Dimanche 15H au Roundhouse, en nage à cause du sprint destiné à rapatrier au BnB tous les trucs inutiles achetés au Stables Market après avoir clamé haut et fort que je ne mettrai plus les pieds dans ce piège à touristes… En 2018, le Desertfest a passé un cap en annexant cet édifice gigantesque, jadis plaque tournante ferroviaire puis entrepôt avant d’être converti en lieu de spectacle à l’automne 1964, inauguré par une soirée d’ouverture où jouaient notamment Pink Floyd ainsi que Soft Machine. Ronde et majestueuse yourte pour cyclopes, la salle est dotée d’une acoustique à rendre jalouses les arènes de Pompéi. (PHOTOS : Miguel de Melo)
Pas vraiment réputés pour leur investissement débridé de l’espace scénique, les trois de COLOUR HAZE y semblent minuscules, comme engloutis par la démesure de lieu. Heureusement, leurs sets ne se regardent pas mais se ressentent, tenant davantage du voyage intérieur que du show étudié pour faire slamer les amateurs de Jagger bomb. Et tandis que les fauteuils des balcons commencent à me faire de l’œil, je me donne un bon coup de pied au cul et sors sur la pointe des pieds. Un petit camarade de la big boss vient en effet de débarquer afin de couvrir ce qu’il va se passer et quant à moi, j’ai d’autres chats à fouetter.
Le Dev accueille aujourd’hui un curating spécial du Black Deer Festival, nouvel évènement britannique dédié à la country. Le groupe d’ouverture me laisse perplexe, sorte de néo-boogie à la ZZ Top fleurant davantage le rock sudiste que l’americana. J’apprends que leur banjo est absent, ce qui peut expliquer le son mais en aucun cas les allusions lourdes et sexistes du chanteur…
Switch sur le Black Heart où the VIDEO NASTIES, pour lesquels j’éprouvais cependant une motivation proche de zéro, réussissent là où le psych et le southern ont échoué : me redonner assez d’énergie pour interagir avec le genre humain. Mon petit cœur saigne à l’idée que demain, tout ceci ne sera plus qu’un merveilleux souvenir mais jubile devant ce crust black’n roll burné évoquant Coffinworm ou encore Doomriders. Un peu de chant clair (pas toujours juste), beaucoup de hurlements style banshee en SPM et un riffing bien thrash qui structure le groove. C’est l’un des seuls groupes du festival à terminer en avance, ce qui me laisse un créneau de bar confortable avant SABBATH ASSEMBLY. Et loué soit l’alcool car sinon, j’aurai littéralement chu d’ennui devant ce set manquant à peu près autant de naturel qu’une interprétation de Beckett en milieu scolaire…
Techniquement, c’est au point mais la cohérence est aux abonnés absents. Et tandis que Kevin Hufnagel fait le job, headbanguant invariablement deux fois à la fin de chaque riff, Jamie Myers se contorsionne sans grande conviction devant un public qui bande mou. Je craque vers les deux tiers du set et pars bouder dans un petit deli italien où j’ai mes habitudes et où je dorlote ma déception avec un osso bucco bien arrosé ainsi que la lecture des interviews du programme.
Messa… oh MESSA ! A peine découverts et déjà sur mon podium. La big boss m’avait bien vendu le truc mais là, c’est carrément au-dessus de mes espérances les plus folles. Totalement néophyte concernant ces charismatiques transalpins, je bois littéralement leur doom intense, comblant à la fois mon goût pour l’occulte, mon obsession pour les 70′ ainsi que mon féminisme opiniâtre. Le tempo est alangui mais l’écriture est riche, offrant une alternance de rugissements heavy et de nappes jazzy bien définies, même si l’ensemble aurait clairement mérité le confort sonore de l’Underworld. Sara est puissante, sincère, parfaitement ancrée et ne surjoue jamais, communiquant gentiment avec le public entre deux solos très gilmouriens d’Alberto.
Séduite, ravie, requinquée, je suis prête à donner une deuxième chance au country sunday du Dev. Ici, l’herbe n’est pas plus verte mais définitivement plus bleue et tandis que le vigile m’avoue être à deux doigts de se jeter dans le canal du fait d’une aversion viscérale pour la musique traditionnelle, le troquet s’est transformé en bouge du Kentucky façon Justified. Classieusement fagoté, veston chemise pour ces messieurs, robe des champs pour mademoiselle, le quintet dissimule derrière une attitude toute simple un monstrueux niveau et ne fait pas dans la petite mélodie délicate. Qui eût-cru qu’une guitare, un banjo, une mandoline, une contrebasse et un violon pouvait ébranler les murs de cet antre du metal extrême et faire swinguer ses piliers de comptoir !
Vite, beaucoup trop vite, arrive le set tant attendu de THE DEVIL AND THE ALMIGHTY BLUES. Lorsque s’élève un enregistrement du trad Oh Death, supposément attribué à Lloyd Chandler, chacun pige qu’il n’est pas là pour rigoler mais pour vivre une expérience borderline. Extirpant des entrailles du Blues originel son pouvoir de révélation, les norvégiens le mâtinent de métaux lourds avant de le recracher devant un public médusé. La voix est puissante, les Gibson belles et divinement harmonisées façon Wishbone Ash, bref l’ensorcellement est total. Leur sortie de scène s’accompagne d’une autre complainte venue elle aussi tout droit des états du Sud : le Ain’t no love popularisé Bobby Blue Bland.
C’en est presque trop… Vite un peu de remue-ménage et de futilité au Black Heart où le traditionnel DJ set de fermeture met un bon gros point final à cette époustouflante édition. Un grand merci, chers lecteurs pour avoir suivi mes débuts chez The Heavy Chronicles, il se pourrait peut-être que nous nous recroisions bientôt.
Last modified: 8 juillet 2019