HELLFEST 2023 Le Report – Jour 2

Written by À la une, Live

En ce deuxième jour de Hellfest, on est (presque) frais, on est toujours beaux, on se lance dans une grosse journée avec la motivation d’un coureur de fond prêt à avaler son marathon pour faire péter les records. (TEXTE : Lord Pierro & Yannick K. // PHOTOS : Sylvain Golvet)

Aujourd’hui les belges sont encore à l’honneur à la Valley et ce, dès l’ouverture du site ce vendredi. Les Bruxellois de My Diligence ont en effet la lourde tâche d’ouvrir la journée devant un public à la bouche encore pâteuse et aux cheveux pas d’accord. Mention plus qu’honorable pour ce trio aux riffs stoners costauds, aux samples judicieusement choisis et aux lignes de chants accrocheuses. Le petit yoga tout en psychédélisme parfait pour démarrer la journée.

Un coucou à Lemmy et on file tout droit dans le pit de la Warzone déjà chauffée à blanc par l’énergie des Brestois de Syndrome 81. On ne fera d’ailleurs que ça de toute la journée : alterner entre ces deux scènes, terres de prédilection des goûts de vos humbles serviteurs. Mais il faut aussi reconnaître qu’une des conséquences indirectes de la nouvelle configuration de cette partie du fest est que nous ne sommes plus forcément invités à fouler la zone au-delà du bois …Et ça n’est pas grave, tant la qualité de cette journée Valley/Warzone est dantesque !

C’est donc au travers d’un punk Oï! remis au goût du jour grâce à des nuances Hardcore que Syndrome 81 se fait l’écho d’une misère sociale, des injustices et du désenchantement de leur ville natale, marquant d’un gris béton leur ADN. Même si le set s’essouffle quelque peu sur la fin, la sincérité de leur propos fait mouche et l’activité du chanteur pour faire participer le public fonctionne à merveille.

On vous a déjà dit que la prog était totalement schizophrénique cette année et avait mélangé les scènes au hasard ? Oui ? Tant pis. Parce que je ne comprends toujours pas pourquoi LLNN ont été programmés si tôt, sur une scène sans chapiteau… Leur post-black terrifiant, bien qu’exécuté avec la même passion que celle d’un bourreau aimant le travail bien fait, a du mal à prendre en plein soleil, à midi. Pourtant ça envoie du plantage de piquets d’un bout à l’autre du set, mais rien n’y fait, ce lieu et cet horaire ne rendent pas justice à leur musique lugubre.

Heureusement, rien ne vaut un bon petit Peter Pan Speedrock pour se relancer et rallumer la mèche d’une ambiance chauffée à blanc. Les Hollandais sont une usine à riffs de bamboche et ils font mouche à tous les coups! La bande son parfaite pour l’apéro du midi, on sautille et on a le cul qui frétille, la bière nous émoustille, signe que le rock burné des bataves a touché notre… cœur. C’est simple, si Motörhead avait un enfant illégitime au plat pays, il s’appellerait Peter Pan Speedrock.

Helms Alee

C’est donc tout enjoués que nous regagnons le devant de la Valley pour revoir Helms Alee. Leur passage en première partie de Russian Circles l’an passé nous avait subjugués et il était hors de question de les louper. Le trio de Seattle délivre un set tout en puissance, privilégiant l’efficacité au côté lancinant de leurs dernières compos. Bien leur en a pris, c’est le premier meilleur concert de la journée ! L’alternance des voix, la lourdeur de la basse et une batterie martiale nous plongent totalement dans leur univers aquatique.

Règle de l’alternance oblige, on change de crèmerie pour aller… à l’Altar! Seule entorse aux scènes du fond du site, Nostromo est l’instant nostalgie de la journée. Incroyable de voir le chapiteau bondé à l’heure du déj, et on peut remercier la configuration des tentes qui permet de voir le concert depuis le devant de la Temple. Tabassage en règle et aucune pitié pour les oreilles fragiles, les Suisses déciment tout sur leur passage et personne ne pourrait croire qu’ils avaient arrêté pendant douze ans…

