Alors que les chroniques dithyrambiques de Reflections of a Floating World s’empilent plus vite que Joe Satriani jouant à la vitesse de l’éclair, il est temps de faire le point sur le quatrième album d’ELDER. Depuis leurs débuts dans les années 2000, le trio du Massassuchetts nous a offert des pièces de collection, des trésors d’orfèvrerie sonore, chaque sortie étant un nouveau pas dans la progression de leur son. Lore, troisième album et véritable tournant dans la discographie du groupe, aurait dû faire comprendre aux auditeurs que, non, Elder n’est pas un groupe de stoner. Pas plus qu’un groupe de doom, encore moins de metal ou de je-ne-sais quel sous-genre inventé par des chroniqueurs dénués de capacité auditive. Les influences, la créativité, l’envie d’explorer et de retranscrire toutes leurs émotions sur scène, font d’Elder l’un des groupes les plus inclassables et les plus intéressants de ces dernières années, et Reflections of a Floating World l’un des meilleurs albums de Rock. Pas de l’année, non… L’un des meilleurs albums DU Rock. Après une tournée estivale bien chargée, nous avons fait le point sur tout ça et bien plus avec son compositeur/guitariste/frontman de génie Nick DiSalvo.
Après les éloges qui ont suivi la sortie de Lore en 2015, comment s’est faite sentir l’envie d’intégrer un quatrième membre à la guitare et au clavier ? Etait-ce dans le but d’enrichir vos performances live, ou plus un moyen de progresser dans vos compositions ?
C’était évident qu’avec Lore, puis toutes les compos qui en ont découlé par la suite, nos idées se matérialiseraient mieux au format quatuor. Nos six mains bridaient vraiment notre profondeur de champ et notre créativité. En tant que principal compositeur au sein du groupe, je n’ai jamais eu de difficulté à écrire des structures plus complexes, le problème étant surtout que nous devions nous limiter pour ne pas que la performance live à trois instruments perdu relief par rapport aux albums. Avec le nouvel album, on ne voulait pas faire de compromis à ce niveau-là, et avons donc intégré un quatrième musicien pour pouvoir donner vie à nos idées sur scène.
J’aimerai évoquer le processus de composition. Même si la majorité de ce qui est composé vient de Nick, est-ce que les autres membres soumettent des idées ou mettent parfois leur véto, et comment cela se traduit-il au moment de l’enregistrement ?
Le scénario n’est jamais le même… Par exemple, pour le dernier album, j’avais écrit 80% des morceaux que j’avais enregistrés sous forme de démo, puis fait passer aux autres. De la musique et des idées ont été échangés pendant près d’un an. Vu que j’habite maintenant à l’étranger (NDLR : Nick vit en Allemagne), c’était le seul mode de fonctionnement possible. Une fois en studio, c’était plus facile pour chacun d’apporter des éléments, on a pris le temps d’expérimenter des choses, essayer de nouvelles tonalités et de nouveaux instruments, chose qu’on ne pouvait faire en démo. Et même si la plupart du temps, Jack et Matt rejouent mes compositions, ils les ré-arrangent toujours à leur sauce, pour que la musique sonne comme un effort joint.
« On est tous d’accord sur le fait que la chose la plus incroyable pour nous serait de tourner aux côtés de Tool. »
Sur Reflections of a Floating World, on entend très distinctement des sonorités de mélotron (que je n’avais pas aussi bien identifié sur Lore). Vous avez réussi à ajouter ces petites touches tout en conservant votre son massif désormais caractéristique. Etait-ce une envie d’approfondir ce que vous aviez initié sur Lore ou était-ce plus une opportunité lors de l’enregistrement ?
C’était clairement intentionnel de développer les aspects les plus expérimentaux, ou du moins, moins conventionnels de Lore. J’adore le fait qu’on ait ajouté des claviers dans le mix final, et c’est aussi pour ça que la présence de Mike Risberg est essentielle – il joue à la fois du clavier et de la guitare, ce qui est un atout énorme.
L’un des points marquants avec Reflections of a Floating World, comme l’avait déjà amorcé Lore, c’est qu’Elder n’est plus (si jamais il l’a été !) un groupe de « stoner rock ». Cette classification me fait souvent rire, alors qu’Elder a réussi à transcender les genres et à toucher un public varié. Est-ce que vous aimeriez pouvoir jouer avec des groupes ou sur des affiches moins axées stoner ? Y a-t-il des groupes que vous appréciez (tous styles confondus) et que vous aimeriez amener en tournée pour les faire découvrir à votre public ?
