En cette saison où la lumière diminue, laissant place à plus d’obscurité, et où l’actualité ne fait que déverser son lot d’obscurantismes, nous arrive à point nommé « Petrichor », premier album du groupe parisien QILIN. Après un premier EP qui lui aura permis de croire en son potentiel, c’est désormais un vrai Long Play qui déboule pour tenter de nous extirper de la morosité ambiante.
Rien de tel pour s’évader l’esprit que d’enfourcher ce QILIN, animal mythologique chinois, sorte de cervidé à écailles, étrange croisement de dragon et de cerf, et de divaguer le long de ces six aventures fantasmagoriques. Grâce ses textures purement instrumentales, la musique du quatuor n’est ainsi jamais monotone, au sens premier du terme, puisque Qilin ne jouent pas que sur un son ou une ambiance. Variant les rythmes, chaque instrument participe à confectionner des passages marquants, sans qu’aucun ne prenne le dessus mais offrant le meilleur de lui-même.
Mais l’épaisseur du son doit beaucoup à la basse de Ben, qui lorsqu’elle est mise en avant, rappelle le meilleur de Windhand et leur chef d’œuvre « Soma », avec des envolées explosives emplissant l’air telles des ondes de choc. Les atmosphères qui se dégagent alors laissent le champ libre à l’auditeur pour se créer son propre imaginaire, à peine aiguillé par les titres des morceaux faisant référence à d’autres créatures mythologiques, que je vous laisse soin de retrouver afin de vous laisser profiter totalement de l’expérience sonore.
Et lorsque vous vous serez laissé aller au gré des pérégrinations de la bête, perdu dans ce labyrinthe sonique dont on ne veut pas vraiment trouver l’issue tant la musique pénètre la chair et se propage jusqu’au cortex, la décharge de bien-être sera totale. À l’image de la tortue du sublime artwork par Jo Riou, nous sommes définitivement transportés vers des horizons meilleurs, lentement mais sûrement, afin d’apprécier chaque étape de ce riche itinéraire. Tel le pétrichor après la pluie, c’est ici la propagation dans l’air d’effluves psychédéliques, comme une ode au voyage par le son, que nous offre Qilin. Une réussite inattendue qui fait un bien fou à respirer à plein poumons.
Last modified: 13 novembre 2020