Auteur en 2007 d’une des démos les plus cultes de tous les temps, EGYPT a connu une histoire compliquée mais figure maintenant parmi les groupes les plus solides de la scène stoner/doom. On a discuté à Berlin avec Neal Stein, fan de la première heure d’Egypt et son guitariste depuis cinq ans. Il nous a raconté les circonstances particulières de son recrutement, le processus créatif du groupe et les efforts derrière Endless Flight – un invité de dernière minute dans bien des « tops albums » de la fin d’année 2015. Bonne nouvelle : la source n’est pas prête de se tarir.
C’était assez couillu de commencer votre tournée par le Desertfest de Londres.
Ouais ! J’écoute Asteroid depuis deux ans, et nous tous dans le groupe sommes fans de Crowbar et Corrosion of Conformity depuis deux décennies. Partager la scène avec eux, c’était énorme. On jouait en premier, et on ne savait pas s’il y aurait du monde – mais c’était blindé ! Jusqu’au fond de l’Electric Ballroom, à perte de vue.
Quand est-ce que tu as rejoint Egypt ?
Il y a quatre ou cinq ans. Les gars du groupe originel sont des amis de longue date. On avait jammé un peu ensemble, mais rien de sérieux. Un jour, ils m’ont appelé – je m’en souviens très bien, parce que j’étais sur le trône… Mais si Chad Heille [batterie] m’appelle, je réponds, peu importe ce que je suis en train de faire ! Il m’a demandé si je pouvais les aider à enregistrer Become the Sun. Tout le monde voulait que l’album puisse être achevé, ça devait être le baroud d’honneur du groupe, le moment de sortir des morceaux qui traînaient depuis un moment. Ensuite on s’est dit, « oh, on sort un album, on devrait peut-être faire un concert ». Et nous voilà, quatre ans après, toujours en train d’en faire !
Endless Flight a été, en ce début 2016, ma plus grosse obsession musicale. Je suis particulièrement accro au solo de « The Tomb« …
C’est un solo bizarre, pas vraiment dans une atmosphère blues. La plupart de cette chanson a été amenée par Aaron [chant/basse]. Chad et moi créons des riffs toute la journée, tous les jours, mais Aaron est plus du genre compositeur. Il amené cette structure et on a jammé dessus, en changeant des trucs çà et là, et le solo est juste… arrivé. De toutes les chansons de l’album, c’est sans doute la plus dure à jouer en live. On prévoit quand même de le faire durant la journée.
Pourquoi pas à Paris, pour les Doomed Gatherings ?
Ouais, faisons-le à Paris, mec !
Je te demanderai des comptes là-dessus ! Bon, je crois parler au nom de beaucoup de blogueurs en disant que la sortie d’Endless Flight a fait douter beaucoup d’entre nous de leur Top 2015.
En fait, on se demandait si on devait attendre 2016 pour le sortir. Mais honnêtement, cet album aurait dû sortir six mois plus tôt. La logistique était un enfer. On fait 99 % de l’enregistrement et du mastering nous-mêmes, ce qui rend difficile d’estimer quand c’est fini. On ne paye pas un ingénieur du son à l’heure, on loupe juste un espace au moins. On peut se prendre la tête sur le son de la caisse claire pendant des semaines… Donc on ne se dit pas « cet album est fini », mais plutôt « OK, j’ai fini de travailler dessus, sortons-le ».
Par rapport à Become the Sun, vous vous êtes efforcés de vous concentrer davantage, d’aller droit au but.
Become the Sun est un long album, couvrant un large spectre musical, ce qui est cool… mais c’est un looong album. Probablement parce qu’il a été écrit sur une longue période [le premier EP d’Egypt est sorti en 2007 et Become the Sun en 2013], essentiellement avant que j’arrive. Le split avec Wo Fat et Endless Flight sont plus efficaces, plus condensés. Je préfère avoir une chanson courte que tu veux réécouter, plutôt qu’une chanson où tu te dis « oh la la, est-ce que ça va finir un jour ? »
Ce que j’aime beaucoup dans tes solos, c’est que tu ne joues pas un tas de notes gratuitement, juste pour te la péter. Tu créés vraiment une mélodie, tu racontes une histoire à chaque fois.
