Interview – HANGMAN’S CHAIR : « On connaît l’impermanence des choses. »

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Desertfest Anvers, 20h25 tapantes devant la Canyon Stage. La dernière fois que j’ai vu HANGMAN’S CHAIR sur scène, je crois que le cul de Chirac était encore posé à l’Elysée… Depuis lors, le sludge brut de décoffrage des origines a peu à peu pris des allures de post-hardcore aux effets travaillés et flirtant outrageusement avec le goth, tandis que la moiteur néo-orléanaise a reculé devant l’haleine glaciale des fin de nuits urbaines. Prenant de saines distances avec leurs influences des débuts, Hangman’s Chair a taillé son propre son à même la pierre de ses origines parisiennes et revendique une maturité transparaissant sans équivoque dans les extraits accessibles de leur nouvel opus à sortir en février chez Nuclear Blast. Le set commence et la baffe est magistrale. Médusée, je signe avec mon sang charriant du rhum bon marché une adhésion à vie à leur fan club. Mais remontons d’abord le temps de quelques heures, lorsque les fondateurs du groupe, Mehdi et Julien, répondaient à mes quelques questions parfois insolites autour d’une table du backstage. (PHOTOS hors couverture : Sylvain Golvet)

Un jour, un membre du groupe de doom death Disembowelment m’a dit que pour lui, la naissance des musiques heavy remontait à l’opéra de Wagner Lohengrin. Quelle est votre théorie sur l’origine des musiques heavy.

Ensemble : Ah oui, carrément ? Ça commence fort ! On n’avait pas prévu ça ! (Rires)

Julien Chanut (guitare) : Effectivement, on pourrait croire que les musiques heavy sont nées avec la musique électrifiée, mais certains trucs de blues ou de classique peuvent être aussi lourds et intenses que Black Sabbath.

Mehdi Thépegnier (batterie) : Notre background est plus centré sur le punk et le hardcore. Avec le temps, on a naturellement dérivé vers la scène southern et des groupes comme Acid Bath, Buzzoven ou Eyehategod qui sont eux-mêmes très influencés à la fois par le punk et par le blues. On a également écouté pas mal de choses plus 70’s comme Pentagram ou Trouble, des groupes très forts pour nous et que l’on écoute encore. Quoi qu’il en soit, on conserve un certain héritage des premières formations de heavy, plus particulièrement au niveau du volume, des effets ou de la puissance. Après, notre son a beaucoup évolué. On était peut-être plus heavy au début, et maintenant moins, à mesure que l’univers du groupe s’élargit.

Julien : Pour moi le terme heavy englobe de très larges possibilités, et je considère que l’on reste heavy même si la texture et la couleur ont changé. Notre son est moins rauque qu’avant, moins harsh, plus produit avec beaucoup d’effets et un résultat plus ambiant. Avant on arrivait sur scène en mode plug and play, alors que maintenant on gère un matériel beaucoup plus complexe avec beaucoup d’effets.

Alors justement, tu viens de boucler sur ma deuxième question : quand est-ce que vous avez eu l’impression de trouver la patte, la signature sonore de Hangman’s Chair ?

Mehdi : Au moment de « Hope///Dope///Rope ». Je pense que là, on a réussi à définir notre véritable identité, une couleur, une manière plus personnelle de nous exprimer alors que sur les deux premiers albums, on se cherchait encore un peu même si les choses sortaient de manière très naturelle.

Julien : Oui, à ce moment-là, on a réussi à concilier le hardcore que l’on écoutait plus jeunes avec ce que l’on écoute maintenant, et à créer une bonne alchimie.

« Après cinq albums et un sixième à sortir, on essaye d’aller davantage à l’essentiel. Avant on s’égarait beaucoup.« 

Quels sont les groupes qui tournent le plus sur vos platines et vos players en ce moment ?

Mehdi : Moi je mange énormément le dernier album de Quicksand. On a aussi découvert le nouveau Modern Color, qu’on a trouvé excellent. Il y a aussi Drug Church, le dernier Turnstile, tout un revival hardcore 90’s qui nous fait du bien et qui apporte un vrai vent de fraîcheur. On avait un peu lâché cette scène qui avait tendance à tourner en rond, et on apprécie vraiment ce renouveau.

Julien : Il y a aussi The Sound, The Chameleons, Sad Lovers and Giants, toute cette scène anglaise un peu punk. Tous ces groupes font une musique finalement assez froide et minimaliste, et c’est ce que l’on a recherché pour le nouvel album. Un seul riff de guitare et se tenir à ça.

En somme un fond très épuré et une forme très travaillée ?

Mehdi : Absolument. On a une manière de composer assez différente de celle de nos débuts. Après cinq albums et un sixième qui va sortir, on essaye d’aller davantage à l’essentiel. Avant on s’égarait beaucoup.

Julien : Cela dit, on fait toujours un ou deux morceaux plus longs. On aime le prog, donc il y aura toujours des riffs qui tendent vers l’uplifting.

