Fin avril, dans un esprit d’entre-deux-tours tendu, une vague de froid s’abat sur Paris. Un froid qui vient du nord. Et plus précisément du Roadburn où ALUK TODOLO et surtout ORANSSI PAZUZU ont impressionné tout le monde, même en étant attendus. Et dans un timing qu’on croirait pensé, les deux groupes s’apprêtent à déverser leurs forces occultes à une foule blafarde et pleine de colère sourde. Alors, prêts pour une bonne mandale ?
Comment ne pas penser à Magma quand on observe ALUK TODOLO sur scène ? Symbole porté en pendentif, batteur central tentaculaire qui joue volontiers en transe (et dont le kit ressemble pas mal à celui de Vander), rythmiques tribales et morceaux étirés : la panoplie est là. Néanmoins, le son d’Aluk Todolo se détache grandement de son aîné en allant puiser dans l’univers sonore du black metal et son aura froide et violente. Un black metal nourri à Can ou aux jam bands aussi, où la base rythmique basse-batterie joue son rôle de tapis sonore pour les ambiances sonores stridentes de la guitare qui mélangeant les soli et les textures perçant. Le set entier et ininterrompu sera un long voyage heurté, fait de calme, d’accélérations, de moments de transe et de moments de repos. Quelqu’un dans la fosse a l’air de regretter l’ambiance de messe avant le set, notamment ce silence mi-respectueux mi-craintif, mais on est pourtant en plein dedans. Avec son logo dérivé d’une croix surplombant le groupe et son occultisme sonique, c’est bien une messe noire qui a eu lieu.
D’occulte et de messe noire il sera encore question avec ORANSSI PAZUZU. Va-t-on être possédé par ce Pazuzu orange ? Mais si, Pazuzu… Vous savez, le démon babylonien qui prend possession de la petite Regan dans l’Exorciste. En tout cas dès les premières secondes, le constat est clair, on se fait immédiatement prendre par l’énorme son du quintet. Grâce à trois armées de pédales, les trois manieurs de manches font sortir l’enfer de leur Stratocaster, Telecaster et Rickenbacker, aidés par des claviers, une batterie et une voix enragée. L’équilibre est tenu, entre attaque massive et envolée libre avec un groupe qui se démène dans tous les sens sur scène.
Le groupe est souvent décrit comme étant psychédélique. Il est vrai qu’ils aiment faire partager une certaine vision cosmique mais attention, pas question de drogue récréative ou de flower power, c’est bien dans un chaudron black metal que l’on est cuisiné avec un soupçon de space rock voire même d’ambiance giallo (« Hypnotisoitu Viharukous »). Mais ce black metal qui sait ménager ses effets et jouer à fond la carte de l’expressionnisme, de l’ambiance et du récit. Notamment sur « Vasemman Kaden Hierarkia » avant le rappel, où la furie est interrompue d’une plage contemplative striées de furies guitaristiques quasi jazz, pour repartir de plus belle ensuite.
Après une heure et quelques à ce régime, le public sort hagard de la salle, ayant probablement évacué un peu de ses préoccupations terrestres. Jusqu’au lendemain ?
Last modified: 21 septembre 2017