SLIFT : le space rock moderne a trouvé sa nouvelle étoile avec « Ummon ».

Written by Chronique

S’il fallait trouver une chose positive à ce confinement, c’était l’orgie de musique, seule échappatoire à nos espaces clos. De la musique partout, et surtout du temps pour l’écouter à sa juste valeur. Au hasard des « défis » lancés sur les réseaux sociaux et permettant de réviser votre discothèque, il  y a les recommandations que vous aviez mis en attente, faute de temps. Dans la pile, le disque de SLIFT, « Ummon », sorti en février 2020 avec ce sublime visuel de colosse, ne peut qu’attirer l’attention. Et des gens qui font appel au grand dessinateur Philippe Caza, ne peuvent qu’avoir bon goût. Bien leur en a pris, puisque je n’avais pas entendu telle gâterie space rock depuis le dernier Weedpecker.

Et le choix de ce visuel tiré de « Bird of Dust » de Caza, illustrateur pour « Metal Hurlant » ou « Pilote » n’est pas anodin. C’est toute une époque à laquelle le trio toulousain fait référence. Je vous parle d’un temps où fantaisie et science-fiction s’immisçaient dans tous les récits, où les images étaient intimement liées à la musique, où la bande dessinée était rock, était LE rock. « Ummon » c’est aussi une certaine vision des seventies. Pas la tarte à la crème macabre et occulte du Sabbath ; mais celle plus stellaire d’Hawkwind, ou celle plus expérimentale de Can, avec son jazz-rock choucroute.

Et du temps, il vous en faudra pour pénétrer « Ummon », œuvre fleuve de plus de 73 minutes taillée dans la kryptonite. L’ensemble est immensément riche et dense comme une double page de Druillet, au risque de frôler l’indigestion. Mais comment ne pas se délecter de ces riffs suintant la fuzz, de ces notes liquides et acides, de ces sons de vieux synthétiseurs et lasers cosmiques, de cette basse à la fois vrombissante et suave, de ces boucles rythmiques qui doivent autant à Christian Vander qu’à Klaus Dinger ? Quel métronome hors pair ! Le duo basse/batterie induit une folle cavalcade sur les anneaux de Saturne et permet de développer de longues odyssées de guitares épiques et intersidérales.

« Un Space opéra d’une rare intensité ! »

Mais la musique de Slift n’est pas que transe cosmique, elle est d’une redoutable puissance évocatrice, notamment pendant les phases de respiration de la seconde partie du disque: citadelle-planètes, lacs suspendus,  cités flottantes, zigzag entre les astéroïdes, paysages colorés et fantasmagoriques de Moebius, déesses humanoïdes au chant de sirènes vous entrainant dans des vortex de couleurs. On reste néanmoins sur nos gardes, redoutant (espérant?) à la moindre occasion l’accélération de l’astronef Slift et les vols en rase motte au-dessus des mers de lave de Venus.

Comme avec cet apothéose final « Lions, Tigers and Bears » (comme si chaque membre était représenté par son animal totem, synonyme de puissance). L’occasion pour vous auditeur, d’incarner la fusion du Metabaron et d’Hyperion, colosse surfeur d’argent, arpentant mille et une galaxies à une vitesse supraluminique ; vitesse à laquelle votre cortex se désintègre en poussière et se répand derrière vous comme la queue d’une comète…pour ne faire qu’un avec les astres. Titanesque.

Houston me fait signe que l’équipe de SpaceX, qui vient de vous croiser, vous jalouse, vert de rage.

ARTISTE : SLIFT
ALBUM : « Ummon »
LABEL : Vicious Circle / Stolen Body Records
SORTIE : 28 février 2020
GENRE : Desert rock groovy
MORE : Facebook / Bandcamp / Vicious Circle

Last modified: 26 juin 2020