En ce deuxième jour au HELLFEST, nous faisons essentiellement des allers-retours à l’ombre des scènes Temple et Valley où des groupes aux styles très variés se produiront, notamment les mythiques américains loufoques de PRIMUS et DEAFHEAVEN, nos fiertés nationales d’ALCEST, ou encore – chose extrêmement rare, et un des moments forts de cette journée – la formation pagan instrumentale de WARDRUNA. (PHOTOS : Sylvain Golvet)
Je commence cette journée comme toutes les autres par un arrêt sous la Valley devant nos camarades français de LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL. Depuis leur passage à Bordeaux en 2014, je ne me suis pas trop renseigné sur leur évolution. Leur son heavy stoner a laissé place à quelque chose de plus carré et propre qui fricoterait presque avec du post-hardcore, voir du djent (guitares 8 cordes en moins.) Le chant est toujours très atypique, mais des éléments électroniques viennent se greffer et donnent une toute nouvelle identité sonore dont je ne sais quoi penser. Le flic américain qui veillait autrefois sur la scène demeure absent également.
Direction le Temple pour coucher par écrit quelques réflexions devant un groupe qui porte bien son nom : MONOLITHE. Du funeral doom lent, très lent, tellement lent que le chanteur en rigole avec nous : « la prochaine est un titre court, elle dure 15 minutes. Ça sera notre deuxième et dernière chanson d’ailleurs. » Rien de bien affolant cependant, surtout de bon matin. Je retourne errer sous la Valley devant un monstre au nom ténébreux : PRIMITIVE MAN. Une créature incarnée par trois gros Américains officiant dans un sludge doom très gras. Un chant ultra caverneux et glacial, des guitares angoissantes balançant de multiples larsens et accords dissonants, et une batterie lente et pachydermique, le tout formant un espèce d’ensemble obscur qui gèle notre sang et martèle nos crânes mal réveillés. Pour rester dans le domaine du froid, je retourne au Temple devant nos cousins québécois de MONARQUE, venus nous écraser avec leur « métal noir tabarnac » morbide. La température semble descendre d’elle-même durant leur set, essentiellement composé de titres de leurs excellents méfaits Lys Noir et Ad Nauseam. En revanche, je commence à croire que je n’aurai jamais droit à une version live de « La Vallée des Larmes, » à mon grand regret…!
Changement de registre total avec les merveilleux suisses de MONKEY3, qui ont disposé comme d’habitude leurs symboles ésotériques lumineux sur scène, ainsi que les traditionnels projecteurs sur le backdrop et la grosse caisse de la batterie. Ce groupe a une histoire particulière pour moi, car ils m’ont permis de me tenir le temps d’une soirée loin de la folie des hommes, un fameux soir de 13 novembre 2015 dans la cave de l’Heretic Club à Bordeaux. Un voyage en dehors du temps et de l’espace qu’il me tardait de revivre, et malgré toute la lumière et la chaleur, c’est une fois de plus réussit grâce à leur stoner atmosphérique quasi instrumental et envoûtant. Un voyage en hyper espace qui fait du bien, malgré le triste souvenir de cette date sus-citée.
Je quitte enfin les tentes pour m’aventurer au soleil de la Mainstage 1, curieux de voir ce que va donner ce show de PHIL CAMPBELL et ses BASTARD SONS. Arrivée étrange de la famille Campbell sur le thème de « Holy Grail », et soudain les guitares résonnent. Beaucoup s’attendent évidemment à des reprises de l’ancien groupe de tonton Phil ! Ainsi nous avons droit aux classiques de Motörhead tels « Ace Of Spades », « Killed By Death », « Rock Out, Eat The Rich » et même, ô surprise, « Silver Machine » de Hawkwind. De quoi saliver avant dimanche, et vénérer l’esprit de Saint Lemmy avec quelques décibels de rock’n’roll de consolation, bien que le niveau des musiciens ne soit évidemment pas suffisant en comparaison.
