HELLFEST 2016 Le Report – JOUR 1

Written by Live

Le HELLFEST nous avait offert du (très) beau et du (très) grandiose pour son 10ème anniversaire l’année dernière, le festival de l’enfer est revenu encore plus fort en ces 17-18-19 juin 2016 avec une affiche grand cru (entre le concert d’adieu de Black Sabbath et la venue pour la première fois de Rammstein ou The Offspring), un site agrandi et toujours plus pensé pour le confort de ses 180 000 festivaliers (!). Cette année encore, le métalleux/coreux/hardos en a pris plein les yeux et les oreilles, avec plus d’une cinquantaine de lives chroniqués par les soins de la team THC pour votre kif… et le nôtre.
(TEXTE : Beeho & Razort // PHOTOS : Sylvain Golvet & Gaël Mathieu)

On démarre ce onzième Hellfest avec le petit déj des champions : les riffs rock’n’roll old school en puissance des trois lascars de Venice Beach, THE SHRINE. J’avoue que j’appréhendais un peu ce live, ayant vu le trio un paquet de fois dans des salles de différente configuration, et sachant que leur skate punk furieux se prête mieux aux caves bondées qu’aux grandes scènes. Et je ne me suis que moyennement trompée, car si leurs hymnes pogo-friendly sont idéaux pour ouvrir les hostilités sous un ciel relativement dégagé, le groupe reste étonnamment statique, comme trois minuscules atomes chevelus perdus au milieu d’une étendue scénique sans fin. Dommage ! – Beeho

Comme chaque année, une file d’attente d’une longueur sans nom à l’entrée du fest me fait louper la quasi totalité du set de MONOLORD, que je rêvais de revoir depuis un an et demi (mes oreilles se souviennent encore de ce concert avec Salem’s Pot et Greyfell à l’Heretic à Bordeaux, un des concerts les plus bruyants de ma « carrière »). L’avantage de ce groupe, c’est qu’ils jouent tellement fort qu’on peut les entendre depuis l’extérieur, même si se retrouver en face n’est pas tout à fait pareil. Ainsi le trio suédois en est déjà à la moitié d' »Empress Rising » lorsque je mets enfin un pied sous la Valley. J’y retrouve quelques copains et hume les premières fumées matinales de cette tente sous laquelle je passerai un bon bout de temps durant le week-end… Mais il est déjà l’heure de se diriger vers la Warzone pour Cowards, l’occasion de découvrir la nouvelle disposition de cette parcelle du festival !

COWARDS. Noir. La musique. La haine qu’elle dégage. Le chant arraché. Les fringues du chanteur, son tatouage blackout au bras, son regard. Le batteur. Les instruments. Le temps qui s’assombrit. Même les gouttes de pluie qui commencent à tomber semblent faites d’encre de Chine. Le son est maîtrisé, le message facilement transmis, la basse écrase tout… Quoi de mieux pour commencer la journée dans le décor post-apocalyptique de la nouvelle Warzone, ses barbelés, ses miradors, ses morceaux de tôle rouillée, le tout devant un jeune groupe français de sludge/hardcore hyper énervé qui réussit même l’exploit de lancer un premier moshpit alors qu’il n’est pas encore midi. Heureusement qu’ils ne jouent qu’une demie heure, je n’aurais pas garanti la survie du lieu si le set avait été plus long.

Stoned-Jesus-Hellfest-4D-illustration

Nous sommes la Montagne. (Illustration : Razort)

Une arrivée fracassante pour les stoner rockers ukrainiens STONED JESUS, et la tranquillité de la Valley est brisée par « Electric Mistress » (un titre que je préfère toujours en live que sur CD), qui chauffe un peu les curieux qui ne connaissaient pas le groupe il y a encore quelques minutes. Nous sommes à la moitié du set lorsque se font entendre les premières notes du chef-d’oeuvre tant attendu, ce qui remplit instantanément de bonheur les fans visiblement très nombreux : « I’m the Mountain ». Un véritable tableau se peint sous nos yeux, celui d’une fosse presque entièrement synchrone qui agite la tête à s’en décrocher la nuque, qui connaît sur le bout des doigts chaque partie du morceau, et un groupe qui fait durer, durer, durer… toute la seconde moitié de son set. Je suis la Montagne, tu es la Montagne. Ils, elles sont la Montagne. Nous sommes tous la Montagne ce matin, et nous redescendons bien trop vite de cette dernière pour retrouver le sol frais de la Valley…

