Quand cet article paraîtra, vous aurez déjà tout lu, tout entendu, tout vu au sujet du dernier album de GOJIRA, « Fortitude ». À quoi bon en rajouter une couche, me direz-vous, quand certains seront déçus par la tournure prise alors qu’un autre public trouvera cette « musique extrême » bien plus acceptable. Parce que Gojira devient et restera une référence en matière de parcours discographique. « Fortitude » est le septième album du groupe au bout de 25 ans d’une carrière sans aucune fausse note. On a tous nos préférences dans leur parcours mais en restant objectif, il n’existe pas de « mauvais » album de GOJIRA. Rien que cela, dans le paysage musical actuel noyé sous un flot continu de bouses peu inspirées, c’est déjà un exploit en soi. Pour un blog de musique Heavy, il serait absurde de ne pas publier un texte à ce sujet. Bien sûr, Gojira n’aura pas besoin de cette tribune, alors profitons-en pour publier un billet d’humeur, et évoquer leur engagement certainement aussi fort que leur déflagration sonique.
« Fortitude » ne surprend pas vraiment. Il apparaît finalement comme une collection efficace de tous les effets de manches des frères Duplantier. Comme pour Mastodon, l’époque d’une créativité débridée est certainement révolue et on ne revivra probablement plus l’effet de surprise procuré par « From Mars to Sirius », d’une richesse, d’une technicité et d’une complexité inouïes. Et certainement trop élitiste. Dont acte.
Mais s’il y a bien une chose universelle dans sa musique depuis les débuts du groupe (quand il se nommait encore Godzilla), c’est bien son discours, son combat. Voilà 25 ans que Gojira exhorte l’humanité aux changements grâce à des textes écologiques et spirituels inspirés par les philosophies tibétaines. Une approche artistique humaniste qui a permis au groupe de largement dépasser la sphère metal et qui prend tout son sens sur ce nouvel album, dont le titre se traduit par « Courage ». Le courage de combattre les injustices, de refuser la cupidité de l’humain, de résister et de défendre ce qui vaut la peine d’être défendu. Une grande partie de l’album est un hommage aux communautés indigènes et leur résistance quotidienne face à l’inhumain. Beaucoup ont reconnu le clin d’oeil appuyé à Sepultura sur le titre « Amazonia », teinté d’une force tribale certaine à la « Roots Bloody Roots ». C’est oublier l’engagement des membres initiaux du groupe brésilien en faveur de la cause indienne, et de leur heavy metal à forte conscience sociale.
De l’ère « Magma » (la thérapie), on retiendra un Gojira moins extrême dont la fureur apparente pouvait aussi cacher une sensibilité à fleur de peau. Cette humanité, transposée aux chansons de « Fortitude », confère à cet album un aspect universel et bienveillant (« The Chant », « The Trails ») et certainement pas une tentative de racolage passif de l’auditoire radiophonique. Joe et Mario restent à leur meilleur avec leurs riffs déchiquetés au barbelé, et leur groove polyrythmique destructeur. Ils ne mettent plus leur talent au service d’un style hyper codifié et complexe (mais aussi décourageant pour d’autres). C’est désormais au profit de chansons exutoires à la force revendicatrice décuplée et au message fédérateur. Et selon moi, il est bien plus compliqué de hisser une œuvre vers un paradigme metal que de flatter les inconditionnels d’une chapelle musicale.
Dans les années 90, Rage Against The Machine était un cocktail molotov musical, l’expression d’une rage juvénile. Gojira a de quoi en prendre le même chemin pour tous les combats post-pandémie qui s’annoncent. On ne retiendra pas « Fortitude » pour sa musicalité mais pour l’aspect fédérateur et universel de son propos. Et quand le groupe joint la parole aux actes avec sa collecte de fonds, on dit Respect. La musique se partage, ne l’oublions pas. Et là je ne rêve qu’une chose, bordel : lever mon poing et gueuler ces titres dans la fosse d’une Mainstage.
Retrouvez Gojira sur Facebook et leur site officiel.
Last modified: 13 mai 2021