Première journée au HELLFEST et (une fois n’est pas coutume) probablement la plus difficile pour tout le monde ! Le combo gueule de bois + soleil + poussière + chaleur a raison de nos corps dès l’aube. Le peu de cerveau qu’il nous reste quant à lui va être mis à rude épreuve avec des concerts barbares et parfois perdus dans la stratosphère, tels que les monstrueux ELECTRIC WIZARD et MINISTRY, les loufoques DØDHEIMSGARD, ou encore – dans un genre plus doux – les géniaux RED FANG ou SUBROSA. Peu de changements constatés cette année sur l’enceinte du festival, sinon que la jauge semble avoir été augmentée, et les Mainstage reculées pour obtenir un peu plus de place. Un nouveau système de pose de bracelets et de sécurité avant l’entrée ont aussi été déployé et leur efficacité semble mettre tout le monde d’accord dès cette première journée. Place aux concerts ! (PHOTOS : Sylvain Golvet)
Après avoir découvert la magnifique charpente d’ossements du carré VIP, je me retrouve face à autre nom qui évoque la mort, celui de VERDUN, dont j’aperçois les deux derniers titres sous la Valley. Un son très lourd, à mi-chemin entre du sludge et du funeral doom, qui accentue le côté morbide de notre tristement célèbre ville de la Meuse. Je n’ai cependant pas le temps d’en voir plus, mais c’est une mise en bouche efficace qui semble en avoir réveillé plus d’un en ce début de festival. Direction un coin d’ombre proche de la Mainstage pour SIDILARSEN ! Les Toulousains font partie de ces groupes que j’ai longuement écouté durant mon adolescence, mais dont je ne sais pas si je peux encore les cautionner aujourd’hui. Musicalement, c’est toujours aussi efficace, des riffs metal fusion mélangés à des samples électroniques bien mis en valeur qui, sur le coup, me rappellent d’autres toulousains, ceux de Punish Yourself. En revanche le chant me hérisse le poil, en particulier à cause des paroles pas toujours très inspirées. On en oublie cependant rapidement ce détail, la foule est conquise et pète littéralement les plombs sous un soleil lui aussi de plomb.
Direction le concert de SUBROSA, que j’avais découvert ici-même sous la Valley en 2014. Je n’ai pas la force de rester debout pour admirer la formation à dominante féminine, alors je pratique ma première « sieste Valley » du week-end ! Dans un état de semi-léthargie, je me laisse bercer par les violons et les guitares envoûtantes des américains, qui me rappellent par moments mes amours suédois de Cult of Luna. Il me semble que le chant n’est pas toujours très juste, mais on leur pardonne très vite tant l’ensemble est cohérent et onirique. Je ressors de ce concert en pleine forme pour attaquer la suite de cette journée, qui n’est pas prête de se terminer !
En effet, j’enchaîne jusqu’à ce soir non-stop, et entame la destruction de mes tympans avec des barbares que j’affectionne depuis longtemps… les brésiliens de KRISIUN. Comme d’habitude, c’est un triple bulldozer de brutal death, ultra rapide et technique, qui déferle sous Altar. Un rouleau compresseur qui donne envie de tout détruire, et que je décris à un pote comme étant simplement le meilleur groupe de metal brésilien à mon sens, bien loin devant Sepultura ou tout autre projet d’un quelconque Cavalera.
Je pars me placer un peu à l’avance juste à côté pour un concert plus rare et pour le moins étrange… DØDHEIMSGARD. Un nom ésotérique, glacial, obscur, et pourtant j’aperçois beaucoup trop de couleurs sur scène : des symboles hindous, de l’encens, des drapeaux mystérieux… Qu’est-ce que ce truc ? Les musiciens sont des créatures maléfiques aux corpse paint colorés, en particulier le chanteur portant un t-shirt psychédélique à l’effigie du démon Kali, des bandelettes sanguinolentes aux avant bras, des colliers confectionnés par on-ne-sait-quel maître vaudou… et mon Dieu, ce détail tout bête mais rudement efficace : des yeux maquillés sur les paupières. S’ajoute à ça un jeu de scène complètement loufoque, ses grimaces et ses sourires déments. Musicalement, même délire : quelque chose de si expérimental que même le public pourtant averti ne semble pas comprendre. Une batterie froide, presque mécanique, des riffs anarchiques ultra saturés posés entre des passages mélodieux plus contemplatifs. Un véritable chaos que je ne saurais décrire davantage.