Difficile de rester debout après les premières branlées matinales que nous venons de prendre. C’est de loin et par terre que j’écoute les trois Texans de WO FAT, tout en reposant mes jambes et mes pieds, agitant la tête de temps à autre, écrivant quelques lignes et dessinant sur mon calepin. Je pense qu’il va me falloir un peu repos, quand on connaît le groupe qui va suivre à la Warzone… À l’unanimité, le concert de ALL PIGS MUST DIE  est l’un des – sinon LE – plus violent(s) du festival. Alors que la plupart des gens sont en pleine digestion, le combo anglais arrive gentiment sur scène… et SODOMISE VIOLEMMENT l’auditoire par les oreilles avec sa haine sans concession. Si on devait métaphoriser le truc, imaginez vos testicules dans un étau sur lequel le dieu nordique Thor écraserait deux énormes masses de chaque côté. Un mélange de blasts hérités du black metal, un chant hardcore à la Terror, des riffs rapides à la Aborted, le tout rythmé par des moshpart et mid-tempos ultra efficaces. Lorsque « Chaos Arise » commence, je me risque à aller dans la fosse, où a lieu le circle pit le plus violent et le plus uni qui soit. TOUT le monde tombe au moins une fois et est ramassé dans la seconde par les autres, alors qu’on se piétine mutuellement dans un flot mêlé de rage et de joie. Une vraie catharsis, et une découverte pour bon nombre de personnes présentes !

La chapelle du Doom… (Illustration : Razort)

Un groupe qui fait vibrer même l’herbe de la Valley est forcément un bon groupe. Je découvre tout juste RAMESSES, mais pas besoin d’en entendre d’avantage pour savoir qu’on va passer un grand moment. Je reste assis par terre, et c’est à ce moment que je remarque que le pichet de bière de mon collègue fume… L’évaporation toute bête d’une fine couche d’eau froide sur le pichet, ou est-ce l’appel d’un démon ancien grâce aux fréquences basses du groupe ? Je divague un instant sur le sens de leur nom : une référence évidente au roi égyptien ? J’imagine une église vénérant cette divinité oubliée au fil des siècles. J’imagine le son écrasant du groupe jouant à minuit pour briser les vitraux, admire leur logo d’inspiration black metal m’évoquant l’envolée d’une chouette au-dessus de ce lieu saint, observe les toms gigantesques de la batterie… et c’est déjà fini. Encore un groupe qui nous aura fait passer une heure de notre vie comme s’il s’agissait d’une seconde. – Razort

Les fabuleux anglais de RAMESSES m’ont donné tant de gras et et de satisfaction en l’espace de quarante minutes, que l’envie me titille presque de communier avec Satan vers la fin du concert. « J’ai du mal à respirer », me dira un confrère, l’air tout de même ravi. Pas de doute que le trio Adam Richardson-Mark Greening-Alex Hamilton (par ailleurs gratteux de Bossk) prodigue ce qu’il y a de plus viscéralement doom et soniquement propice à une messe noire en ce vendredi après-midi de l’Enfer. Impeccable sur toute la ligne. – Beeho

Un groupe qui s’appelle « Terre » doit forcément parler de chose profondes et anciennes. Et on ne s’est pas trompé là-dessus : EARTH serait une sorte de métaphore musicale de ce que pourrait donner Gaïa si elle avait un groupe pour s’exprimer. Lent et majestueux, lourd comme la roche, dansant comme les vagues de l’océan, zen et détendu au possible… Pas de chant, juste les basses écrasantes d’une Rickenbacker, d’une Jaguar et d’une Gibson unies dans une grande symphonie drone/doom nous racontant la Création du Monde. Malheureusement, trop peu de monde semble présent pour assister à ce spectacle et se faire témoin d’une grandiose épopée auditive, car la plupart sont partis écouter des barbus chanter en coeur qu’ils sont satisfaits par leur nature masculine se manifestant par une libido élevée et… quoi, c’est déjà fini ? Un voyage trop court dont personne n’est réellement sorti, lorsque le silence s’abat lourdement et que tout le monde retourne à la réalité et au sol bien palpable de la Valley. Qu’est-ce que je viens de voir ? – Razort

