Un célèbre magazine de « Rauque et de Faulque » avait l’habitude d’interpeller ses lecteurs par cette question : « c’est quoi être Rock en 201X ? ». Au delà du côté «poseur» que vous pouvez imaginer dans les réponses, on peut revenir aux fondamentaux et rétorquer par le plus important finalement, « c’est quoi un bon disque de Rock en 2017 ? ». Selon moi, c’est un subtil mélange de (grosse) bûche, de groove à faire remuer les morts et de fuckin’ good songs, celles qui vous font chanter à tue-tête sous la douche ou headbanger en concert. « Maneuvers » est de ceux là. SASQUATCH vient de sortir un putain de disque de Rock. Comme chaque disque devrait l’être. Certainement leur meilleur. Certainement un des meilleurs de l’année.
Et j’en suis d’autant plus surpris. La faute peut être à une hype qui avait relégué les Californiens au rang de groupes stoner old school et une (trop) longue absence des radars. Qu’avaient donc encore ces dinosaures du genre – 16 ans et 5 albums à leur actif – à nous offrir ? Il n’y a qu’à écouter le premier single en ouverture de l’album, « Rational Woman », véritable condensé de ce que peut être le son du groupe en 2017 : un riff qui tabasse d’entrée de jeu, enveloppé dans de la fuzz estampillée Sasquatch, reconnaissable parmi mille, dégénérant en un monstre de groove sous la basse assourdissante comme le tonnerre de Jason Casanova. Une des meilleures entrées en matière depuis des lustres. Impossible de rester de marbre. Même Beatrix Kiddo est obligée de remuer son gros orteil.
Le résultat est d’autant plus abouti que Sasquatch réussit le mariage parfait entre un mur massif de fuzz et des sillons mélodiques (« More than you’ll ever be », « Destroyer ») creusés par Keith Gibbs, crooner grunge déversant son blues tantôt tout en retenue, tantôt stratosphérique (« Window Pain », « Bringing Me Down »).
C’est sans compter sur l’expérience du groupe ayant muri son écriture puisque derrière ce mur de fuzz, vous prendrez également plaisir à distinguer toutes les nuances et détails dont regorgent ce disque. « Just couldn’t stand the weather » et « Drown all the evidence » en sont les pierres angulaires : riffs entêtants, changements de rythme précis et superbement amenés, utilisation subtile de l’orgue Hammond, solos de guitares répondant au chant …apportent matière et groove à l’album.
En laissant respirer sa musique, en se débarrassant des distorsions poisseuses superflues, Sasquatch s’est libéré et gagne même en puissance. En tentant de se renouveler, le trio prouve à tous ses émules (Truckfighters en tête) que l’on peut nuancer sa musique vers des sonorités plus mélodiques sans perdre en intensité ni en authenticité. Il serait alors réducteur de ne percevoir dans cette mue qu’une nostalgie des nineties. C’est bien mieux que cela ; Sasquatch est parvenu à un parfait amalgame de tout ce que pouvait être le Heavy Rock américain de cette décennie. Bien sûr la comparaison avec Soundgarden des débuts (référence assumée du trio) est inévitable mais le résultat est tellement bon qu’il représente certainement le meilleur hommage (car involontaire) à Chris Cornell, disparu il y a peu.
À n’en pas douter, Sasquatch figurera dans les meilleurs classements de fin d’année. Mais avec ce disque, les gars ont façonné huit pépites absolument essentielles et s’offrir le luxe de revenir sur le devant de la scène de la plus belle manière qui soit. Indispensable.
ARTISTE : SASQUATCH
ALBUM : « Maneuvers »
DATE DE SORTIE : 20 juin 2017
LABEL : Mad Oak Records
GENRE : Heavy rock fuzz
MORE : Facebook / Bandcamp / Site web
Last modified: 24 juillet 2017