassablement la branche sur laquelle il est assis. La force de délivrer un plaidoyer anticapitaliste sans même prononcer une seule parole. Et in fine, cette symphonie a bien plus de résonance aujourd’hui que n’importe quel discours. (Mute) Rage Against The Machine.

2. Domkraft « Seeds » (Magnetic Eye Records)

Ne vous fiez pas à la pochette aussi originale que dégueulasse, ces sept morceaux sont bel et bien les germes d’un renouveau doom sombre et apocalyptique, relayant tout le folklore de l’occulte et de la fumette au rang de divertissement pour ado en mal de sensations fortes. « Seeds » est un aller simple vers l’enfer de la folie et du désespoir. Un chemin bourbeux cerné par des murs de guitares infranchissables d’où suinte par toutes les failles un psychédélisme vénéneux et miasmatique. Et pour vous enlever toute envie de faire demi-tour, la puissance du groove pachydermique engloutit tout le reste derrière vous. C’est massif, c’est sombre, c’est sale. Jusqu’à son cœur.

3. Kanaan « Earthbound » (Jansen Records)

Les albums de techniciens sont généralement plus excitants sur papier que sur disque. On finit par se lasser d’une overdose de prouesses ou de plans alambiqués qui ne vont nulle part, au détriment de l’émotion. Ces trois virtuoses plutôt aguerris aux sophistications jazzy et aux explorations psychédéliques ont tout simplement eu l’envie de se lâcher sur ce troisième album. Bien leur en a pris, car « Earthbound » se révèle être un monument de fuzz à la gloire des voyages spatio-temporels. De ceux que nous n’avons plus vécus depuis Lowrider ou plus récemment de Slift.

4. Gojira « Fortitude » (Roadrunner Records)

Un choix contrasté dans une sélection plutôt underground. Alors que l’aura internationale du groupe était déjà incontestable, « Fortitude » est l’album célébrant enfin ces eco-warriors à leur juste valeur en France, de Télérama à Nice Matin, en passant par Poney magazine. Et à juste titre. Ici point d’imageries démoniaques, le genre metal sert une noble cause en joignant la parole aux actes. À coups de singles uppercuts, Gojira délivre un hommage appuyé à ses pairs et au Brésil, ose les explorations chamaniques et les harmonies vocales sans rien délaisser de sa fureur et sa rage de mastodonte. Oui, Gojira est désormais le plus grand groupe de metal actuel. Respect.

5. Turnstile « Glow On » (Roadrunner Records)

L’album feel good de l’année. Poussant encore plus loin son crossover #rienàbranlerdesétiquettes que sur « Time & Space », Turnstile pousse le bouchon pop intégrant des sonorités rarement entendues sur un album de hardcore, jusqu’à dérouter certains fans. Il est encore trop tôt pour parler de game-changer mais l’énergie punk de ses fondations est toujours là et les tubes euphorisants d’apparence simplistes sauront trouver leur place dans leur setlist live. Turnstile est au sommet de son art, souhaitons leur juste que « Glow On » ne soit pas le virage audacieux mais racoleur de la formation.

LE TOP 5 DE MATT

1. Domkraft « Seeds » (Magnetic Eye Records)

Ne faites pas les étonnés, j’ai prêché partout la bonne parole cette année. Lourd, puissant, agressif mais aussi mélodique, raffiné et équilibré, il y a tout ce dont je raffole et si on ajoute à cela une production aux petits oignons et un artwork inoubliable (vive la 3D), on tient clairement mon top album de 2021.

2. Red Fang « Arrows » (Relapse Records)

Je l’aurais beaucoup attendu ce retour sur le devant de la scène d’un de mes groupes fétiches, et j’ai été très agréablement surpris par la direction noise rock avec quelques touches sludge et cette production lo-fi. Si cela ne plaît clairement pas à tout le monde, de mon côté je suis conquis, et je salue la prise de risque assumée et réussie.

3. Melvins – Working with God (Ipecac Recordings)

Leur meilleur album depuis 15 ans, tout simplement. Et quand on sait qu’en 15 ans ils ont sorti 1233 albums, ça veut dire quelque chose ! Plus inspiré que d’ordinaire mais toujours inattendu, c’est un album qui ne peut que ravir les fans.

4. Kavrila « Mor » (Narshadaa Records)

Je ne suis pas objectif lorsqu’on parle des groupes d’Hambourg, mais j’ai toujours de la place pour une dose de violence, de noirceur et de cette voix criée d’une honnêteté frappante. Ça tape fort, ça castagne même mais bordel qu’est-ce que ça fait du bien. Surtout que les gus s’amusent toujours à truffer leurs créations de petites additions saugrenues.

5. Baron Crâne « Les Beaux Jours » (MRS Red Sound)

Un autre groupes que je suis depuis leurs débuts, j’avais été un peu déçu par le précédent album, trop longuet, posé et psyché pour moi. Ici, retour aux riffs en ⅞  et aux plans quasi math rock, mais avec le gras d’un stoner assumé et toujours les envolées mélodiques de qualité. Sophistication sans prétention, je dis bravo.

Last modified: 28 janvier 2022