Pour ma part, il est impensable de rater le retour des death punks d’Oslo et instigateurs de l’un des plus grands fans clubs du monde : j’ai nommé TURBONEGRO ! Leur set en clôture du Hellfest sur la Warzone il y a deux ans avait soulevé tant de joie et d’ivresse en moi, que je suis rapidement devenue une aficionada des Norvégiens (pas au point de rejoindre une Turbojugend, cependant). En parlant de ça, les petits marins tout de jean vêtus sont légion devant la Mainstage 2. Avec un démarrage sur « The Age Of Pamparius » et une setlist plutôt cool en dehors d’un ou deux morceaux en demi-teinte (« Special Education », pas assez électrique pour la masse ?), le groupe fait le taf grâce à son swag naturel et aux bons mots de son sexy leader Tony Sylvester, même s’ils semblent tout de même être en pilote automatique. La fosse n’est elle non plus pas autant en effervescence que je l’espérais, mais on arrive tout de même à faire tourner les serviettes, c’est le principal. On ressort quand même de là avec le sourire et l’envie de continuer à scander « wooohoooohoooo, I got E-REC-TION!!!« …  – Beeho

Inquisition-Hellfest-4D-illustrationC’est la tête pleine d’étoiles que je m’extirpe de la Valley pour me glisser à l’ombre de la Temple. Le duo d’origine américano-colombienne INQUISITION s’apprête à écraser une fosse entière d’âmes innocentes, telle la machine de guerre black metal qu’ils sont depuis des années, et ils portent très bien leur nom ! La voix et la guitare ne sont pas très audibles à leur arrivée, mais ça s’améliore par la suite. L’imposant Dagon nous hypnotise avec son chant si particulier, tandis que son acolyte à la batterie martèle à une vitesse rarement égalée dans le milieu (ou alors c’est le contraste avec le groupe d’avant qui me fait ressentir ça de cette façon). Je reconnais « Force of the Floating Tomb » et ses accords dissonants de génie, ainsi que certains titres dont j’ai oublié les noms tordus, références constantes à la mort, le cosmos, la magie noire… Le logo en backdrop semble même s’animer d’une force mystique et obscure, ses lames acérées se renfermant sur la scène et ses musiciens qui seraient les simples pantins d’une entité démoniaque inconnue… Une belle claque en résumé, qui me laisse complètement désorienté durant une heure !

Peut-être est-ce d’ailleurs à cause d’Inquisition que, lorsque je me retrouve une fois de plus sous la Valley, je n’arrive pas à apprécier la musique des MELVINS. On m’a rabâché des dizaines de fois que ces mecs sont des génies, mais je n’arrive toujours pas à me faire à leur son, et encore moins à la voix et la dégaine de Buzz Osborne. J’y vois une sorte de champignon vénéneux agitant ses cheveux gris et frisés dans l’air, essayant tant bien que mal de nous sortir des accords audibles. J’essaierai de réécouter posément chez moi, car pour l’instant ça m’en touche une sans bouger l’autre, comme on dit… Mais je reste intimement persuadé que le jour où je réussirai à assimiler leur musique, je regretterai de ne pas être resté plus longtemps. Après une pause Hell Snack devant The Arrs (que je trouve moins en forme comparé à leur dernier passage en 2013), direction la Valley pour voir un ovni recommandé maintes fois par mon paternel, et probablement ceux de beaucoup de monde présent ce soir : MAGMA. J’arrive donc devant… heu… un truc. Avec beaucoup de monde sur scène qui font des notes bizarres et forment une musique très étrange sortie de l’espace, mais qui n’arrivent pas à capter mon attention plus que ça. Peut-être que la fatigue est en train de me submerger, ou peut-être suis-je trop sobre, mais je n’arrive pas à rentrer dans le délire du groupe français alors qu’on m’a assuré que ça valait le détour. Cette pensée m’attriste. Je fonce me chercher un pichet de Guinness pour la suite. – Razort

Avec Turbonegro, le set des Bostoniens DROPKICK MURPHYS était celui que j’attendais avec le plus d’impatience, histoire de faire tourner les serviettes une seconde fois aujourd’hui… Je me fraye donc un chemin le long des bars de la Mainstage 2 pour me retrouver à côté d’une troupe de joyeux punks supporters du groupe, pour une communion faite d’éclats de voix et de pichets de bière qui volent. Avec la déco 100% sailor des Mainstage et la presque pleine lune qui se lève au-dessus de nos têtes, le moment prend des allures de fantasme de pirates sur fond de gnôle descendue entre deux accolades chancelantes. Sur plus d’une heure de set (dont une ou deux ballades rondement menées par Ken Casey au chant), on prend plaisir à sautiller bras dessus-bras dessous en chantonnant « We had guns and drums and drums and guns, hurroo hurroooo…« , « Citizen!!! C-I-A!!! » ou encore « I’m shipping up to Boston, woooheyhoooo !!!« . Le groupe, au taquet du début à la fin, nous paye un putain de coup de fouet qui devrait être remboursé par la Sécu. Difficile après ce moment de folie celtic punk de se dire qu’on va aller voir Sunn O))) ou Converge, but wait… – Beeho

