C’est le trio (français je présume ?) FRANCE qui ouvre les hostilités. La salle est loin d’être remplie mais des curieux sont déjà là pour observer une formation instrumentale basse / batterie et… vielle à roue à distorsion ! Une rythmique de batterie simple et répétitive sert de base sur laquelle la basse joue une mélodie, elle aussi répétitive, et sur laquelle la vielle créer des sons stridents, longs, mais intéressants et vite hypnotisants. La seule fois où j’ai vu un concert avec cet instrument c’était pour CHVE, le projet solo de Colin d’Amenra, tout aussi méditatif et prenant. Ici la formule est simple, un peu trop même. Je reconnais le morceau du seul album que j’avais pu entendre sur le net avant le concert (« Metzoïde ») et qui va durer environ trente minutes durant lesquelles les gens vont tantôt s’ennuyer, tantôt se laisser bercer, voir danser sur cet étrange rituel sonore. On distingue çà et là des sons qui ne sont même pas joués tant ça résonne dans nos crânes. Notre cerveau commencerait-il à bugger ? Mais un problème sur le jack de la basse nous sort de temps à autres de notre transe / torpeur. On pourrait croire que c’est fait exprès et que ça part dans de la noise expérimentale, mais vu la réaction du musicien à bonnet, j’ai des doutes. Ça ne rajoute littéralement pas de notes de tout le show, mais ça réussit à bercer un auditoire de curieux qui s’apprête maintenant à bouffer des infrabasses pour un show nettement plus long, nettement plus « équipé », et avec nettement moins de notes…
La salle est doucement envahie de fumée pendant quelques minutes de silence pour laisser apparaître des formes ésotériques en capuchons… Nous constatons pas mal de changements dans le line up, il y a plus de musiciens que d’habitude : deux claviéristes, un bassiste, deux guitaristes… et plus de chanteur ! Le départ d’Attila semble tourner une page de l’histoire du groupe et nous prépare à un show assez différent. Nous sommes désormais presque 300 impatients attendant de voir le résultat que produiront les quinze colonnes d’amplis (toutes allumées) et disposées en arc de cercle. Décollage en douceur, une guitare après l’autre, et bientôt nous nous retrouvons sous un toit blanc de coton imbibé de vibrations. En terme de décibels, il me semble que c’est nettement moins fort que la première fois où je les avais vu, au Hellfest 2012.
Mais ce son lent, grésillant et massif est semblable à une mayonnaise sombre : il faut du temps pour qu’elle monte, et les ondes se propagent dans notre corps avant de venir rebondir dans nos têtes. Bientôt tout devient noir dans mon esprit, malgré les superbes lumières rouge et bleue qui se mélangent à travers les volutes de fumée en un rose pétant et fascinant. Le temps devient indivisible et éternel. Des gens s’assoient au bout de la première demie heure, ou font carrément la sieste par terre, d’autres sur la barrière. Une longue méditation dans un chaos sonore qui me fait dire que « j’aimerais entendre pour toujours ce bruit le jour de ma mort. »
Cependant, un autre bruit vient faire vriller mes tympans : même pendant un concert comme celui-ci, il y a des gens qui parlent. Je vais finir par croire que je suis schizo, car je n’arrive pas à trouver d’où ces voix proviennent, et file donc tout devant pour me laisser fondre dans cette chape de plomb grésillante, loin de tout fracas humain. Voici venir un passage calme, ce fameux solo de trombone dont j’ai entendu parler via des amis nantais. Intéressante idée d’incorporer un cuivre d’un douceur et d’un mysticisme bienvenue entre deux brouhahas. Tout à coup, ça devient une sorte de messe, une longue plainte pleine de reverb, presque poétique. Puis retour aux grosses basses et… lumières. Salutations, départ… et un rappel ? Dommage, ça casse l’ambiance, j’aurais préféré un départ en beauté, mais comme j’en redemandais déjà, je suis comblé de pouvoir profiter encore quinze minutes d’un écrasage de tête durant lesquelles nous oublierons tous notre condition de mortels.
Last modified: 29 mars 2019