HELLFEST 2017 Le report – Jour 3

Written by Live

Ce troisième et dernier jour de HELLFEST commence par un passage à l’Extreme Market pour voir de plus près à quoi ressemble le nouvel EP de Mars Red Sky présenté hier sur la Valley, où nous retrouverons encore de nombreuses perles telles que THE VINTAGE CARAVAN, UFOMAMMUT ou HAWKWIND, mais aussi non loin de là sur la Temple, d’obscures formations nous réservant bien des surprises, comme EMPEROR et PERTURBATOR. (PHOTOS : Sylvain Golvet)

J’arrive sous la Valley pour la toute fin de VODUN, un étrange projet musical mélangeant stoner psychédélique, danse tribale, et vaudou, notamment via leur charismatique et envoûtante chanteuse Oya. Ça groove beaucoup, mais je n’ai malheureusement pas la chance d’en voir davantage. Je pars déjeuner à l’ombre d’un des bâtiments en tôle rouillée de la Warzone, devant les très énergiques WHILE SHE SLEEPS, qui sont pour moi la simple relève de As I Lay Dying (qu’on regrette beaucoup). Un chant growlé et parfois clair, des mélodies un brin fragiles mais qui laissent place à des mosh parts très lourdes et efficaces, que faut-il de plus pour créer le chaos dans la fosse ? Je reste cependant à l’ombre car le soleil tape déjà très fort… ou bien y a t-il de l’ombre et du son qui tape très fort ?

Le temps de faire le trajet jusqu’à la Valley, je rate « Crazy Horses », premier morceau du set de THE VINTAGE CARAVAN. Le jeune trio islandais semble plus que ravi d’être ici et balance sans merci tout son répertoire de tueries issues de ses deux albums. Un show aussi fou que le public, emballé par le rythme de leur rock 70’s teinté de stoner sauce nordique. Un sacré bazar qui aura mis une sacrée baffe aux âmes innocentes qui passaient par là. 

Je reste à l’ombre de la Valley pour CRIPPLED BLACK PHOENIX, un nom que je vois passer partout depuis quelques temps… Du rock progressif assez classique, avec des envolées mélodiques menées par un clavier qui me rappellent méchamment les islandais de Sólstafir. Mais le tout est rudement efficace et invite à rêver allongé, comme en apesanteur au-dessus d’un canyon rouge baigné par les lumières d’une multitude de galaxies. Je comprends maintenant beaucoup mieux l’intérêt porté à ces huit anglais (!) par de nombreux médias et festivals (notamment le Roadburn qui en avait largement fait la promotion en avril dernier). Un des concerts les plus poétiques et les plus « légers » que j’ai pu voir depuis trois jours.

Je me fais ensuite littéralement aplatir la tête par le trio italien UFOMAMMUT. Leur show au dernier Brutal Assault était un véritable voyage spatial inégalable qui réunissait toutes les conditions (visuelles, sonores, climatiques… et olfactives). Ce qui n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui, en plein jour, avec toute cette lumière qui laisse à peine voir les projections psychédéliques en fond de scène. Mais le son se suffit à lui-même. Je ferme alors les yeux et vois défiler des paysages tout aussi oniriques que tout à l’heure, tandis que la Gibson et la Rickenbacker injectent leur gras dans mes veines. Je vois un pachyderme bio-mécanique détruire des planètes pendant « Ecate » – qui me rend nostalgique car j’ai adoré cet album, et que certains de ses titres ne sont désormais plus joués – mais aujourd’hui nous avons la chance de pouvoir entendre des morceaux qui figureront sur leur prochain monolithe sobrement intitulé 8 ! Encore un concert passé en un claquement de doigt. Difficile de redescendre sur terre après ça.

Une heure plus tard commence le concert de PENTAGRAM, et… Mais où est Bobby ? Non, sérieusement, le son est génial, mais où est ce sacripant ? Je réfléchis trente secondes avant de me souvenir qu’il a récemment eu des problèmes avec la justice… Le guitariste Victor Griffin a beau le remplacer au chant, je refuse de voir un titre de plus et retourne au camping (où j’apprendrai les détails de cette sordide histoire d’octogénaire cognée dans un accès de démence de notre étrange et regretté vocaliste). Cette pause me permettra de me préparer à l’enchaînement fatal de cette soirée, qui débute avec SCOUR au Temple. Pour être honnête, je pense que comme 90% du public, j’y suis allé pour voir Phil Anselmo chanter du black metal. Je ne retiens pas grand chose de l’expérience, sauf que la voix de Phil est juste bluffante et méconnaissable. Encore une preuve qu’il figure bien au panthéon des dieux du metal toutes catégories confondues, et ce malgré les polémiques qu’on aura beau lui coller au cul. Déçu cependant de ne pas le voir grimé d’un corpse paint noir et blanc, ç’aurait été marrant !