Ça nous fatigue aussi d’être mis dans la case « stoner rock », alors que c’est juste l’un des nombreux sous-genres qui ont fait notre musique aux débuts. J’imagine qu’on ne se débarrasse pas si facilement d’une vieille étiquette ! On parle souvent de sortir du circuit « stoner rock » au sens strict, car on aimerait toucher de nouveaux publics. Je pense qu’on a le potentiel pour y arriver, et on a déjà remarqué un changement au sein même de notre public ces dernières années. On est tous d’accord sur le fait que la chose la plus incroyable pour nous serait de tourner aux côtés de Tool. On a le droit de rêver, pas vrai ?
Je retrouve dans Reflections of a Floating World des reminiscences de Pink Floyd, avec cette patte hors des genres, peut-être par les ambiances ou les montées en puissances de vos chansons. Est-ce un groupe qui fait partie de vos influences, directes ou indirectes ?
Oh oui, clairement Pink Floyd. J’aime beaucoup ce groupe, et leur héritage m’a beaucoup influencé récemment, bien plus que Black Sabbath ou Zeppelin, ou tout autre groupe considéré comme un pilier du heavy rock. Ils était des maîtres en terme d’atmosphère, et créaient une musique heavy incroyablement riche en émotions. Je pense que leur influence sera de plus en plus prédominante dans notre son.
« Je pense que nos fans sont aussi de vrais fans de musique qui savent apprécier l’art de la composition à sa juste valeur, bien plus que ce récent culte pour les redites rock 70’s sans âme. »
Est-ce que toutes ces récentes sorties estampillées rétro rock/psyché 70’s ne vous ont pas interpellé, en remettant en question votre envie d’ajout de claviers ? Je veux dire, n’avez-vous pas eu « peur » d’être catalogués de la même façon que ces centaines voire milliers de groupes qui surfent sur la vague ?
Ce n’est pas bien dur de distinguer les groupes qui jouent avec une vraie intégrité et essaient de composer des morceaux bien à eux, de ceux qui font du copier-coller. Dans le même temps, ça nos a pris des années pour trouver notre son, un son qui ne soit pas une émulation de la musique qu’on écoutait, quelque chose d’un peu moins classifiable. Sans vouloir paraître arrogant, je pense que nos fans, ceux qui prennent vraiment le temps d’apprécier notre musique, sont aussi de vrais fans de musique qui sauront apprécier de vraies compositions, bien plus que ce culte récent pour les redites rock 70’s sans âme. Je n’ai aucunement peur que notre musique soit éclipsée par quelque mode musicale que ce soit, car nos fans ne sont pas dupes.
Je suppose qu’à vos débuts, vous n’imaginiez pas que votre passion vous amènerait à ce stade. Est-ce que vous vivez de votre musique aujourd’hui, ou devez-vous conserver des jobs pour payer les factures ?
On n’aurait jamais imaginé avoir un semblant de succès, et quand j’y repense, ça me fait toujours un drôle d’effet. Le mieux dans tout ça, c’est que nous n’avons jamais eu à travestir notre musique pour avoir des fans, ce qui semble inimaginable dans le milieu du rock (du moins, c’est ce que j’imaginais quand j’étais gosse). On a tous un boulot, et même si on gagne un peu d’argent avec le groupe, c’est trop sporadique pour en vivre pleinement. De toute façon, travailler quand tu n’es pas en tournée aide à garder la tête froide.
Que ressentez-vous lorsque vous rencontrez des fans à l’autre bout du monde et qui attendent vos concerts avec enthousiasme ?
C’est fantastique. Je suis toujours surpris lorsque des jeunes à Moscou ou Porto viennent nous demander des autographes, ou connaissent même les morceaux. Et même si ce sentiment presque surréaliste tend à s’estomper avec le temps, ça n’en reste pas moins excitant. Comme quoi, l’impossible peut avoir un goût exquis !
Concernant les tournées, vous êtes invités dans de nombreux festivals, ce qui a dû vous permettre de visiter bon nombre de pays et de villes. Y a –t-il des endroits où vous rêveriez d’aller jouer ou de pouvoir visiter grâce à vos tournées ?
Il faut absolument qu’on revienne au Portugal après notre show au Sonic Blast Moledo, près de Porto. J’aimerais aussi aller dans des pays dans lesquels nous n’avons pas encore joué : les Balkans, plus d’Europe de l’Est et bien sûr, l’Amérique du Sud et l’Asie. J’espère qu’on aura la chance de jouer dans tous ces endroits un jour !
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Last modified: 30 janvier 2018