Treizième édition du festival metal le plus éclectique d’Europe, ce HELLFEST 2018 est pour ma part le neuvième mais le premier en tant que chroniqueur. C’est donc un grand honneur que de pouvoir relater ce week-end de décibels pour The Heavy Chronicles, avec un premier jour marqué par une Valley à la prog plus boueuse que la météo de 2007 ! (PHOTOS : Gaël Mathieu)
Avant d’attaquer les concerts, quelques mots sur le site et ses nouveautés. Pour cette nouvelle édition, l’organisation a réussi à proposer de nouvelles installations dont des arches d’eau pour rafraîchir les festivaliers (qui faisaient aussi une très belle déco le soir venu) et surtout un bar monumental au milieu des Main Stages, avec une planète en éruption absolument splendide. Le pavage devant les trois scènes extérieures aura quant à lui fait débat chez les festivaliers, mais finalement, la poussière n’aura manqué à personne.
En ce premier jour, c’est la Valley et sa programmation très lourde qui est à l’honneur. On commence par FANGE qui ont l’honneur d’ouvrir le chantier. Les Rennais n’ont pas l’air intimidés par la taille de la scène et se lancent dans un set aussi agressif que gras, aussi massif que malsain, et c’est une véritable torgnole qui est assénée aux festivaliers qui émergent à peine de la sacrosainte cuite du jeudi soir. Même s’ils font les frais d’un son pas au top pour ce premier concert, Fange ne se laissent pas aller et enchaînent leur brûlots avec une rage impressionnante qui conquiert la Valley.
Après une demi-heure de boue, je fais une première incursion au soleil pour aller voir MOS GENERATOR sur la Main Stage 1. Nous sommes une poignée ravie de profiter du passage des vétérans de l’underground (qui profitent de l’annulation d’Electric Mary), une occasion rêvée pour le groupe de Seattle de disposer d’une exposition plus large. En trente minutes, le set reste limité (six malheureux morceaux !), mais Tony Reed joue comme s’il était en tête d’affiche et, aidé par un son impeccable, fait remuer plus que les quelques accros scotchés à la barrière comme des groupies. Un excellent début de journée, présage de ce que sera tout le festival : un pur bonheur à la cool.
En raison d’un meeting THC me permettant enfin de rencontrer notre photographe Gaël Mathieu, je ne vois que la fin de SONS OF OTIS. Leur riffs sabbathiens sont pourtant audibles jusque sous la tente presse et je me dépêche d’aller constater par moi-même la lourdeur des canadiens. Leur musique fait littéralement décoller avant de vous écraser avec une chape de plomb. Emportant le public de la Valley désormais bien garnie, Sons of Otis aura marqué les esprits de beaucoup de festivaliers.
Je reste sous la Valley pour un autre groupe canadien : les bien plus sales DOPETHRONE. J’attendais impatiemment ce groupe que je n’avais toujours pas pu voir jusque-là, mais, apprenant que le groupe a participé à la Défaite de la Musique la veille à Paris (la version Stoned Gatherings de la Fête de la Musique), je crains que la qualité du set en pâtisse. En fait, c’est bien pire. Vincent ayant cramé son ampli guitare la veille, c’est avec du matériel de dépannage que le frontman démarre, et il faut le dire, le son est…horrible. Impossible ou très difficile de reconnaître les morceaux, je suis circonspect et forcément déçu. D’autant plus que le batteur, face à la difficulté de se caler sur le son de son guitariste, balance pain sur pain… Tout n’est pas à jeter, mais c’est pour moi une grande frustration que ce passage de Dopethrone et j’espère les revoir pour une revanche.
Je sors de ma zone de confort et me rends sous la Temple pour voir les Suisses SCHAMMASCH. Malgré des ambiances et des sonorités très proches du sludge et une ambiance bien malsaine, il m’est difficile de rentrer dans leur univers – peut être qu’en plein jour, ça n’est pas le meilleur cadre. Ce qui n’est pas le cas du public présent, tout acquis à la cause du groupe. Sous la Valley, les Français de CELESTE bénéficient quant à eux d’une position surprenante sur le running order et profitent donc de quarante minutes pour asséner au public non averti leur post-blackened-sludge-hardcore dépressif. Véritable ovni de la Valley, Celeste montrent qu’ils ont bien mérité leur place et, cet aspect « abandonne tout espoir » a un goût de reviens-y. Une découverte à suivre de près.
Direction ensuite la Warzone pour l’exceptionnelle reformation des poitevins de SEVEN HATE. Groupe phare de la scène punk hardcore mélodique (ou « punk à roulettes ») des 90’s, ce comeback est attendu de pied ferme par les fans. Avec un son nickel, un set bien en place, comme si le groupe n’avait pas fait de pause en quinze ans, le quatuor s’éclate sur cette superbe scène. Les mélodies et les refrains catchy n’ont pas pris une ride et c’est un moment bien fun façon retour vers le futur que nous font vivre les Seven Hate.