Direction cette bonne vieille Valley pour le parpaing doom instrumental du jour : BONGRIPPER. Les américains sont de retour en France après un premier passage l’an dernier dont j’ai été témoin à Nantes. Mais le son est cette fois beaucoup plus massif qu’au Ferrailleur, et c’est un fist auditif d’une douceur exquise qui nous assomme en seulement deux titres : le sulfureux « Worship » et le glaçant « Endless ».
Retour prévu dans un tout autre contexte avec le glam rock sexuel et provocateur de STEEL PANTHER. Après les avoir raté en 2012 à cause d’un changement de set soudain avec Koritni, nombre de festivaliers sont venu acclamer ces humoristes américains complètement décalés. Un peu trop décalés même. Trois titres en 15 minutes, dont environ 7 minutes passées à papoter et lâcher des vannes à la pelle. C’est trop pour moi, d’autant que le soleil frappe fort sur les Mainstage. Vous connaissez mon lieu de prédilection dans ces conditions ? Direction le show de nos copains MARS RED SKY sous la Valley ! Et bien que les ayant vu huit fois au total, c’est la première fois que j’assiste à un tel concert du trio bordelais. Cinq morceaux en un un peu moins d’une heure, et pour cause : ils présentent aujourd’hui leur nouveau titre de 17 minutes « Myramyd » (dont les préventes de l’EP étaient distribuées à l’Extreme Market durant le séjour). C’est allongé dans un coin de la Valley que je fais ce voyage très expérimental développé en trois temps, très progressif et onirique, mais toujours blindé de reverb et de fuzz ! « Strong Reflection » et « Stranded In Arcadia » pour clore le set, et c’est une fois de plus une Valley conquise qui les acclame pour ce second passage au Hellfest.
En opposition totale avec l’ambiance festivo-alcoolisée du festival, CHELSEA WOLFE ramène sous la Valley sa déprime rageuse. Aidée par trois acolytes aussi peu jouasses, l’Américaine a décidé de noyer son public d’une ambiance noise metal très racée, à la fois contrôlée et explosive mais le tout dans une classe folle qui nous rappelle que l’ecclectisme de la programmation du Hellfest est précieux. La part belle est donnée au magnifique Abyss mais 16 Psyche, extrait du prochain opus, laisse présager d’un album puissant. Au-dessus des drones enveloppant, la petite voix cassée de Chelsea nous fend le cœur sur le final Survive, puis nous bouscule et nous laisse hagards en quittant la scène après avoir crié toute sa rage dans ses micros de guitare. – Sylvain Golvet
Direction Altar pour renouer avec de vieux souvenirs d’adolescence devant SOILWORK, qui commencent leur show par des nouveaux titres, mais aussi et surtout « Nerve », une leur plus fameuses ! Au bout d’un moment cependant, ça devient lassant, et je me trouve un bon spot devant un autre groupe de mon adolescence… Malgré un début de concert relativement hasardeux, la musique absolument céleste de nos amis parisiens de ALCEST commence doucement à nous emmener au-dessus de la terre. Nous oublions un (Autre) Temps la chaleur de cette journée, et rejoignons des sommets embrumés, accompagnés par la douceur de leurs mélodies shoegaze. La voix enjôleuse de Neige (qui se métamorphose en créature plus obscure lorsque ses cris fracassent le silence) charme un public de plus en plus comblé. Toujours cette maîtrise parfaite de cette voix double, toujours ces titres merveilleux piochés entre Ecailles de Lune et Les Voyages de l’Âme, mais aussi et surtout leur dernier bijou Kodama. Des remerciements timides face à une foule totalement charmée, quelques larmes versées et partagées avec mon voisin totalement inconnu, et déjà nous devons quitter ce Temple devenu lumineux pour changer radicalement d’ambiance avec PRIMUS. Que… Je… Les Claypool pète la classe et joue comme un dieu, mais… Non, vraiment, je n’y comprends rien. Mon cerveau n’est pas prêt. J’ai l’impression d’être en plein bad trip musical (peut-être est-ce le but ?).
