Après Brant Bjork et John Garcia en 2014, c’est au tour d’une autre légende du desert rock californien de venir se rappeler au bon souvenir du public des Stoned Gatherings : Mario Lalli, venu avec ses deux groupes Fatso Jetson et Yawning Man – tous deux aussi géniaux l’un que l’autre, dans des genres différents mais complémentaires. Ajoutez à cela les jammeurs fous de Domadora, parmi les meilleurs représentants du stoner « made in France », et vous avez l’affiche parfaite pour ouvrir en beauté le cru 2015 des Gatherings ! (PHOTOS : Sylvain Golvet)
Commençons par un aveu un peu honteux : c’est avec une poignée de minutes de retard que j’ai entamé le set de DOMADORA, venus ce soir présenter leur très attendu deuxième album à un Glaz’art déjà raisonnablement bien rempli. À peine entré dans la salle, je suis accueilli par un long jam éthéré, riche en impros de guitare… Un peu trop, peut-être ? Les deux morceaux suivants accrochent beaucoup plus : bien structurés autour de deux riffs récurrents, d’inspiration bluesy pour l’un et orientalisante pour l’autre, ils nous tiennent chacun en haleine pendant plus de 10 minutes, sans jamais lasser. Petit bémol : le batteur a beau s’être doté de cymbales gargantuesques, le son manque un poil de pêche. On en restera finalement à trois titres, pour 40 petites minutes de set. Domadora a réussi son pari : le public des SG est conquis, mais reste un peu sur sa faim – pour teaser un nouvel album, c’est l’idéal !
Les lumières à peine rallumées, un pote m’agrippe la manche : « IL est passé juste devant moi ! ». « IL », c’est évidemment Mario Lalli, l’homme de la soirée, patriarche de la scène desert rock californienne – et donc, par extension, de tout ce qui en a découlé. « On a beaucoup parlé des generator parties, mais en réalité il n’y avait qu’un générateur : celui de Mario« , expliquait récemment Josh Homme dans l’épisode de Sonic Highways consacré à la Californie. Chaleureux et modeste, Mario s’illustre d’abord avec FATSO JETSON accompagné par son jeune fils Dino (à peine majeur !) : très en voix, il est impressionnant d’intensité pendant ses solos. En l’absence de Vince Meghrouni au saxo et à l’harmonica sur cette tournée, c’est plutôt au versant punk Fatso Jetson qu’on a droit ce soir. Les rythmes sont complexes, voire parfois improbables, mais l’énergie et l’originalité de l’ensemble sont irrésistibles : on pense pas mal au premier QOTSA (ambiance « Hispanic Impressions » ou « These Aren’t the Droids You’re Looking For »), et on se dit qu’il devait y avoir du Mario Lalli là-dessous, comme dans tout ce qui se fait de bien dans la Coachella Valley depuis vingt ans.
Fatso Jetson nous ayant éreintés, on est mûrs pour se faire câliner un peu par YAWNING MAN. Mario s’est emparé d’une basse (dont il joue divinement bien), son fils d’une guitare, et Gary Arce vient apporter la patte Yawning Man, reconnaissable au premier coup d’oreille : une gratte légère, réverbérée à souhait, qui « sent bon le sable chaud », comme chantaient nos grands-mères. Le décollage est immédiat… et définitif. Morceau après morceau, l’heure qui suit n’est plus qu’une longue et douce rêverie. Après un « Perpetual Oyster » un peu brouillon, le combo conclut en beauté avec « Catamaran », popularisé en son temps par Kyuss. C’est tourné vers Dino que son papa chante cette phrase mythique, « I never doubt your possibilities » ; en voyant à quel point le fiston gère l’incroyable ligne de de basse du morceau, on comprend pourquoi. Entre la carrure massive de Dino, sa barbe impressionnante et son don musical évident, c’est à se demander à quoi sont biberonnés les gamins dans la Valley !
C’est avec un sentiment de plénitude qu’on quittera la porte de la Villette ; et bien plus tard, avant que l’on sombre dans un sommeil profond et apaisé, les riffs continueront de résonner dans notre petit canyon intérieur. Le marchand de sable existe : il s’appelle Mario Lalli.
Last modified: 11 juillet 2015