J’aperçois également PROPHETS OF RAGE qui ont l’air absolument fous sur la Mainstage, tout comme les dizaines de milliers de personnes présentes. Bien que n’ayant jamais été réellement fan de Public Enemy, Cypress Hill ou encore RATM, il faut reconnaître que ça déborde d’énergie… contrairement au groupe suivant – et ça me fend le cœur d’écrire ça – CLUTCH. Une Valley encore plus bondée que pour Red Fang et un léger coup de barre m’empêcheront de savoir si le show était réellement bon. Probablement, car il s’agit de Clutch quand même ! Mais je fais le constat assez triste que sans leur frontman aussi barbu que charismatiqueNeil Fallon, ç’aurait été un bien médiocre concert. Malgré un « Regulator » mythique, un « DC Sound Attack » qui réveille l’assemblée, et l’anthologique « Electric Worry », le public est à peine moins statique que les musiciens. Dommage, j’aurais bien aimé revivre la fessée qu’ils nous avaient mis en 2014…

Passage rapide devant un rouleau compresseur black metal nommé EMPEROR, qui a bel et bien sa place sous un Temple débordant de monde. Le son est excellent et une aura magique semble envelopper la bande d’Ihsahn, qui me convainquent bien plus qu’en 2014. Changement radical d’ambiance avec ce qu’il reste d’une des formations les plus importantes de ma vie d’ado (et de celle de bon nombre d’entre nous) : LINKIN PARK. Beaucoup d’encre avait coulé à l’annonce de l’affiche, encore plus lorsqu’on s’était aperçu qu’ils clôtureraient la soirée du dimanche. Malheureusement, nos craintes étaient fondées : c’est une bouillie pop-rock insupportable que nous devons nous farcir pendant cinq titres avant d’être momentanément réveillés par un « One Step Closer » plus ou moins bien exécuté… jusqu’à ce medley de fin dégueulasse. Puis ça repart de plus belle sur des titres soporifiques issus d’albums que les fans de la première heure n’ont même jamais écouté.

C’en est trop, nous quittons la Mainstage 1 pour terminer la soirée en beauté avec deux groupes indescriptibles tant ils sont géniaux. Décollage imminent avec les dieux du space rock HAWKWIND, qui ont traversé les âges pour atterrir ce soir sur notre planète, dans cette fidèle Valley bien enfumée, scintillants de mille couleurs toutes plus psychédéliques les unes que les autres. Un véritable trip à coup d’illustrations perchées, de sons theremin étranges et autres phasers bidouillant chacun de nos neurones de notre cerveau… Rien à voir avec le groupe des années 70 : c’est une nouvelle entité, avec un son propre et lourd, des effets de lumières incroyables, et un charme radicalement différent du groupe qu’on aurait aimé voir au fond de nous, à une époque où même nos parents ignoraient qui étaient ces cinq anglais. Car le Hawkwind que nous voyons là n’a de lien avec Lemmy que la Rickenbacker grondante dans les limbes de leur univers kitch et coloré. Et ils nous le font savoir en évitant de jouer les titres de cette époque révolue, mais pourtant marquée au fer rouge par son empreinte : pas de « Silver Machine », ni de « The Watcher », et encore moins de Motörhead… mais une belle potion magique piochant dans toute la discographie, avec des perles comme « Earth Calling », « Born to Go », ou « You’d Better Believe It ».

À peine le temps de sortir de cette faille spatio-temporelle que nous voici pris dans un autre maelstrom psychédélique d’un tout autre genre… et c’est bien la première fois que nous assistons à un tel concert dans l’histoire du festival : de l’électro pur et dur. À moins d’avoir vécu dans une grotte ces dernières années, vous n’êtes sûrement pas passé à côté de ce projet instrumental inspiré des bornes d’arcade, films des années 80 aux bandes sonores blindées de synthés, symboles satanistes côtoyant pin up possédées et tueurs sanguinaires, le tout dans un univers rétro-futuriste à la fois sombre et bardé de néons en tout genre, de beats ultra lourds et de mélodies kitsch… PERTURBATOR est clairement le boss final de ce Hellfest 2017 contre lequel les restes nos cerveaux peinent à lutter, tels des Arwing rouillés tirant au hasard des lasers sur cette entité à la fois gigantesque et minuscule incarnée par James Kent. Seul sur une scène emplie d’innombrables jeux de lumières, il hypnotise une foule composée de dévots et de simples curieux (peut-être lassés par SLAYER, ou qui ne connaissent pas suffisamment les enragés du THE DILLINGER ESCAPE PLAN jouant non loin). Après plus d’une heure à nous écraser de titres issus majoritairement de The Uncanny Valley et Dangerous Days (mais aussi des précédents albums, ainsi que le dernier titre « Tactical Precision Disarray »), le jeune parisien s’en va sous une pluie de hurlements et d’applaudissements. Il nous remercie chaleureusement d’un simple geste de la main, puis disparaît, et avec lui l’expérience la plus intense de tout le festival pour bon nombre d’âmes qui quittent le sol dévasté du Temple. 

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Last modified: 4 septembre 2017