Il y a des festivals qui te torgnolent à froid et à jeun, à peine les clés du bnb dans ta poche, à grand renfort de jeunes groupes inexpérimentés excités comme des bébés labradors. Mais le DESERTFEST LONDON n’est pas de cette engeance, préférant chauffer en douceur le nouvel arrivant avec quelques groupes loin d’être des bleus, du plus rock (The Great Machine) voire garage rock (Blackwater Holylight), au plus doom (Vokonis) en passant par le plus fuzz (1968). (PHOTOS : Miguel de Melo)
Eurostar bon marché oblige, je ne déboule cependant dans l’arène que peu avant 16H, juste à temps pour JAYE JAYLE. Aucune immersion n’est plus abyssale et séduisante que par cette dark-folk atmosphérique et classieuse cousue de boucles envoûtantes et de delays dickdaliens au milieu desquels un saxophone viendra momentanément poser quelques lignes. L’équilibre entre les riffs dilués comme des lavis, les nappes de piano et les samples anxiogènes est exquis mais le coeur de la formule demeure la voix soyeuse d’Evan Patterson, belle performance de type baryton hot, à mi-chemin entre Mark Lannegan et Carl McCoy. Aussi réchauffée qu’après un large verre de Shiraz, j’envisage la journée avec un enthousiasme débordant.
Mais rien n’est parfait, même au paradis et, bien qu’ayant attendu avec impatience l’apparition de HHY & THE MACCUMBAS, je peine à rentrer en osmose avec cette version crypto-électro du groupe, c’est à dire sans les cuivres ni les tambours rituels. Restent deux batteries face à face tricotant des rythmes tribaux avec une belle fluidité ainsi qu’une mosaïque de sons simultanément actionnés par Jonathan Saldanha, l’éminence grise aux machines et par un danseur muni de pods. Dos au public, l’arrière de son crâne habillé d’un masque vaudou, celui-ci se trémousse avec conviction, accompagnant les attaques de toms d’un déhanchement capable de filer des complexes à Mick Jagger et Rod Stewart réunis. Peu convaincue, j’entame un repli stratégique vers Greenland Place, cœur palpitant du DesertFest.
Ici, changement complet de registre parfaitement calé sur l’heure de l’apéro. Avec son doom’n roll sabbathien détendu du riff, GREAT ELECTRIC QUEST ose l’humour au kilomètre entre les morceaux alors que le guitariste, un petit Fast Eddie Clark en puissance doté de la tignasse de Criss Oliva, aligne le genre de plans 80′ chers aux amateurs de spandex. En comparaison des dandinements polis de la faune du Ballroom, le public est ébullition, prêt à encaisser le slam du chanteur juste avant une belle reprise motörheadisée de « Highway Star ».
Une pause ramen plus tard, je m’infiltre dans un Underworld plein comme un oeuf pour un groupe dont je ne sais rien mais qui rentre aussi sec dans mon top 3 du festival : R.I.P. Le premier morceau est déjà bien entamé lorsque je dévale l’escalier mais une chose me frappe avant même d’entrer dans la salle : la qualité du chant. En toute honnêteté, je trouve que le heavy doom conduit souvent à la pratique abusive du braillement, généralement faute d’amplitude suffisante pour en couvrir à la fois les plans graves et aigus mais là, rien ne grince chez cet énergumène poilu vocalisant puissamment dans un micro-faux. Venus de Portland, les quatre chevelus éructent un cocktail corsé évoquant à la fois Sabbath, Purple et Beastie Boys période rock’n roll. Et que les allergiques aux interminables solos se rassurent, ceux-ci sont sobres, courts et délicieusement affûtés.
Il est temps de retourner en galopant vers l’Electric Ballroom pour une dose d’intros atmosphériques, de shuffles d’outre-tombe et de voix tonitruante et sexy aux accents new-wave. J’ai cité WOVENHAND, l’un de ces groupes dont je rate systématiquement le set à chaque festival. Aujourd’hui, semi-exception à la règle, je me délecte d’une bonne demi-heure de show avec le sourire de la groupiasse qui s’assume avant de me laisser embarquer par la taulière du Glad Stone Fest dans une de ces conversations éthylo-philosophico-sororales face auxquelles même la meilleure country post-apocalyptique ne peut rien.
Je traîne un peu au Ballroom pour OM, histoire d’absorber quelques vibrations de la cérémonie Cisnerienne. La salle ressemble à une fumerie géante investie par une marée humaine hypnotisée, hochant la tête indépendamment de sa propre volonté. Dans l’ombre bleutée côté jardin, un tech polit inlassablement les basses du prophète…
Retour à la réalité et au Black Heart pour choper au vol quelques morceaux de SKRAECKOEDLAN, portée de chatons suédois découverte au Heavy Days in Doomtown il y a un bail et maîtrisant à la perfection le riff qui galope devant une fanbase visiblement fidèle. Difficile de garder les yeux ouverts, je réserve donc mon joker « after honteux » pour le lendemain et file vers le bnb mais… sur le chemin, il y a le Dev… Allez, une dernière pinte ne me tuera pas et puis, le cidre, ce n’est pas vraiment de l’alcool…
Last modified: 8 juillet 2019