DESERTFEST BELGIUM 2018 Le Report – Jour 2

Written by Live

Après une première journée courte mais intense au DESERTFEST BELGIUM 2018, préparation pour une seconde beaucoup plus calorique, les concerts commençant plus tôt et les groupes étant un peu plus doom dans l’ensemble… quand ils ne sont pas carrément perdus dans la stratosphère ! (PHOTOS : Sandrine Correia)

Arrivée tranquille pendant le set de CROWBAR, que je n’écoute que de loin car je les vois déjà plusieurs fois par an, et je sais que ça met des patates comme d’habitude. Comme pour Orange Goblin hier, je sais que je ne serai pas déçu. Le dernier titre vient tout juste de finir qu’on enchaine avec SONIC WOLVES, qui avait attiré mon attention grâce à une superbe affiche de tournée de Diogo Soares, très flashy, psyché, et symétrique. Je file les découvrir sur la Vulture Stage. Mais au final c’est beaucoup moins intéressant qu’il n’y paraît, ça tape assez brutalement dans tous les sens dans un registre heavy rock / sludge assez classique, avec peu de passages expérimentaux, la voix de la chanteuse bassiste me dérangeant un peu. C’est le problème des affiches dans le milieu de nos jours : on nous vend une image qui n’a parfois aucun rapport avec la musique et l’univers des artistes… Exemple : Error! Design qui met des fleurs, un visage et les douces mains d’une femme aux yeux clos, avec deux beaux serpents inoffensifs pour… du Meshuggah ? Sérieusement ?

Parenthèse sémiologique finie, j’ouvre le livret du festival et tombe sur une description qui me parle d’emblée. Et une fois rendu à l’étage, ma soif de découverte est vite étanchée avec le coup de coeur du séjour me concernant : THE OSCILLATION. Je ne suis tombé que récemment dans le très prolifique monde du garage, et plus j’en découvre plus je me dis que je n’ai été qu’un sale ignare. Nous sommes face à une formation psych rock / garage qui fricote avec le krautrock et parfois le drone. Pour ceux qui les connaissent, je dirais que c’est à mi-chemin entre New Candys et 10000 Russos, avec quelques sonorités proches de The Soft Moon, en particulier pour le chant désabusé, presque triste, et la batterie très mécanique et répétitive. Mais le tout contraste totalement avec un lightshow multicolores, des motifs géométriques et des stroboscopes qui mettent tous nos sens en éveil, au sens littéral du terme. C’est une véritable transe d’une douceur très bien venue dans un festival de ce genre ! J’en ressors les yeux plein d’étoiles, comme si j’étais sous l’emprise d’une substance inconnue… Autant vous dire que la descente sur la Desert Stage sera rude. 

ENSLAVED est un peu la grosse blague du séjour. Alors certes, ils ne sont pas les seuls dans leur genre, mais personnellement je ne comprends pas, c’est juste ridicule… Pourtant j’ai déjà essayé dans le passé entre Fall Of Summer et Motocultor, mais ça ne passe définitivement pas, je m’en vais au bout d’un titre et je ne suis visiblement pas seul. J’aurais tenté. Pour la faire courte, je trouve qu’ils sont un peu les Amon Amarth du black progressif. Voilà. 

Heureusement pour se laver les oreilles, il-y-a un autre groupe de garage / rock / machin truc / psyché d’une fraîcheur et d’un dynamisme particulièrement savoureux. C’était pour le coup ma découverte du Black Bass Festival en septembre dernier : SWEDISH DEATH CANDY. Avec un tel nom et des musiciens aussi sympathiques (et visiblement un peu éméchés sur scène) qui ne tiennent pas en place, la joie de vivre se répand instantanément dans la petite salle de la Vulture Stage. Pour une fois, l’ambiance est au rendez-vous, et la musique colle au lieu ! Avec une pâte très rock 60’s et une énergie débordante, les quatre anglais font rapidement bouger le public et nous bercent au passage de quelques mélodies hypnotisantes… Nouveau changement d’ambiance très rude, cette saleté de running order nous obligeant à partir encore une fois avant la fin du set.

Direction WIEGEDOOD pour un déversement de noirceur et de haine, le tout dans une rapidité accentuée par des stroboscopes de folie. Le son est massif, direct, et le côté désespéré de leur musique est brillamment mis en avant dans une lumière rouge constante… En même temps, avec des musiciens de la Church of Ra, on ne pouvait pas espérer mieux. Ils seront de retour sur Bordeaux, alors je ne reste que le temps de quelques titres qui m’auront efficacement préparé pour la grosse attente de la soirée.