C’est vraiment quelque chose auquel je fais attention. Il y a beaucoup de gars qui peuvent jouer plus de notes par seconde que moi. Ça ne m’intéresse pas de participer à la course à l’échalote du shredding… C’est important pour moi de développer un thème. Le chant doit avoir des accroches, la batterie doit bien se tenir, et le solo ne devrait pas juste être un paquet de notes.
Le chant d’Aaron est devenu très puissant au fil des années.
Il y travaille beaucoup. Aaron est très conscient de ses capacités et de ses limites. Il y en a qui disent que le chant a changé depuis le premier disque, mais c’était il y a 12 ans ! Les gens changent, les corps aussi, et aucun d’entre nous ne rajeunit. Ca reste quand même un chanteur puissant. Il y a des chanteurs qui comptent sur l’ingénierie, que ce soit la « magie du studio » ou la puissance sonore que l’on peut dégager en live, mais pas lui. Parfois, quand on pousse les amplis à fond, et qu’Aaron teste sa voix sans micro, je peux quand même l’entendre ! Il n’est pas là pour déconner. Et il y met beaucoup d’âme, de blues, beaucoup de cœur – même quand il chante à propos de soleils qui explosent ou je ne sais quoi…
En parlant de ça : est-ce que vous essayez de transmettre quelque chose avec vos paroles ?
Non, on n’a pas de visée politique ou quoi que ce soit du genre. Beaucoup d’autres groupes parlent de faire la fête et de se taper des meufs, donc c’est déjà bien couvert… Chanter à propos de la beuh est clairement couvert aussi… Et il y en a qui en font des tonnes dans le registre du « sombre désespoir et misère de ma vie en plein effondrement ». Aaron met du cœur dans la performance, mais pas tellement dans le contenu des paroles. Il s’inspire de la science-fiction, de la fantasy, des jeux vidéos, des trucs qui le branchent.
Les gars te laissent pas mal d’espace pour t’exprimer musicalement.
Ouais ! Plus généralement, je pense qu’on s’en donne pas mal mutuellement. On essaye de se compléter et de ne pas se marcher dessus, en laissant des petites espaces ici et là pour faire démonstration de tous les instruments. Les nouveaux morceaux que nous espérons sortir au cours de l’année à venir reflètent cet engagement.
Ah ! Donc vous en avez encore sous le coude ?
Ouais, on s’est fait une orgie de composition pour Endless Flight, ce qui nous a laissé beaucoup de morceaux en plus. Ils en sont à divers stades d’enregistrement. On avait choisi cinq morceaux qui allaient bien ensemble, et on avait gardé le reste pour plus tard. Je ne peux rien promettre pour la date de sortie, étant donné le temps que ça a pris les dernières fois…
Kent Stump de Wo Fat m’a dit que le Texas était un drôle de lieu de résidence pour un groupe progressiste politiquement comme eux. Et vous, comment vous intégrez-vous dans le paysage du Dakota du Nord, à Fargo ?
On est plutôt bien traités là-bas, mais ce n’est pas très grand. Dans ce coin-là de l’Upper Midwest, la ville la plus proche pour faire un vrai concert est Minneapolis, à trois heures de bagnole. Il y a une chouette salle à Fargo mais à part ça, la plupart des bars paient des groupes de reprises pour jouer « Jessie’s Girl »… Le Dakota du Nord n’est peut-être pas aussi conservateur que le Texas, mais ça reste un tas de gens qui se préoccupent avant tout de picole, de bagarre, de flingues et de camions pick-up. Donc si je pouvais être sur la route tout le temps, je le ferais !
Egypt opère une communication assez discrète. Vous ne donnez pas des masses d’interview, par exemple.
On est ravis de parler de notre musique quand les opportunités se présentent, mais on ne fait pas beaucoup d’efforts pour que ça se produise. Je suis plus à l’aise si on n’essaye pas de l’imposer aux gens. Aucun de nous n’a une mentalité de vendeur de voitures, du genre « approchez, braves gens, et venez voir un peu ça » ! J’aime penser – peut-être que je me trompe – que c’est plus sympa si la musique parle d’elle-même.
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Last modified: 1 septembre 2016