DOMKRAFT est à l’avant garde d’un renouveau dans le large éventail du doom et du sludge. Longtemps, il fut considéré comme blasphématoire de tenter d’insuffler une énergie et une esthétique nouvelle à ces genres dédiés aux initiés. S’il a toujours été encouragé pour les groupes de mixer ces styles avec des influences plus thrash, plus stoner, plus noise, prog ou même black, il fallait garder au coeur de sa proposition musicale la lourdeur, une passion pour l’occulte et la fumette, un goût pour les production sales et un respect total pour ses ainés. Du conformisme chez les anticonformistes en somme.
Domkraft, à l’instar de Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs par exemple, se détache de cette vieille école. Et pourtant, personne ne peut retirer au groupe ce pedigree Doom Sludge. Depuis les murs de fuzz instables, jusqu’au chant rare et lancinant en passant par cet amour des tempos lents et la batterie en retrait, tout l’attirail est là. Mais Domkraft se démarque par cette force de personnalité et ce refus de régurgiter bêtement les références.
« Seeds » est le nouvel album de Domkraft et le monde n’est pas prêt. Après 2 albums, 2 EP et 2 live, le monde n’est toujours pas prêt. Pas prêt à prendre dans la gueule une production aussi massive, puissante et moderne signée Karl Daniel Liden (Dozer, Greenleaf, etc.). Pas prêt pour ces compositions à tiroirs qui n’hésitent jamais à sortir du carcan des fréquences basses pour nous offrir des leads guitares, acérées comme sur un vieux Stooges. Pas prêt pour l’esthétique délurée du combo suédois (non mais regardez moi ce délice de pochette en 3D Old School au design néons 80’s!).
Avec Seeds, Domkraft sème les 7 graines de la destruction. Il ne faut que 7 titres et 44 minutes pour mettre tout le monde d’accord. Le titre éponyme d’ouverture nous permet de nous accoutumer à cette production, véritable démonstration de force et nous berce par ces semblants d’accélérations à chaque incursion de guitare lead. Ensuite, vient « Perpetuator », qui poursuit dans la même voie mais propose une ambiance parfois plus planante bien que chaotique. Chaos qui sera encore plus présent sur le très noisy et déstructuré « Into Orbit ». Mention spéciale à la basse monolithique, aux cymbales perdues dans l’espace et à cette voix un peu plus mise en avant.
On arrive à la moitié du disque et on a pu profiter d’une progression logique, cohérente et particulièrement prenante. « Dawn of Man » nous ramène vers un sludge plus viscéral, aux accents presque Melvinesque et qui marquera surtout par l’inversion des rôles. La basse est chargée en fuzz jusqu’à l’overdose tandis que la guitare joue les chefs d’orchestre mécaniques et froids.
Si on vous demande un jour ce qui sépare le sludge du stoner, ça tient peut être à l’ouverture de « Tremors ». Les légères dissonances et surtout cette fuzz à deux doigts de s’effondrer sur elle-même à chaque instant. Pour moi c’est ça le sludge. Ce titre nous propose une structure plus barrée et surtout ces incursions étranges d’une guitare bruitiste presque random, surprenant mais définitivement de bon goût. Une petite piste d’ambiance avec « Krank Blekhet » et débarque le titre final et le plus long de l’album « Audiodome ». Pourtant il démarre sur les chapeaux de roues avec un riff presque punk, poussé jusqu’à son paroxysme, déconstruit jusqu’à virer au post metal avant qu’enfin, pour les quelques ultimes minutes de l’album, un tempo plus lent et un rythme quasi militaire vienne prendre le relais et finir de nous anéantir. Domkraft, littéralement le jugement par la puissance. C’était écrit.
En 44 minutes, Domkraft nous offre tout son talent et une leçon de production, d’écriture et de conception d’un album. Malgré son caractère trop confidentiel, c’est indéniablement la perle doom sludge de ce début d’année et un concurrent sérieux au titre de meilleur album de 2021!
Last modified: 9 mai 2021