Les Mothersludgers ont-ils encore frappé ? Komatsu et moi, ce n’est pas une histoire d’amour mais plutôt le fantasme chelou qu’on croise dans un rêve un peu brumeux. À chaque écoute du combo d’Eindhoven, j’ai un sourire béat et la bave aux bords des lèvres tout en étant pleinement conscient des limites du groupe. Ils m’ont toujours fait penser à cette catégorie de formations que j’appelle « les losers magnifiques ». Les ASG, les Karma to Burn, ces groupes attachants aux limites évidentes mais débordants de sincérité.
Chez Komatsu il y a toujours la lourdeur, une prod à mi-chemin entre sludge et stoner, des riffs percutants et surtout des leads guitars un peu dissonantes que j’affectionne tant. Et puis ce chant un poil approximatif manquant d’un peu de coffre, mais pourtant si emblématique du combo.
Autant dire qu’à l’annonce d’un nouvel album, je me suis jeté sur ce qui était ma plus grosse attente de 2021. Et pourtant j’avais une boule au ventre. L’arrivée chez HPS qui ne se spécialise pas vraiment en sludge rock, un artwork très flower power, et surtout les premiers titres révélés qui lorgnaient plus côté désert californien que marais de la Nouvelle-Orléans… J’ai eu peur.
Choix assez inhabituel, l’opus se forme quasiment entièrement autour d’un decrescendo. Le premier titre est plus envolé que le second, ce dernier plus enragé que son successeur, etc. On passe d’éléments presque sludge sur le classique « Stare Into the Dawn » à du rock alternatif superbement bien foutu sur « Solitary Cage », au stoner blues posé et sudiste de « The Suit », « Blue Moon » et surtout « Son of Sam ». Finalement, on arrive sur du rock psyché à base de trémolo sur l’intro de l’instrumental « Rose of Jericho » qui nous renvoie plutôt à du All Them Witches. Il faut attendre ce point de non retour pour retrouver un temps la lourdeur et la crasse typique de Komatsu sur la final du titre, qui reste l’une des plus grosses réussites de l’album. Malheureusement le trop maîtrisé « Blackbird » et le trop posé « Call of the Wolves » ne remonteront pas vraiment la pression.
Alors que retenir ? Il faut d’abord noter l’énorme travail effectué sur les guitares. Les leads guitares sont omniprésentes, font mouche et son assez diversifiées pour assouvir nos envies de guitar hero tout autant que notre besoin de bizarreries. On pense notamment à ce sublime final de « Solitary Cage », les envolées de « Son of Sam » et surtout ce « Rose of Jericho » jouissif. Clairement LE bon point de l’album. Le chant est également bien plus travaillé qu’à l’accoutumée et on ne s’en plaindra pas.
« Rose of Jericho » est un bon album mais il est particulier. S’il on aime chez Komatsu son penchant stoner, on sera ravi. Si on préfère, comme moi, le côté rock’n’roll sludge de leurs débuts, on risque de rester de marbre. L’album étant très court, on n’a pas le temps de s’ennuyer, mais je regrette de fait l’absence d’un ou deux titres plus expéditifs. Le parti pris d’un album plus stoner blues peut s’entendre mais j’aurais alors préféré que ce concept soit plus poussé et assumé. Enfin, la structure de l’album est originale mais constitue un gros risque. Si l’auditeur se laisse bercer, il vivra une épopée des plus agréables, mais le risque de décrocher ou d’être catalogué « album de fond sonore » n’est pas bien loin. Qu’on aime ou qu’on déteste, il y a eu beaucoup de travail sur cet album et on attend de pouvoir recroiser Komatsu sur les routes pour voir comment ces titres se défendront sur scène.
Last modified: 27 mars 2021