La musique de THE PICTUREBOOKS tient plus que jamais le haut du pavé. Avec ses chansons qui parlent de peines, d’espoir, de liberté. Avec la même ferveur, avec la même magie. Délicat et à fleur de peau, le rock organique et authentique de The Picturebooks parle à chacun. Vagabonds des routes, aventuriers des temps modernes, les Picturebooks embrassent un blues moderne pour s’enfuir sur la route avec leur guitare en bandoulière et ne jamais revenir. Pour vivre leur musique. Une louange à la liberté en somme. Dernier album du groupe sorti en 2017, Home Is A Heartache (voir chronique) nous précipite dans l’univers de ces beatniks contemporains sillonnant les grands tracés d’une Amérique chargée de symboles et d’images d’Epinal. De leur parcours imaginaire, leur musique s’est nuancée de bruitages hypnotiques, de chants tribaux, d’expériences chamaniques ou encore d’une pop totalement fédératrice. Il en ressort un ensemble d’une richesse insolente pour un disque aussi épuré. De retour au bercail, dans leur QG, garage à moto qui leur sert à la fois de studio d’enregistrement, salle de répétition et spot de skate, on a échangé avec The Picturebooks – aussi authentiques et sincères sur disque que dans leur quotidien – à propos de leur dernier album, de leurs inspirations et leur processus créatif. Entretien à cœur ouvert avec le guitariste et chanteur Fynn Grabke.
Vous utilisez tout ce qui vous tombe sous la main pour produire les sons que l’on retrouve dans votre musique. Des objets qui n’ont à priori rien à voir avec des instruments… Une manière pour vous de nous inviter dans votre garage ?
Fynn Grabke (guitare & chant): C’est un peu ça, mais il s’avère surtout qu’on n’a jamais appris à jouer d’un instrument, donc on devait trouver un moyen de recréer ce que nous avions en tête sans que ça devienne une cacophonie. Notre musique est ancrée dans le présent, on ne jamme ou répète pas ou peu. Notre inspiration vient de choses tellement différentes en dehors de la musique, comme les films, nos virées en bécane, les soirées avec nos amis quand les choses partent en vrille. Ensuite, on entre en studio et essayons de retranscrire tout ça en musique.
On a cette impression que vous souhaitez que l’on entende tous les bruits inhérents à l’enregistrement (souffle, bruissements, écho…), comme si nous assistions à la séance, comme si finalement le disque physique n’existait pas. Est-ce une volonté de votre part ?
FG : Le bruit de fond était un problème majeur pour nous. Il nous a fallu un bout de temps avant de trouver le moyen d’enregistrer dans ce garage et rendre le tout audible. On a fini par utiliser deux micros de home studio à 3-5 mètres de nous, et jouer le tout en live. D’ailleurs, la plupart des morceaux sont improvisés, même les paroles. Les bruits de fond ne sont pas un fait-exprès, ils font partie du lieu, de notre son, et c’est même parfois compliqué de trouver le bon moment pour enregistrer, surtout s’il y a un tracteur pas loin ou qu’il pleut. Mais tout finit toujours sur bande quoiqu’il arrive.
« La créativité découle de la douleur. Nous avons froid, alors nous inventons le feu. »
On retient souvent de votre musique cet aspect rugueux, spontané et limité à sa plus stricte définition. Mais on parle moins de cette sensualité sous-jacente dans votre musique. Une sexualité presque animale, sans jamais être vulgaire. Une façon de rappeler que le rock que vous jouez, c’est d’abord et aussi la musique du diable ?
FG : Tout ça n’a vraiment rien à voir avec le diable. J’essaie d’éviter la religion autant que possible. J’aime vraiment les atmosphères chargées de mystère de ce bon vieux rock’n’roll, autant que j’aime le hip hop. J’aime la country, mais aussi l’électro. J’aime le punk rock, et j’aime aussi la musique classique. Tout ces genres ont en commun le fait que l’artiste doit partir de rien pour que l’auditeur ressente quelque chose. Ca implique d’être créatif. La créativité découle de la douleur. Nous avons froid, alors nous inventons le feu.
Votre musique est très visuelle, car elle évoque tout de suite des représentations cinématographiques. Comment se passe l’écriture de vos titres ? Êtes-vous plus inspirés par des visuels ou des expériences vécues, que par d’autres musiques ?
