Quatrième jour de Hellfest, nous avons plus l’air de zombies que de fringants festivaliers mais nous reprenons le chemin du site, parce qu’on n’abandonne jamais ! (TEXTE : Lord Pierro & Yannick K. // PHOTOS : Sylvain Golvet)
Certainement placés sous la Temple suite à un pari perdu ou une erreur de biographie du groupe, Blod ne s’en laissent pas compter et jouer sous un chapiteau est finalement très bien. Parce que s’il a des airs de Messa par certains passages envoûtants, le groupe bordelais plonge rapidement dans un sludge bien glauque avec des petits relents black. Et ce mélange fait mouche sur un public surpris par la qualité d’un groupe à cette heure-ci (mais les habitués savent que les petits groupes du dimanche matin sont parmi les meilleures trouvailles).
Toujours et encore des belges à l’honneur et c’est au tour de Doodseskader d’ouvrir cette journée sur la Valley. Doodseskader, ou « escadron de la mort » en flamand, soit le bassiste Tim de Gieter d’Amenra et le batteur Sigfried Burroughs, assène un sludge porté par une rythmique hip-hop, aussi menaçant que le ciel de Clisson en ce dimanche. Le duo alterne chant torturé et phrasé quasiment rappé par moments, et oppose des séquences furieuses à des instants plus posés. Le tout n’est pas inintéressant mais peine à convaincre jusqu’au bout du set.
Parce qu’il n’y a pas que la prog qui aura été schizophrénique cette année mais également vos serviteurs, nous ouvrons aussi la Warzone en ce dernier jour ! Et une fois n’est pas coutume, c’est au son d’un hardcore crossover tout en finesse que ça se passe. Les tourangeaux de Beyond The Styx déchaînent la fosse qui remue telle une rivière voulant franchir les crash bars, et cette énergie communicative nous galvanise pour la suite…
…Ou pas. Quand Wolvennest montent sur scène, c’est pour ce genre de concert que l’on regrette le toit de la Valley. Il faut en effet reconnaître que jouer à midi pour un groupe de doom psychédélique n’aide en rien à développer une ambiance sombre et mystérieuse. La pluie en fin de set viendra définitivement doucher notre tentative de nous imprégner de leur univers occulte. Pourtant les Belges (mais c’est une invasion ma parole !) ne déméritent pas, devant un parterre clairsemé (la météo hésitante en est la raison), aidés par un son de très bonne facture. Les trois guitares permettent de franches salves de riffs lourds et puissants, complétés par des sonorités toutes plus lugubres et inquiétantes les unes que les autres (on n’aura jamais vu autant de thérémines sur scène que pendant cette édition !)
Les quelques curieux qui ont osé braver la pluie battante ont certainement été hypés par l’annonce du casting de cette nouvelle formation. C’est bien Dave Lombardo qui se cache derrière les fûts d’Empire State Bastard, accompagné de membres de Biffy Clyro. L’idée derrière ce line-up était de pouvoir proposer « la musique la plus lourde, la plus avant-gardiste et la plus conflictuelle qu’ils pouvaient trouver ». Le concept est un peu à l’image de l’accoutrement de Simon Neil : long ciré de marin pêcheur, short et mocassins à glands dorés. C’est foutraque et ça ne ressemble pas à grand chose. On s’extirpe de ce déluge de perce-tympans strident malgré la pluie, et on se dit qu’on aurait mieux fait, question agressivité, pour une fois, d’aller se planter devant une MS pour voir les survoltés d’Ho99o9.
Alors que la pluie a décidé de s’abattre sans discontinuer et après avoir subi le concept bruitiste précédent, on décide de braver la météo et de profiter de Legion of Doom. Constitué de membres de Trouble, Saint Vitus, Pentagram, Corrosion Of Conformity et Sacred Dawn, ce super groupe nous offre une sélection de morceaux des groupes sus-nommés et, il faut l’avouer, ce sont ceux de St Vitus et Pentagram qui seront les plus ovationnés et appréciés du (très maigre) public. Une bonne surprise pour un cover band.
Alors que les stoneheads arrivent tranquillement, la météo se fait plus clémente et c’est même sous un rayon de soleil que les suédois de Dozer prennent possession des planches. Avec sous le bras l’un des meilleurs albums parus cette année, et qui sera une grande partie de la setlist, c’est le meilleur du stoner qui nous est offert. Le son est massif, ça groove et ça pète des nuques (ou ça plante du piquet pour d’autres), bref, on prend notre pied! Les passages des suédois sont bien trop rares pour ne pas apprécier à sa juste valeur la qualité des compos qui prennent une dimension incroyable sur scène. “C’est le meilleur concert du jour!” pouvait-on entendre à la Valley, et nous validons doublement cette affirmation.