Aller voir Bongzilla sous la Valley ou CONVERGE sur la Main Stage 2 ? Ça sera finalement la bande de Boston, car que je suis curieux de voir ce groupe sur une énorme scène devant une foule qui campe dans ses maudits fauteuils de pêche en attendant les têtes d’affiche… Je suis d’ailleurs déçu de ne pas voir les dites chaises de camping voler ou des personnes fuyant d’horreur face au son terrifiant et indomptable des ricains. Les fans du groupe sont là, et les autres suivent le mouvement au rythme des hurlements de Jacob Bannon et des riffs épileptiques de Kurt Ballou. Un set ultra violent qui aurait retourné la Warzone, mais qui a toute sa place sur une scène principale, reconnaissance du talent du groupe aux presque trente ans de carrière.
Je continue mon record de concerts sur les Main Stage pour une seule journée pour assister au passage exceptionnel de JOAN JETT & THE BLACKHEARTS. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit une icône de la musique et membre du Rock & Roll Hall of Fame ! Réduire Joan Jett au tube « I love rock’n roll » est injuste (elle a quand même fondé un groupe de punk 100% féminin à l’âge de 15 ans), et elle nous le rappelle dans le choix des morceaux, allant du punk au rock FM des 80’s. Même si le poids des ans se lit sur son visage, l’énergie, la bonne humeur et le plaisir d’être là sont manifestes et je me régale de pouvoir y assister.
Après cette touche de légèreté, retour dans la Bayou, avec CROWBAR sur la Valley. Le groupe emblématique de la scène sludge de NOLA est comme chez lui au Hellfest, puisque c’est sa quatrième participation et le public répond plus que présent avec une tente qui dégueule de monde. Kirk Windstein et sa bande balancent des riffs aussi sales que groovy, ça tape dur ! Loin de faire décoller l’auditeur, Crowbar nous engluent dans leur marécage sonore, et on adore ça. On suivrait la voix de Kirk jusqu’au fin fond des enfers tellement le charismatique chanteur impose sa musique comme un maître sur ses terres.
Que faire après une telle virée dans les eaux troubles de NOLA ? Rester là et attendre. Attendre quoi ? CHURCH OF MISERY, bon sang ! Et j’ai bien fait de rester pour le concert monstrueux des vétérans japonais, la Valley se remplissant à en déborder. Si le lineup change régulièrement, il y a une constante chez Church of Misery : la garantie de prendre une branlée. Et une fois n’est pas coutume, c’est le cas ce soir. En fait ça n’est pas juste une branlée, c’est le meilleur concert de la journée. Haut la main. Du sludge au doom, la bande à Tatsu Mikami monte à chaque fois d’un cran dans le glauque et le malsain, nous arrachant les tripes pour mieux nous les faire bouffer. Une boucherie sabbathienne.
On pourrait aller se coucher tellement il va être impossible d’assister à meilleur concert aujourd’hui. Mais inimaginable… car viennent ensuite Hollywood Vampires ! Je plaisante, je laisse le cover band d’Alice Cooper aux nostalgiques, car les amateurs de gras et de saleté que nous sommes attendons les maîtres incontestés du genre, EYEHATEGOD. L’orga nous aura offert un panel de groupes sludge à se damner, et réussit en plus à ce que ça soit crescendo tout au long de la journée ! C’est donc un set encore plus sale, encore plus lourd, encore plus gueulé, encore plus excité dans la fosse que les représentants de NOLA nous envoient en pleine figure. Le public est survolté, l’ambiance électrique et le set exceptionnel. A l’image des supporters sportifs, on aurait pu gueuler « ici, ici, c’est NOLA ! ». Mais on est bien trop assommés, alors on la ferme et on prend son pied.
Même rincé par cette journée boueuse pour les oreilles, il n’est pas question de louper CORROSION OF CONFORMITY. Parce que d’une part je n’avais pas trouvé le nouvel album transcendant et que d’autre part, revoir Pepper Keenan est une obligation ! Il me faut en avoir le cœur net. Et plus que faire le job, COC met une fessée au public encore vivant à 1h du mat’, au travers d’un set asséné de main de maître. Les deux morceaux du dernier album joués ce soir m’ont donné envie de réécouter cet album plus attentivement. Un plaisir de finir le premier jour de la Valley de cette manière !
Rien de mieux que les très attendu A PERFECT CIRCLE sur la MS2 pour clôturer ce premier jour au Hellfest. N’ayant pas revu le groupe depuis leur passage à Londres en 2000, et n’ayant pas vraiment accroché à leur nouvel album, c’est donc sans attente que je me déplace vers le fond du public. La mise en scène est remarquable, avec les musiciens à différente hauteurs sur des plots lumineux, et on voit peu le visage de MJ Keenan, comme à l’accoutumée. Le début du set est bon, avec des morceaux de Mer de Noms, mais quand démarrent les morceaux plus récents, je décroche. Gagné par la fatigue, j’abandonne APC et file dans les bras de Morphée. Ce premier jour aura été marqué par la redécouverte du site et une Valley à la prog plus boueuse que la météo de 2007 !
Last modified: 5 octobre 2018