FG : Comme je le disais plus haut, tellement de choses nous inspirent. Le cinéma, les choppers, le skate, les choses de la vie. Par exemple, la chanson « Inner Demons » dans Home Is A Heartache parle des crises d’angoisse dont j’ai souffert pendant une de ces tournées longues et intenses. Le morceau n’a pas de paroles. On s’est posés avec Philipp pour parler de mes crises, du fait qu’elles arrivent de nulle part, deviennent plus fortes pour se transformer en bruit et peur purs, pour s’en aller lentement mais sûrement. On a appuyé sur « rec » sans même se concerter sur ce qu’on voulait jouer, et avons eu une crise d’angoisse ensemble. Première prise, c’était la bonne. Cela étant dit, la musique est la chose la plus incroyable est inspirante qui soit. Rien de mieux que la musique pour te changer les idées !
« Notre public va des kids aux grand-pères, des métalleux aux mecs lambdas, des cowboys aux Natives. »
Vous êtes un duo étonnant et original, difficile à cataloguer. Pendant ces années à tourner à travers le monde, on vous a vu sur des scènes aussi variées qu’en première partie de Kadavar, dans des festivals estampillés stoner ou lors de rencontres de bikers… Comment décririez-vous votre public, et est-ce que l’accueil est toujours au rendez vous ?
FG : On tourne non stop depuis cinq ans maintenant. On a joué sur les meilleures scènes dont on aurait pu rêver. Nous avons réussi à composer notre propre public au travers des premières parties et des festivals, mais surtout en tournant autant que possible, même si ça impliquait de conduire 2000 bornes de nuit jusqu’à Billings dans le Montana pour jouer devant une poignée de cowboys qui n’en avait rien à faire. Mais il y avait alors quatre personnes qui avaient roulé trois heures pour nous voir, et qui ramèneraient leurs potes la fois suivante. C’est comme ça qu’on a joué devant plus de monde, on est revenus et encore plus de monde venait nous voir, et ainsi de suite. Jusqu’à ce qu’on affiche complet et doive jouer dans une salle plus grosse. Ca prend du temps, mais nos fans ont évolué à nos côtés et nous avons vraiment ce lien avec eux. On est vraiment heureux du soutien que l’on reçoit, c’est vraiment merveilleux ! Surtout quand tu regardes un peu notre public et y vois tant de gens différents, ça va des enfants aux grand-pères, des métalleux aux mecs lambdas, des cowboys aux Natives (les indiens d’Amérique, NDLR) , etc. Ce n’est pas parce qu’ils n’accordent pas sur tous les sujets qu’ils ne peuvent pas s’entendre sur au moins une chose. La musique est vraiment fantastique pour ça !
Pouvez-vous nous parler de votre prochain album ? Sans trop trahir la surprise, pouvons-nous nous attendre à des changements dans la façon de construire votre disque ? Avez-vous souhaité expérimenter de nouveaux éléments ?
FG : Je ne peux pas en dire trop pour le moment, mais il va être super. On vient de composer nos meilleurs morceaux !
Parlons moto et skate, vos deux autres passions. Je disais plus haut que votre musique est très visuelle. Etes-vous par exemple inspirés par des photographes comme Danny Lion ou Glenn E. Friedman qui ont, à leur façon, su capter les origines de ces mouvements naissants ?
FG : Absolument ! Faire du skate t’amène à voir le monde sous un autre angle. Tu ne vois pas juste des escaliers, mais ce que tu peux en faire. Tu apprends à devenir créatif, à ne pas prendre les choses telles qu’elles sont et à les mettre à profit. Avoir cet état d’esprit m’a beaucoup aidé dans ma vie personnelle et dans ma façon de composer les morceaux.
Pour terminer, aurons-nous bientôt la chance de vous revoir en France ?
FG : Pour l’instant nous n’avons qu’une à Saint Tropez, mais on a hâte de revenir l’année prochaine pour plus de concerts ! Cette année, nous nous concentrerons sur le nouvel album.
Merci à Fynn Grabke d’avoir répondu à nos question, et à Claus Grabke pour le coup de main.
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« Home Is A Heartache » est toujours dispo via New Century Media
Last modified: 10 octobre 2018