AAL et EHA. On en sait toujours pas plus de LOW FLYING HAWKS tant et si bien que l’on se rabat sur la participation (médiatique) de Trevor Dunn, bassiste chez Mr Bungle, et Dale Crover, batteur chez Melvins, en guise d’introduction du groupe — les deux side guys faisant office de section rythmique certifiée platine pour attirer le chaland. Mais que l’on ne s’y trompe pas. Même s’ils préfèrent se murer dans le silence, les multi-instrumentalistes AAL et EHA n’en sont pas moins talentueux et créatifs pour travailler avec un duo de ce calibre.
Et c’est avec une certaine impatience que l’on attendait ce « Fuyu » (« Hiver » en japonais), coda d’une trilogie planifiée de longue date et basée sur le mythe grec de Sisyphe. Ce roi de Corinthe a été cruellement condamné par les dieux de l’Olympe à pousser éternellement un rocher sur une colline, seulement pour le voir glisser et dévaler la pente à chaque fois qu’il approchait du sommet.
Ceux qui suivent le groupe depuis « Kofuku », savent que ces faucons nous offrent une version très nébuleuse du doom. S’ils poussent le genre dans des espaces peu fréquentés, ils souhaitent le faire avec finesse et intelligence. Malins, ils puisent dans tous ce que peut offrir l’antagonisme de leur duo : l’un cherchant le détail et le sens de la mélodie, l’autre la sauvagerie et la rugosité. Et ce « Fuyu » représente une certaine forme de parachèvement de cet exercice, comme un voile de satin recouvrant la fondrière.
Si l’attaque de l’album « Subatomic Sphere » se révèle être un efficace single à haute teneur de groove d’outre tombe et de chants death venant combler les vides, celle-ci est finalement très peu représentative de ce que nous réserve les 60 prochaines minutes. « Fuyu » est une chimère qui change constamment de forme au gré des émotions véhiculées. Pour maintenir une certaine forme d’intérêt sur un disque de cette longueur, les Hawks se devaient d’insérer des intermèdes sonores contrebalançant la lourdeur de leur doom et la poisse de leur sludge ; Même si les constructions longues, lentes et parfois tortueuses de certains titres peuvent en laisser plus d’un sur le côté de la pente.
La très post-rock « Monster » agrémentée de violoncelle, se mue ainsi en un sludge funèbre où les chants death sifflent la mort. Il en est de même sur « Caustic Wing », lorsque Dale Crover vous entraine hors du bourbier grâce à une rythmique space rock des plus euphorisante. « Fuyu » quant à elle, aux guitares agitées et brouillées vient compenser « Midnight » où les violons viennent trainer leurs spleen en plein songe. Les Hawks savent piocher dans des styles musicaux très variés pour exprimer leurs émotions : désespoir doom, rêveries post-rock, espoir en forme de pop lumineuse, vague à l’âme shoegaze, cauchemars et délires psychés… Très variés voire complètement antinomiques, on l’a déjà dit auparavant. Sisyphe trouve son bonheur dans l’accomplissement de la tâche qu’il entreprend et non dans l’espoir vain d’atteindre son but. C’est le sens de notre vie, faite de hauts et de bas, de moments forts et heureux, mais aussi plus contrastés, parfois sombres ou injustes. A l’image de cet album. L’essentiel est d’apprendre de tous ces instants.
Il faut de la patience et une certaine ouverture d’esprit pour apprécier toute la musique de LFH. L’album est riche, dense et plusieurs écoutes sont certainement nécessaires pour en apprécier toute la complexité de sa construction. Tel Sisyphe qui remonte inlassablement la pente, vous reviendrez à « Fuyu » pour en saisir tous ses détails.
Last modified: 7 septembre 2021