Commençons donc l’année par une correction. Correction à plusieurs titres. Arrivé trop tard aux oreilles de votre feignasse de serviteur, ce « Blood Of The Old Gods » attisa ma curiosité bien après la rédaction de la traditionnelle shortlist de l’année. Ne jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, c’est bien connu. Rendons donc justice au travail de Restless Spirit et ouvrons 2022 sous de meilleures auspices : celle d’une bonne vieille avalanche de bûches. Car oui de correction, vous allez y avoir droit et surtout tendez la joue gauche. Parce que vous allez aimer ça. Formation complètement inconnue pour ma part, mais s’étant taillée une place de choix dans l’underground outre-Atlantique, commençons donc l’année avec cette belle découverte. Ça fait du bien au moral et aux esgourdes.
Il y a une certaine logique dans le choix d’une illustration de Frazetta, le maître de l’heroic fantasy et fournisseur officiel de pochettes heavy metal. Parce qu’il n’a rien de dépaysant justement, l’artwork a déjà tout pour rassurer. On sait d’emblée que les prochaines quarante minutes s’apparentent plutôt à la bande son de votre prochaine partie de Warhammer ou Dungeons & Dragons. Là où on aurait pu rester scotché dans les années 80, Restless Spirit a su largement faire évoluer et rafraîchir ce heavy des familles via des inspirations sludge et doom traditionnel. Il en ressort un concentré de riffs et de folles cavalcades rythmiques, nourrissant d’extraordinaires envolées épiques sur fond de dramaturgie doom.
On pense bien évidemment à Mastodon, précurseur dans cette propension à agréger ces différents styles à travers les âges et les tendances. Mais ne vous méprenez pas : cet album n’a de progressif que sa longueur des titres. Tout au moins cela reste en filigrane. « Blood Of The Old Gods » est une collection de riffs épais à vous briser la nuque. Mais il regorge aussi d’une multitude de plans ingénieux s’enchainant à merveille. On se laisse ainsi happer par ces rebondissements incessants et surprenants balayant toute indigestion ou ennui. Restless Spirit a réduit le nombre de titres (par rapport à son premier album), reste concis pour préserver une tension bienvenue, jongle avec habilité entre la complexité et les mélodies addictives de ses morceaux… et évite surtout de se répandre inutilement. Pas besoin de double album pour proposer une expérience over the top. Ici on en redemande.
Et pourtant ce n’est pas la première écoute qui sera déterminante. C’est au bout de quelques repeat que la construction prog sous jacente des titres dévoile de subtiles complexités pas évidentes immédiatement. Dans le détail, « Judgement & Exile » est un tel enchainement de riffs et de solis sur une terrible dynamique que le titre concourt désormais pour être le thème du programme imposé d’Air Guitar. La chanson éponyme reste la pièce montée de l’album à laquelle chacun apporte toute sa virtuosité à l’ouvrage. Une pure gâterie heavy stoner, passé au concasseur sludgecore dans son dénouement. Si avec ça vous ne bougez pas votre cul, désolé on ne peut plus rien pour vous. Et comme si vous broyer les os ne suffisait pas, le finale « Haunted » vous déchirera le coeur de son lyrisme poignant.
De l’aveu du groupe, « Blood Of The Old Gods » c’était un peu l’album de la dernière chance. Jetez-vous dessus et dites leur tout le bien que vous en pensez. Puis à vos potes. Et à vos voisins aussi. En poussant le volume qu’on vous entende jusqu’en enfer.
Last modified: 8 janvier 2022