Le terme « prog » est souvent galvaudé dans les critiques d’album et je suis moi même coupable de cet abus de langage. Une signature rythmique qui sort du binaire traditionnel ? Une tentative fugace de polyrythmie ? Une progression d’accords audacieuse ? Et voilà que je crie au prog. Pourtant ici avec « Family the Smiling Thrush », impossible de le nier, BOSS KELOID propose un véritable hommage au hard prog 70’s originel.
Au delà des éléments que je viens de citer, il y a une véritable esthétique que tous les descendants de Magma et Hawkwind se doivent de respecter. Les leads de guitares lisses, les arrangements complexes, la batterie au timbre le plus intemporel possible, les guitares 12 cordes, le chant principalement mélodique et très travaillé avec ses envolées dignes de l’opéra, les morceaux à tiroirs, l’album concept, la production un poil désuète et les synthés. C’est aussi tout ça, l’héritage du hard rock progressif.
Et BOSS KELOID rend une copie exemplaire de ce point de vue là. L’album est à la fois aussi pompeux, prétentieux et ambitieux que ceux auxquels il rend hommage mais, paradoxalement, cela n’en fait qu’un effort plus honnête et décomplexé. Seuls quelques riffs plus puissants, quelques fuzz bien senties, quelques parties de chant rageurs viennent nous rappeler que le groupe a vu passer tous les courants de musique alternative des années 80 à 2000, avant de proposer sa version du hard rock prog 2.0. “Hats the Mandrill” est sûrement le titre sur lequel le groupe réussit le mieux à conjuguer ses influences. Si l’intro se veut lourde et nous rappelant un metal prog très moderne, le morceau appuie davantage son trip nostalgique avec l’arrivée du chant et surtout de ce refrain presque cheesy mais diablement efficace.
Les trois premières secondes de “Smiling Thrush” sont aussi particulièrement violentes, même si pour le reste, le morceau tombe dans un mélodramatique plus proche de Genesis que de Mastodon. Heureusement, le final propose quelques dissonances salvatrices. Mon coup de coeur va à « Grendle », probablement parce que le morceau est plus barré que les autres et qu’il y a, tant dans les riffs que les harmonies vocales, des relents de tonton King Buzzo dans ses élucubrations les plus folles.
Longtemps j’ai trouvé cet album indigeste malgré ses (seulement) sept titres. Je n’étais simplement pas dans les bonnes dispositions pour l’accepter pour ce qu’il est, sans tenter de lui apposer mes propres attentes et fantasmes. Oui, j’aurais préféré plus de bruits, plus de puissance, moins de chichis aussi, afin de mettre plus en avant les innombrables bonnes idées dont l’album regorge. J’avoue cela dit qu’après avoir écouté « Family The Smiling thrush » en lui accordant toute mon attention et en abandonnant les à priori que j’avais sur les premières écoutes, il apparaît plus profond et se révèle petit à petit à moi.
Afin de remettre l’album dans le contexte de la discographie de BOSS KELOID, gardons en tête que c’est, déjà, leur cinquième album depuis 2010 et de très loin le plus prog et le plus ambitieux. Moins rageur que les trois premiers, moins expérimental que « Melted On The Inch », ce n’est définitivement pas ma facette préférée du combo mais l’expérience vaut le coup d’être tentée, tant la proposition est forte et assumée et tant elle paraissait être une suite logique et inéluctable pour le groupe.
Last modified: 11 juillet 2021