Tout le monde jette un œil au ciel menaçant mais c’est Mutoid Man qui fait son apparition sur la scène Valley. Le trio, emmené par le charismatique Stephen Brodsky, va déployer un métal frénétique et délicieusement excessif. Ils reviennent en Europe avec un nouvel album à paraître (« Mutants ») et un nouveau bassiste. Certains auront reconnu Jeff Matz, évoluant habituellement avec High on Fire, mais capable de suivre les exigences techniques que nécessite le son sophistiqué de Mutoid Man. Le public de la Valley en prend plein la tronche, chaque titre étant des tubes en puissance. Terriblement accrocheuse, leur musique ne manque pas d’outrance et de fun notamment lorsqu’ils balancent une version doom du titre de The Animals « Don’t Let Me Be Misunderstood ».
Alors bonne ou mauvaise idée de remplacer les frangins Abbott par Zakk Wylde et Charlie Benante ? Si nous étions persuadés avant cette journée d’une trahison de l’histoire de Pantera, le rappel de Phil Anselmo sur le sujet a au moins le mérite de remettre les choses d’équerre : il s’agit d’une tournée hommage «for the fans, for the brothers, for legacy». Voyons jusqu’où ira cette promesse, mais ce soir, il faut reconnaître qu’apprécier certains titres légendaires en live a de quoi assouvir le fan qui sommeille en nous. Autre fait marquant à retenir : Philou est en bien meilleure forme vocale, bien que statique pendant toute la durée du concert. Vu qu’il ne rate aucune édition (il le répète lui-même, il adore le Hellfest !), c’est de bonne augure pour ses prochaines apparitions, quelle que soit la formation l’accompagnant.
Ultime concert de cette édition, on ne sait JAMAIS ce que les Melvins vont nous faire. Set bruitiste et inaudible pour le commun des mortels ? Vrais morceaux joués “normalement” ? À notre grand étonnement, nous aurons droit à un set absolument fabuleux ! Du “Houdini”, du “Senile Animal”, j’en passe et des meilleurs, Buzz et son fou de bassiste bondissant assurent un show incroyable. Je ne pensais pas que je pourrais finir joyeusement sur un concert des Melvins, mais c’est bien le cas. “C’est le meilleur concert du jour !” Heu… tu l’as déjà dit Richard, lâche le pichet de muscadet maintenant, il faut rentrer…
Pas facile de tenir quatre jours de festival (sans compter la fiesta) surtout quand la prog nous met à l’épreuve, en dispersant des groupes sur des scènes différentes de celles où on pensait les voir. Mais une affiche riche qui nous a encore fait courir (un peu moins grâce au déplacement de la Valley, merci) et permis d’assister à de superbes concerts de l’événement numéro 1 des musiques Heavy.
Mais le Hellfest reste le festival de la démesure. Plus de jours, plus de groupes, plus de bières, plus de merchandising, plus de commerce, plus de touristes, toujours plus cher. Oui, le Hellfest est désormais une machine bien huilée qui pèse dans le game mais aussi dans le paysage économique d’une région. Et il va falloir se rendre à l’évidence : le Hellfest n’est plus uniquement ce rendez-vous de metalfreaks des débuts. C’est désormais une certitude. Mais aussi contradictoire que cela puisse paraître, le festoche reste pour autant l’occasion d’apprécier une multitude de groupes ayant très peu l’occasion de tourner et ce, dans des conditions de confort optimales. Cependant, à l’avenir, il y a certainement une chose que l’on souhaiterait en “plus” : une communication digne de ce nom tant par Ben Barbaud (voir l’interview lunaire pré-festival sur France 3) que par l’organisation à propos des sujets sur lesquels on lui demande de se positionner. On rappellera à l’occasion qu’un gros fuck de boomer n’est pas une réponse.
Enfin, merci à Sylvain Golvet pour ses clichés toujours aussi incroyables sans qui notre report serait bien terne. À l’année prochaine !
Top 5 Yannick K. : Earthless, Monster Magnet, Botch, Dozer, Amenra
Top 5 Pierro : Monster Magnet, Dozer, Amenra, Botch, Peter Pan Speedrock
Top 5 Sylvain Golvet : Botch, Meshuggah, Earthless, Melvins, Bongripper
Last modified: 20 juillet 2023