Desertfest Antwerp 2022 – Jour 3

Written by À la une, Live

(PHOTOS : Sylvain Golvet) Dimanche tard. Très tard. Aussi gracieuse au sortir du lit qu’une loutre sous Vicodine, je note dans le salon les vestiges d’un after de l’after dont je n’ai pas entendu le moindre son. Il règne une atmosphère très 4e dimension, lorsque le héros s’aperçoit à son réveil que le monde tel qu’il le connaît est apparemment parti en vrille. Vite, ramasser quelques canettes vidées de leur IPA artisanale rarissime, ébouillanter ma pauvre carcasse à peine remise de son troisième Covid, cacher la misère à coup d’highlighter, me draper dans mon cuir (vu que pour la dignité c’est foutu) et jaillir du taxi juste à temps pour…

Incantation ! L’un des trucs que j’adore avec le concept Desertfest, c’est la capacité des programmateurs à sortir des clous. Et si l’édition londonienne a coutume de laisser des curateurs spécifiques lâcher les chiens sur les petites scènes (ce qui a donné des soirées NWOBHM comme des après-midis bluegrass), les Flamands choisissent, eux, de twister un line-up un peu plus orthodoxe à coup de metal extrême comme ces vétérans du death. Le public est euphorique et brandit des mojitos, prouvant l’intérêt pour ce genre de transgression.

Avec plus de trente ans de carrière et pas mal de changements de line-up, Incantation réussit là où Morbid Angel a fini par se ramasser : rester old-school. Aujourd’hui, on sent la maîtrise, la volonté de ne pas sonner propre et le désir de proposer quelque chose de dense, brut et invasif sans se sentir obligé de tripler le tempo. Carton rouge cependant pour le sondier dont le projet semble de vouloir avoiner le plus possible tout en évitant d’exploser le sonomètre avec pour résultat un écrêtage sanguinaire…

Incantation

Sur ce, autant vous le dire tout de suite, je rate à la fois Steak et Slomosa. Syndrome du dimanche diront les uns, mais la vérité, c’est que j’ai passé ces trois heures à parler boutique avec d’autres acteurs de la scène : nantais, strasbourgeois et parisiens. On est tous d’accord sur le fait que la reprise post-crise sanitaire n’est pas facile, que même les grandes villes manquent de salles, que de nouvelles pratiques se sont généralisées (comme le fait d’annuler systématiquement les dates dont les préventes ne décollent pas) et que le coût de fabrication des disques atteint des sommets transalpins. Face à ces cartes rebattues, tant les orgas que la presse ou encore les labels devons plus que jamais nous rencontrer et prendre le temps de discuter de nos options.

Je rattrape donc les hostilités avec Lucifer, groupe que j’affectionne tout particulièrement pour son heavy rock sans fioritures typiquement scandinave. Je vous avais parlé hier de l’étrange réaction du public devant Alunah, et bien la même chose se reproduit ici puissance 10… Face à la blonde et sculpturale Johanna Sadonis moulée dans sa combi en vinyle telle une Barbarella du riff, ces messieurs des premiers rangs se ratatinent littéralement, certains arrivant à peine à la regarder. Les filles au contraire semblent galvanisées par sa puissante énergie féminine et capables de s’y connecter afin d’absorber un peu de ce feu. Un ami à qui je fais part de ma perplexité avance que le problème pourrait venir d’une impossibilité d’identification. Nous autres serions donc capables de nous assimiler à des barbus montés sur des ossatures de bûcherons canadiens mais eux ne pourraient pas créer un lien empathique avec une espèce de déesse nordique assumée à l’extrême? Vos remarques et théories sont les bienvenus en commentaires !

Lucifer

J’espérais vivement Stygian Bough, le projet commun de Bell Witch et Aerial Ruin mais je reste coincée à la porte du concept. C’est pourtant le funeral doom le plus subtil et le plus fantasmagorique. La puissance d’évocation est aberrante et rapidement, l’esprit se sature d’images et des souvenirs. Pas le genre de réminiscence mélancoliques dont je veux faire l’expérience aujourd’hui cependant et je plie les gaules rapidement, d’autant plus que le furieux de la compression ayant ébréché Incantation est encore aux manettes.

Même sentence avec Wolves In The Throne Room pourtant rares sous nos latitudes et généralement très attendus mais dont la vibe est en totale inadéquation avec mon euphorie parfum menthe et sucre de canne. Rattrapage un peu plus tard avec Sasquatch, valeur sûre des fins de soirée car capables de subtilités bluesy 70’s comme des morceaux stoner’n roll les plus rentre-dedans.

La scintillante confusion de l’after sur la Canyon Stage aurait pu sonner le glas de cette édition mais c’était sans compter l’étourderie légendaire de ma rédac’ chef… Et, alors que nous nous trouvons en bas de l’immeuble, les bras chargés de bières bas de gamme fraîchement acquises à l’épicerie du coin, les clés se trouvent, quant à elles, bien à l’abri à l’intérieur de l’appartement. Un grand merci à l’Alsacian Connection pour l’asile politique, la pudeur m’oblige à jeter un voile sur le niveau intellectuel des dernières heures de la nuit…

Desertfest Antwerp, on t’aime et on reviendra !!!

Last modified: 20 novembre 2022