Pour cette soirée, l’asso Crumble Fight a mis les petits plats dans les grands, et les grands, dans notre gueule, avec un double bill des plus pertinents et pointus en terme de rock sous LSD : les références nationales du psyché à guitare DOMADORA en ouverture du trio culte de San Diego EARTHLESS. Un peu peur de prendre des solos endormichiants dans la tronche trois heures durant ? Nous, on connaissait la came, et on savait que ça allait pas se passer comme ça.
DOMADORA ouvre la soirée et on retrouve le trio comme on enfile une bonne paire de charentaises : pas de surprise, mais quel confort ! Troisième fois qu’on voit les Parisiens sur scène, et on ne sait pas si c’est le fait de jouer avec papa Earthless, mais ce sera leur meilleur show depuis qu’on les connait : tout respire le groove et la décontraction derrière les kilotonnes de notes grattées par Will (guitare). À la veille de la sortie de leur deuxième album, DOMADORA montrent un visage posé et semblent être parvenus à une certaine maturité. Les nouveaux titres joués ce soir creusent un peu plus le sillon formé par le groupe depuis sa formation : une cavalcade psychédélique à l’ancienne, balancée entre furie guitaristique et plans ambiancés nous renvoyant aux grandes heures des 60’s/70’s, encens, herbe et mandalas. Les Frenchies sont bien accueillis par les Nantais. Il faut dire qu’en terme d’affiche, difficile de trouver un groupe matchant mieux avec Earthless : mêmes influences, même configuration en trio instrumental, même amour des formats longs.
On monte d’un cran en tension et en génie : EARTHLESS restent les maîtres, et le show de ce soir en est une nouvelle démonstration. Rien de neuf depuis le set époustouflant au Glazart en novembre dernier, on reste sur la lancée de From The Ages, avec un set largement orienté sur cet album sorti il y a déjà deux ans. Le trio attaque en douceur sur les sublimes premières mesures de « Uluru Rock » : et là, amateur de rock à guitare ou pas, esclave du riff ou pas, vous êtes foutu. Tout le talent de l’implacable machine à riff de San Diego, c’est de vous accrocher avec un thème ultra coolos, et de vous ferrer comme un espadon, pour vous traîner ensuite sur des lieues dans un océan de distorsion aux couleurs changeantes.
Un peu comme leurs compatriotes de The Atomic Bitchwax, EARTHLESS savent maintenir une grande tension tout au long de leurs concerts, en construisant des morceaux funs au rythme incroyable. Chez Bitchwax, c’est l’enchaînement de riffs tous plus fous les uns que les autres qui fait le job, chez EARTHLESS, c’est davantage l’alliance à toute épreuve de la paire rythmique Mike/Mario et de la gratte immense d’Isaiah qui crée un continuum survitaminé dont on ne peut s’échapper. On reste comme hypnotisés, masse de viande stupide soumise aux turbulences de la déesse Distorsion.
Après cette exposition qui nous aura tous bien calmés, le trio fait place au fun avec le tonitruant « The Violence Of The Red Sea » et son riff hendrixien en forme d’appel du 18 juin de la danse et de la fumette. Ça y’est, on est dedans. Les gens dansent, les femmes ondulent souplement, la sueur collant leurs cheveux sur leurs visages aux yeux doucement clos, hmmmmm… Suis-je un obsédé ou bien est-ce le rock qui a perverti mon esprit jeune et manipulable ? OH JESUS, SAUVE MOI !… Ahem. Le set passe comme un rêve, avec un trio, statique, qui n’a tout simplement qu’à jouer pour en imposer à mort. Devant cette machine de guerre live, l’énergie qui se dégage des corps gesticulants suffit à faire du show un moment de pur rock’n’roll. Les morceaux s’allongent en jams délirants sous la coupe martiale de Mario à la batterie, locomotive incroyable de ce groupe aux musiciens extraordinaires.
On relâche la pression, un petit « Foxy Lady » de vous-savez-qui pour laisser résonner la belle voix d’Isaiah, car ouais, ce mec a AUSSI une belle voix. Le public nantais accueille la chose plutôt bien, si l’on en juge par le nombre de gens qui dansent et chantent : c’est la fiesta, baby! Un « Cherry Red » plus tard et c’est la fin du set, ce que l’audience refuse en bloc : EARTHLESS revient donc sur scène pour un rappel, sa reprise du « Come On » de Earl King, pour finir la soirée sur une note plus bluesy et rock’n’roll. Ce petit clin d’œil achève de clouer ce moment dans nos cervelles comme un des très bons live de l’année. C’est très amers qu’on voit les lumières se rallumer, c’est fini putain, alors qu’on aurait facile repris le double !
Merci à Ben et Steph, encore une victoire pour CRUMBLE FIGHT !
Last modified: 11 juillet 2015