Je vais finalement me replacer sous le Temple pour un des groupes les plus attendus du week-end. Beaucoup, BEAUCOUP de monde est venu acclamer la troupe nordique de WARDRUNA, que je n’espérais jamais voir un jour dans ce festival. Alors forcément, toujours la même question : le public saura-t-il apprécier correctement ce qui est à mon sens un des meilleurs groupes toutes catégories confondues, ou se comportera-t-il n’importe comment, comme souvent ? En tout cas le décor est planté, des feux sont allumés sur la scène, le son est merveilleusement bien géré, et de nombreux titres du dernier album Ragnarok s’enchaînent lorsque la bande d’Einar Selvik entame son rituel. Les esprits de l’Antique Scandinavie semblent ressurgir et refroidir les lieux, mais pas les âmes ivres, qui se baladent à droite à gauche sous mon nez, discutent, rigolent, applaudissent pendant les moments calmes… J’arrive à faire fi de tout ça pendant une bonne partie du concert, mais sur la fin je craque et dois m’y reprendre à deux fois pour faire taire des gens qui sont là pour… je n’en sais rien, passer le temps ? « Helvegen » retentit, et c’est déjà une heure qui vient de passer dans une autre dimension, quelque part entre le Valhalla et Clisson.
Nous quittons les fjords gelés pour aller nous réfugier dans la chaleur du désert de la Valley, avec un énième projet de notre cher John Garcia : SLO BURN. Créé à la fin des années 90 et séparé avant même le passage au second millénaire, ce quatuor officie dans un stoner rock semblable à tout ce que fait John Garcia. Moins impressionnant que Unida en 2015, moins culte que Hermano en 2016, mais toujours efficace dans ses riffs et son leader charismatique, qui arrive à tenir des notes à la perfection quelque soit son état d’ébriété.
Allons donc finir cette soirée sous un Temple un peu moins bondé ! Loupés au Roadburn dernier, je ne voulais cette fois pas passer à côté des très médiatisés DEAFHEAVEN. Ces américains ont su se frayer un passage dans le monde du black metal en jouant la carte de l’iconoclasme : tenues banales sur scène, têtes de nerds, pochette d’album rose et danse bizarre de diva possédée pour le chanteur qui, mon dieu cette voix glaçante digne de n’importe quelle formation norvégienne ! Une maîtrise des instruments juste bluffante pour le reste du groupe qui, sans décrocher un sourire, enchaîne des titres comme un rouleau compresseur. Ces derniers sont un mélange très étonnant entre mélodies joyeuses et tristes à la fois, blast beat lourds, ultra rapides et sans merci, arpèges d’inspiration shoegaze totalement déprimants et en totale contradiction avec les gestes gracieux du frontman taré. Bref, je passe un moment incroyable, allongé sous l’écran géant du Temple, quelque part entre un doux cauchemar et un terrible rêve, me laissant bercer par la musique de ces génies, et ce sera pour moi le plus gros coup de cœur de la journée, voire de tout le festival.
Tête d’affiche 2017 de la Warzone, SUICIDAL TENDENCIES se savent attendus et ont décidé de se faire plaisir. Mike Muir et sa bande font donc monter la sauce avec 15 min de « You Can Bring Me Down » étiré dans tous les sens. Muir en profite pour arpenter la scène et faire du moulinet du bras jusqu’à plus soif (sa méthode de fitness perso ?). Ça pourrait être lourd mais ça passe crème grâce notamment grâce à monsieur Dave Lombardo derrière les fûts qui n’est clairement pas là pour de la figuration. Le reste du groupe a le sourire aux lèvres, le public aussi, et le gang déroule son pot-pourri de morceaux de toutes époques. C’est la guerre dedans nos têtes (entre autres) jusqu’à l’inévitable « Pledge of Allegiance » où, tous en cœur, on braille des « S.T. S.T. », ivres ou non. – Sylvain Golvet
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Last modified: 4 septembre 2017