Comment résumer le concert de RAMMSTEIN en quelques mots ? Du monde. TROP de monde. Impossible de circuler correctement pour y voir quelque chose (et pour ce groupe, la visibilité est primordiale). Des beaufs empêchent les gens de passer devant eux, des gosses râlent à cause de ces mêmes beaufs, ça se prend le chou, ça n’écoute même pas le premier morceau… Bref, ça commence mal. Cependant le groupe offre quelques surprises comme « Hallelujah » et « Zerstören », qu’on n’a pas entendues sur scène depuis des années ! Comme à leur habitude, les Allemands enchaînent un spectacle pyrotechnique par titre, de façon carrée, efficace, avec un son lourd et ultra puissant. Je m’ennuie cependant un peu, et baille même pendant « Engel », car ce groupe est taillé pour les stades et non les festivals en plein air. J’ai froid, je suis seul à chanter leurs titres, alors je m’avance vers la Warzone pour me tirer de ma torpeur avec un groupe qui mérite vraiment le coup d’oreille… – Razort

Même constat de mon côté, qui souhaitait m’extirper de là pour foncer voir Converge sur la Warzone : je me retrouve prise au piège par une foule compacte, et n’ai pas d’autre option que de voir le show de RAMMSTEIN en entier. En néophyte totale, je dois avouer que bien qu’à des kilomètres de la scène et coincée à côté d’une famille avec enfant de moins de 10 ans (heureusement qu’ils n’ont pas chanté « Pussy »…), leur metal indus façon Gotham City-Est bardé de sonorités dance 80’s à l’ambiance décadente est carrément cool. Ajoutez à ça un son golgoth et de la pyro, et le peuple metal est ravi. Dommage pour Sunn O))) dont j’entend les grondements sourds au loin, et Converge qui donneront un p**ain de show, selon des sources sûres. « Dou haste miche », après tout.

Aussitôt le concert de Rammstein terminé, je cours jusqu’à la Warzone et me cale à la barrière quelques secondes avant l’arrivée sur scène des choupis vikings punk’n’roll KVELERTAK. Comme toujours, l’imposant Erlend Hjelvik débarque coiffé de son totem hibou, lequel scintille dans l’obscurité de la Warzone. La déflagration sonore prend forme sur scène, tandis que bras et tibias commencent à s’entrechoquer gaiement dans le pit juste derrière moi. Après un « 1985 » qui semble durer une éternité, les gars enchainent une dizaine de morceaux des deux premiers albums, et ça sans un temps mort. La fosse est en surchauffe totale, et le groupe de garder une prestance incroyable malgré le bulldozer qu’il nous envoie dans la tronche. Erlend descend à deux reprises pour slammer et chanter au milieu de la fosse, ce qui rend tout le monde encore plus fou. Je ne sais pas trop ce qu’il boit les deux fois où il part derrière la scène, mais il revient tellement torché que les guitaristes Maciek et Bjarte – morts de rire – se voient obligés de gérer le chant sur les trois derniers morceaux. Unis dans la galère et la bonne humeur, les norvégiens. Après une telle dérouillée physique et sonore, il est dur mais tout aussi vital d’aller se reposer en vue d’un samedi chargé.   – Beeho

C’est du sadisme de nous avoir mis les génies norvégiens KVELERTAK aussi tard après une première journée aussi intense (surtout après All Pigs Must Die ce midi). J’arrive en plein set, mais c’est déjà le bordel depuis longtemps à en voir le public déchainé. Eux au moins sont de vrais passionnés, comparé aux zombies des Mainstages juste à côté. Les six musiciens sont comme d’habitude hyper synchrones, réglés comme des horloges, abattant leurs plus grands titres avec précision et une énergie débordante. On sent une chaleur qui émane d’eux, une volonté de nous pousser à faire la fête et à tout casser autour de soi malgré la fatigue. Le chanteur arrive à capter et motiver ses troupes en s’élevant sur les amplis de la scène.

Définitivement l’un des groupes les plus prometteurs du monde, l’un des meilleurs de cette journée, rassemblant toutes les meilleures influences musicales extrêmes (black metal, hardcore, hard rock), et qui a réussi à m’achever en me faisant bouger et headbanger comme un possédé. Plus d’énergie. Plus de batterie. Plus d’anus. Il est temps d’aller au lit. – Razort

Last modified: 1 septembre 2016