Nostromo

Fallait-il voir dans ce créneau musical du running order (juste après le déjeuner), une recommandation médicale contre la constipation ? Avec Primitive Man, ce n’est plus votre burger potatoes qui descend tout seul, c’est l’expérience d’un prolapsus anal que vous allez vivre. Plus sérieusement, cette brique sonore infligée tombe à plat. On est plus proche du happening amalgamant drone bruitiste et beuglements, mais n’ayant aucune prise sur un public consterné et écrasé par la lourdeur sans groove de la proposition. Et si en plus vous rajoutez l’indifférence et le désintérêt que porte le groupe pour son public…

Après cette expérience ratée et une pause méritée sous un soleil de plomb, on se met en condition pour Bongripper. Dans le meilleur état possible lorsque les Chicagoans déboulent, on se prend dans la gueule avec joie leur doom instrumental qui est aussi léger qu’un bulldozer vous faisant un câlin : écrasés par le pachyderme, on encaisse avec un plaisir masochiste et pire, on en redemande ! Si d’autres ont subi des horaires chelous, Bongripper auront joué au moment le plus opportun pour délivrer un set de patrons.

Mais trêve de flânerie, il faut aller dire adieu à un groupe culte, qui vient nous gratifier de son dernier passage en France, les anglais de Cockney Rejects. Pionniers de la Oï! en Europe, c’est tout en énergie houblonnée et glaviotant sur les premiers rangs que les anglais balancent leurs brûlots contre les nantis, la  flicaille et autres injustices que subit la classe ouvrière. La fête oui, mais à coups de lattes dans les dents ! Merci les gars, bonne retraite !

Weedeater

À peine le temps de prendre un pichet que c’est déjà l’heure du deuxième round d’enfumage. Les ricains de Weedeater vont envoyer leur sludge le plus sale et crasseux possible à la face d’un public qui n’attend que ça. Spectacle visuel à lui seul, le bassiste-hurleur Dixie Collins ne cesse de faire le pitre, pour le plus grand plaisir des photographes. Mais ça n’est pas un artifice pour masquer la qualité de leur musique, taillée pour la scène, quelle que soit sa taille.

Ce qui va suivre n’est pas une douce descente d’ambiance mais une chute dans un trou noir, celui des chiottes de l’inspiration. Certainement attiré par le CV bien rempli du bonhomme, le public s’est massé en nombre devant le putaclic Greg Puciato. Le gloubliboulga de tous les stéréotypes radiophoniques à éviter sont malheureusement enchaînés jusqu’à la nausée. Une musique sans saveur donc, dont même la fade reprise du « Them Bones » d’Alice in Chains n’arrive pas à relever le niveau d’intérêt pour Greg et ses copains. Si Mr Bungle avait son pendant parodique, il s’appellerait Greg Puciato.

Greg Puciato

C’est toujours avec une certaine pointe de nostalgie que l’on aborde un concert de Rancid. Celles de nos années punk à roulettes bercées par le son de « Let’s Go » et « …And Out Come The Wolves ». Sans surprise, les rebelles de Berkeley ont majoritairement puisé dans le répertoire de leurs trois premiers albums. On aura bien droit à la chanson éponyme de leur dernier album en ouverture en guise de maigre nouveauté (alors que le groupe est justement en tournée en Europe pour le défendre). C’est avec affection que l’on retrouve ce cabotin de Tim Armstrong, mais il faut bien reconnaître que c’est son compère Lars Frederiksen qui tient désormais la boutique, hurlant leurs hymnes arrogants d’un show joyeux mais sans compromis sur leur esthétique punk.

Généralement, on aime bien finir les journées par un groupe fun, propice à l’esprit de fête qui va se propager jusqu’au bout de la nuit. Mais pas aujourd’hui. Non, ce soir nous sommes conviés au grand retour de Botch, après une vingtaine d’années d’absence et au moins autant depuis leur dernier passage dans l’Hexagone. Cher lecteur, si tu as manqué cette date exclusive européenne, tu as foiré ton Hellfest. Le quatuor de Tacoma balance son mathcore sale et violent comme si ses jours étaient comptés, le public est déchaîné devant la scène et c’est un rouleau compresseur de méchanceté qui s’abat sur la Valley. Inutile d’essayer de digérer cette performance incroyable, on essaie de rassembler nos ossements et autres lambeaux, et on prend la direction du pageot.

Last modified: 18 juillet 2023