Je pars me placer pour YOB. Deux ans que j’attendais ça. Et environ cinq mois que ma curiosité me piquait de découvrir les nouveaux titres sur scène. « Ablaze » ouvre le bal comme sur le dernier album, et nous sommes instantanément soufflés par la lourdeur de leur son (ça sera d’ailleurs le concert le plus fort du fest me concernant.) C’est juste beau et touchant, on rentre direct dans le vif du sujet… Puis vient la terrible « The Screen ». Mais cette fois le mot « terrible » est synonyme ici d’un véritable pavé dans la mare… que dis-je ? Un monolithe dans le lac ! Je l’avais un peu boudé à sa sortie, mais en live ce titre prend tout son sens. Pachydermique, noir, suffoquant. Place ensuite aux classiques, telle que la superbe « Ball of Molten Lead » qui me fait instantanément frissonner et me ramène deux ans en arrière, au concert d’Orléans. D’ailleurs l’ambiance plus intimiste me manque un peu, cette scène est trop grande et trop bondée de monde pour pouvoir apprécier la performance à sa juste valeur. Mais je laisse mon esprit errer, complètement hypnotisé par cette guitare magique noyée de reverb. La suite est plus noire avec le mastodonte « The Lies That Is A Sin ». Il est temps pour Mike de remercier l’assemblée avec toute la classe et la modestie qui lui est propre, avant de laisser un silence pesant, puis d’entamer la fin du set avec l’une des plus grandes apothéoses musicales de tous les temps : « Our Raw Heart ».

Je regarde l’heure, et je sais que MESSA a commencé. Je revois Yob dans peu de temps à Bordeaux, alors je sacrifie la fin de ce morceau et me dirige doucement vers la Vulture Stage, un sourire aux lèvres, une larme au coin de l’oeil, bercé par toutes ces notes qui me donnent l’impression de monter vers les cieux. Je retrouve les sublimes italiens dans la petite salle archi-blindée comme on pouvait s’y attendre. Depuis quelques temps, ils ont pas mal fait parler d’eux, et bientôt il leur faudra la mainstage pour dérouler leur set dégoulinant de basse, mais d’une douceur inqualifiable, bercé par une des plus belles voix jamais entendue dans ma vie, sans parler de cette aura mystique que dégage la chanteuse, entre deux remerciements timides et sourires enjôleurs. Les autres membres semblent un peu plus effacés, peut-être à cause de l’éclairage rouge fixe. Mais au final, ils sont là pour écraser nos oreilles dans cette pièce noyée de fumée d’encens, dans un rituel d’un raffinement bien au-dessus des autres groupes du genre.

En parlant de dessus, il est déjà temps d’aller retrouver un groupe paumé dans les étoiles depuis des millénaires. Embarquement pour un voyage en compagnie de YURI GAGARIN, une autre de mes grosses attentes de la journée. Les bains d’huiles colorées de la Canyon Stage prennent un sens tout à fait différent lorsque je les fixe en écoutant le stoner psychédélique et spatial des suédois. Oui, car comme son nom l’indique, ça parle d’espace. Mais contrairement à ce que son nom indique, ils ne sont pas du tout russes. Des images se dessinent sous mes yeux pour former la surface de planètes inconnues, de systèmes solaires inexplorés. Puis lorsque je me rapproche de la scène et ferme les yeux, assis dans un coin de la salle, des paysages noyés de fractales s’entrechoquent à toute vitesse dans ma tête, passant par divers trous de verre, sans aucune pause. Les solos à rallonge racontent une aventure dans un langage alien que nous ne pouvons pas décrypter avec précision, mais que nous pouvons interpréter à notre façon. C’est le coeur léger qu’on se laisse porter par ces paroles d’un autre monde, et le retour sur terre est très difficile…

A tel point que je zappe complètement HIGH ON FIRE et décide de rester sur place le temps de reposer les pieds dans la réalité. Pas envie de brutalité. Pas tout de suite du moins. Et c’est à ce moment que je constate l’étendue des dégâts dans la salle qui se vide : des gobelets à perte de vue sur un sol trempé de bière. Sérieusement, ce serait pas mieux de mettre des verres consignés pour éviter une telle porcherie ? Les poubelles ça existe, non ? L’être humain est parfois fascinant dans tous ses aspects les plus sombres et répugnants… Et DOPETHRONE est certainement un exemple très parlant !

Après un show très laborieux au Hellfest dernier (dû à une énorme gueule de bois, mais bon, ça fait partie intégrante de leur identité, on leur en veut absolument pas), ça fait du bien de les retrouver en forme pour clôturer la soirée ! Le trio montréalais a muté en quatuor avec la participation sur quelques titres de Julie, une proche du groupe à la voix typée black metal, et qui a participé au dernier album (peut-être le plus gras de leur discographie, et assurément une des meilleures sorties de l’année.) Mais je doute pas mal de son utilité et de son efficacité au final, le son étant bien trop massif et la voix de Vincent couvrant partiellement la sienne. Côté setlist, ça enchaîne du lourd comme d’habitude, ouvert par les écrasantes « Snort Dagger » et « Tweek Jabber », dans divers crachats de bière et mimiques schizophréniques. Quelques titres de « Dark Foil » suivent et un appel au micro désigne Mike… Attendez… Mike Scheidt ? Un featuring pour « Scum Fuck Blues » ? Bon sang je deviens fou ! Mais après un second appel au micro juste avant d’entamer le tube, toujours pas de Mike, porté disparu dans l’immense complexe du Trix. Quelle déception… « Killdozer » ferme ensuite un des lives les plus crades jamais vu, mais on en attendait pas mieux de leur part ! Une belle façon de nous crever avant le retour dans les bras de Morphée…

Last modified: 17 décembre 2018