« Si tu veux qu’il y ait des belles choses, comme avec la signature chez Nuclear Blast, tu dois accepter qu’il y ait des moments plus compliqués. On sait tous que la redescente peut arriver n’importe quand. »

Si vous pouviez remonter le temps et changer quelque chose, le feriez-vous? Pas nécessairement au niveau musical, mais au niveau des choix concernant le groupe

Julien : Non, car il a fallu en passer par là pour arriver à ce que l’on est. Si on n’avait pas fait des albums dont on est un peu moins fiers, on ne réussirait pas à faire ce que l’on fait aujourd’hui.

Mehdi : Hangman’s Chair existe depuis 2005, donc forcément, on a parfois fait des mauvais choix en matière de management ou de label.

Julien : On a beaucoup appris de ces erreurs. Sans elles, on n’aurait peut-être pas signé chez Nuclear Blast.

Mehdi : Ce sont les choses de la vie et elles nous construisent. Et dans le fond on ne regrette rien. On se connaît depuis qu’on a 12 ans, on a commencé la musique ensemble. On a vécu toutes ces montagnes russes ensemble et c’est ce qui fait la beauté du truc. On n’a jamais lâché et on continuera toujours. Si tu veux qu’il y ait des belles choses, comme en ce moment avec la signature chez Nuclear Blast, tu dois accepter qu’il y ait des moments plus compliqués. On sait tous que la redescente peut arriver n’importe quand.

Julien : Là on est en pleine montée, on en profite, mais on connaît l’impermanence des choses.

On parle un peu du prochain album, à sortir chez Nuclear Blast Records ?

Mehdi : Il est prêt, enregistré et les singles sortent petit à petit. On en a sorti un premier en mai avec l’annonce de la signature (« Cold and Distant »), un deuxième au début du mois d’octobre (« Loner »), et un troisième est prévu pour novembre accompagné de toutes les infos au sujet de l’album.

Julien : On l’a enregistré en décembre/janvier dernier, il y a presque un an donc, et on est pressés qu’il sorte.

Mehdi : La période a été bizarre avec ses nombreux décalages, mais au-delà de cette histoire de Covid, il y a eu une volonté du label de prendre un peu plus de temps pour développer des choses en amont, de la jouer un peu plus stratégiquement au lieu de sortir l’album en pleine période de creux. Ce qui sera bien plus porteur, notamment au niveau de l’étranger où on est en plein développement. Donc en prend notre temps, même si on a hâte de dévoiler les choses avec l’annonce de novembre.

« Grâce à des groupes comme Gojira ou Alcest qui ont ouvert des portes, les gens commencent à prendre les Français un peu plus au sérieux.« 

Vous avez gardé Francis Caste à la production ?

Mehdi : On est restés chez Francis Caste au Studio Sainte-Marthe, et c’était super. On se connaît tellement parfaitement que l’on ne perd pas de temps à s’expliquer. Il y a une alchimie naturelle avec lui et on a très bien bossé. C’était pourtant une période complexe pour nous, car notre local de répétition était fermé. Heureusement, grâce au logiciel créé par Francis et qui permet de répéter à distance en temps réel, on a pu jouer ensemble, chacun chez soi et on a composé tout l’album comme ça. C’était assez particulier et une première pour nous, mais on était contents et surtout productifs.

Julien : C’est vrai que ça nous a changé de nos habitudes. Normalement on répète beaucoup ensemble, on travaille un peu les arrangements chez nous, et ensuite on va en studio mais là, les pré-prods en étaient déjà à l’étape studio. On est arrivé à Sainte-Marthe avec un produit quasiment fini. Évidemment ensuite au studio, il y a toujours une petite magie qui s’exerce mais en arrivant, on savait déjà exactement où on allait.

Comment voyez-vous le futur de la scène heavy française ?

Mehdi : Malgré le fait que la scène française souffre du fardeau du frenchie ayant du mal à s’exporter, on remarque que les choses changent petit à petit. Grâce à des groupes comme Gojira ou Alcest qui ont ouvert des portes, les gens commencent à prendre les Français un peu plus au sérieux. Autour de nous maintenant, on voit des groupes comme Regarde Les Hommes Tomber ou Céleste qui progressent à l’international. De toute façon, étant donné ce que l’on vient de vivre, le futur ne peut être que bon ! Il y a une véritable envie des gens et des groupes.

Julien : Quand tu vois que le Desertfest est sold-out, ça montre que le public est motivé et ça fait vraiment du bien!

Un peu de sang neuf que vous voudriez recommander ?

Mehdi : Mütterlein, un groupe de Saint Brieuc avec un ancien membre d’Overmars. Il y a aussi E-L-R, ce groupe suisse super chouette avec lequel on a tourné.

Julien : E-L-R et Mütterlein ont été vraiment des découvertes et des coups de cœur. Maintenant on se suit et on espère rejouer ensemble.

Nouvel album « A Loner » disponible le 11 février 2022 chez Nuclear Blast Records.
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Last modified: 19 novembre 2021