Un an et demi après la sortie de leur opus surprise « The Science » et malgré les déboires de pied de Matt Pike en début d’année, SLEEP est toujours bien présent sur les scènes mondiales et après un mois de septembre au Canada, les voici en Europe pour ce mois d’octobre qui se terminera sur une date au Desertfest Belgium.
Accompagnés en ce début de parcours par les allumés finlandais de Pharaoh Overlord, les voici prêts à écraser le Bataclan sous leur mythiques riffs de vétérans. Après une date complète au Trabendo et un passage avorté au Hellfest (date pas vraiment annoncée officiellement mais pressentie on dira), on s’attendait à une grosse fréquentation ce soir mais force est de constater que la foule n’était pas présente en masse sur les planche du Bataclan, le balcon étant carrément fermé. Niveau circulation et accès au bar, c’est tout de suite plus confortable mais ça reste révélateur du succès populaire finalement relatif du stoner et du doom en France. La vague est-elle passée ?
Toujours est-il qu’en première partie, c’est bien un duo PAS DU TOUT stoner qui vient nous chauffer. Mais on se rassure vite, tout comme chez Sleep, la thématique spatiale est bien là. Mais plutôt dans sa version krautrock. On entre donc dans la salle sur une rythmique robotique assénée par un batteur minimaliste : petites lunettes et col roulé noir devant un kit minuscule sans grosse caisse (à l’image du moins, celle-ci étant trigué par une pédale électronique), on semble avoir affaire à Steve Jobs qui présente le dernier kit de batterie Apple. A côté de lui, à la guitare, quasiment la même personne avec quelques dizaines de kilos en plus. Ce duo, c’est un Kraftwerk minimal qui se serait lancé dans la musique extrême. PHARAOH OVERLORD n’a pas toujours été à deux, mais cette nouvelle incarnation privilégie les boucles de guitares et de synthés pour un voyage spatial un peu weirdo, comme une version kraut-psyché de Big Business. Passé l’incrédulité, la formule marche plutôt bien et on se retrouve vite transporté dans ce voyage incongru où les bip bip sont agrémentés de la voix du chanteur/guitariste qui pratique aussi bien le growl que la voix de tête, avec quelques poses absurdes en plus. Le set se termine même par une petite chorégraphie pince-sans-rire qui illustre le grand sérieux que ces deux musiciens appliquent à leur délire.
Changement de plateau et la transmission radio d’Appolo 11 retentit dans la salle plusieurs minutes avant l’entrée sur scène des trois marijuanautes. Quelques bip bip valent mieux qu’un discours. 21h30 et voici SLEEP qui entre en scène sur leur « Marijuanaut’s Theme ». Matt Pike, et ses kilos en moins, semble en forme et veut en découdre, Al Cisneros semble concentré mais pas fermé, Jason Roeder semble rodé : c’est bien parti pour plus d’1h30 dans la stratosphère. La setlist est un poil différente de celle du Trabendo de 2018 et pioche dans les époques, entre Holy Mountain et The Science en passant même sur les singles pour Adult Swim. Cette première partie nous emmène en terrain connu, celui du Sleep séminal, à la rondeur et la lourdeur qu’on connait tous par coeur, culminant sur ce « Sonic Titan » qui a traversé plusieurs décennies pour nous paraître toujours pertinent aujourd’hui. Et surtout sacrément trippant. L’occasion pour Pike comme pour Cisneros de nous régaler de soli respectifs qui sont autant de couches de baume pour nos pauvres âmes. Le public reste d’ailleurs plutôt sage et admiratif. Le voyage est intérieur.
L’intro très Omesque de « Giza Butler » (meilleur titre de morceau) lance une deuxième partie du voyage vers des zones encore plus lointaines. On essaie tout de même de chasser de notre esprit la vision des deux jeunes femmes du public qui se lancent dans une danse plutôt hors de propos sur scène avant de se faire gentiment renvoyer d’où elles viennent. Mais cela ne nous empêche en rien de partir au dessus des “champs d’émeraudes à dos de ptérodactyle” avec le trio. Mais ce soir, le vrai morceau de bravoure se nomme « League Beneath ». Pike troque sa traditionnelle Les Paul pour une Ibanez “Bob Weir Signature” sur laquelle il travaille à mort le sustain dans une intro étirée qui renvoie aux profondeurs abyssales et lovecraftiennes qu’évoque le morceau. La suite est un périple sublime et noir, à la dynamique galvanisante oscillant entre des parties très espacées et d’autres très pleines (les doubles croches de basses, imparable), pour se terminer dans une outro aussi belle qu’apaisée. Le mood parfait pour enchaîner sur le le bluesy « The Botanist » et nous emmener doucement mais sûrement vers un « Dragonaut » toujours jouissif et qui a le mérite de nous remettre la tête à l’endroit. Cette fin nous paraît même abrupte mais comme tout atterrissage, c’est forcément un peu heurté, comme le sont les quelques acharnés du coude dans ce mosh pit plutôt tardif.
(Merci à Kongfuzi Booking pour le voyage)
Last modified: 14 octobre 2019