L’idée de se filmer live dans un lieu sans spectateur n’est pas nouvelle. On pense bien sûr à Pink Floyd qui avait passé quelques jours à Pompéi pour profiter de la remarquable acoustique de l’amphithéâtre de la ville. Le cadre antique du site avait favorisé une atmosphère incroyable, comme si un dialogue s’était installé entre les chansons du Floyd et les vestiges de cette cité marquée par l’histoire. Cet événement est resté l’un des moments marquants de la carrière du groupe. Confronté aux défis auxquels les artistes doivent faire face pendant la pandémie, YAWNING MAN saisit l’opportunité de satisfaire l’une de ses grandes quêtes musicales : se capter en train de jouer dans l’environnement même qui a tellement inspiré sa musique. Filmé en direct dans les majestueux et mystérieux paysages de Giant Rock dans le désert de Mojave, Yawning Man puise l’énergie spirituelle et magnétique du site pour sublimer leur musique. Le résultat est tel que ce live aura la même importance dans sa discographie que le « Live at Pompeii » pour Pink Floyd.
Le confinement n’est donc qu’un révélateur de la nature profonde de la musique de YAWNING MAN : elle est « environnementale ». Leurs méditations instrumentales dessinent des arabesques, des mosaïques, des formes circulaires, comme pour rappeler la perfection mathématique de la nature. Elle peut être froide et austère, mais pourtant si pure et sublime. Ce sentiment de perfection esthétique est renforcé par les impressionnantes images captées par Sam Grant de la beauté sauvage du désert de Mojave.
Écoutez… Ce sont les rochers qui racontent leur histoire, leur vie, c’est l’eau qui ruisselle, c’est le vent qui hurle, c’est l’écho des montagnes qui se répète à l’infini, c’est le ciel qui s’embrase au coucher du soleil !
C’est pourquoi la musique de Yawning Man n’est pas « humaine ». C’est le cinquième élément (sans mauvais jeu de mot, et toute allusion à des personnages de fiction est purement fortuite) qui entre en résonance avec les quatre autres.
On pourrait s’arrêter à la valeur symbolique de ce « live dans le désert » pour un groupe-clé dans la création de ce qu’on pu désigner comme le Desert Rock. Allons plus loin que ce simple clin d’oeil géographique. Le message est bien plus fort. Yawning Man joue donc une musique non humaine et le terme de Desert Rock aurait alors un double sens. En effet, par « Desert » il faut comprendre un lieu vide d’humain où seule la nature s’exprimerait. Abstraction dorénavant faite de tout chant, la portée métaphorique de la musique de Yawning Man n’en est que plus expressive. Yawning Man devient ainsi le véhicule sonore, le phonographe, d’une nature vierge qui « communique ».
Cette nature n’a pas besoin de l’homme. Nous ne sommes que spectateurs. Nous ne sommes qu’acceptés, aussi insignifiants que nous sommes face au temps qui s’écoule inexorablement. Jouer à Giant Rock, devant ces colosses de pierre ayant traversé les ères n’en est que plus éloquent. Cette nature parle et nous en saisissons à peine le sens. Yawning Man est encore une fois une clé. Une clé pour la comprendre.
Last modified: 5 novembre 2020