Une belle découverte qui me laisse tout frissonnant lorsque je retourne me réchauffer sous la Valley pour RED FANG. Leur retour sur cette scène me laissait présager le meilleur comme le pire. Le meilleur, car c’est ici même que j’avais assisté à un de leurs shows les plus violents en 2013, avec un public de fans complètement fous. Le pire, car évidemment leur succès se fait sentir : une fosse archi bondée de curieux qui ne bougent pas et débordent jusqu’au niveau du Temple. Les quatre américains commencent d’emblée par les titres de Murder the Mountain tels que « Hank Is Dead » ou « Wires », avant de laisser la part belle à ceux du nouvel album, qui ne m’a toujours pas convaincu. Je trouve le son un peu mou, le chant de moins en moins juste, et ils s’autorisent même des passages revisités tant le décalage avec les instruments est parfois énorme. Problème de basse pendant la fin de « Dirt Wizard » (qui du coup tourne en boucle pendant un moment), et entraîne à son tour un retard dans le set. Résultat, « Prehistoric Dogs » est balancé à la va-vite en fin de show, mais bizarrement c’est pas plus mal : c’est un foutoir sans nom qui éclate, des premiers rangs jusqu’au fond de la Valley, de quoi finir sur une note positive pour bien se réveiller.
Quelle joie de retrouver MINISTRY, les maîtres incontestés de l’indus, et ce pile pendant « Señor Peligro », un de leurs titres les plus violents ! J’avais quelques réticences à les voir jouer en journée, mais les américains ne sont pas là pour enfiler des perles et roulent littéralement sur la tronche d’un public encore trop endormi par la canicule de ce premier jour. Les classiques ravagent le cerveau tout comme les images de drogues, meurtres et autres bannières étoilées projetées en fond. Un set relativement identique à août dernier qui se finit avec l’enchaînement fatal « NWO » / « Just One Fix » / « Thieves ». Oncle Al semble aller mieux et nous le fait savoir avec toujours autant le prestance, et le son est nickel pour peu qu’on se rapproche un peu de la scène. Nous sortons de là complètement retournés.
Après un tel marteau piqueur dans la tronche, je me pose devant un énième show de Behemoth au loin, lassant, mou, mais scéniquement pas désagréable à voir, ni même à écouter. Nous repartons doucement avec les très attendus dinosaures de DEEP PURPLE qui, malgré un excellent show en 2014, reviennent cette fois un peu plus fatigués. Ça m’en touche une sans bouger l’autre, l’orgue allonge au possible ses solos, le chanteur s’essouffle et erre sur scène, les musiciens survivent comme ils peuvent… nous fuyons cette triste scène pour en rejoindre une autre. Nous nous arrêtons un instant devant BELPHEGOR, qui me font toujours autant marrer. Tout dans l’excès, que ce soit musicalement ou scéniquement. Toujours autant de sang, d’accent autrichien sauce black metal complètement exagéré et barré, toujours autant de barbarie, et un son franchement pas dégueulasse ! Je resterais bien, mais une force mystique m’attire sous la Valley pour le concert le plus attendu de toute la journée…
Ce soir, nous assistons à une séance d’hypnose made in ELECTRIC WIZARD. Le son est réglé au poil, moins fort qu’en 2014, la setlist merveilleuse principalement concentrée sur Witchcult Today mais qui n’oublie cependant pas des perles telles que « Black Mass » ou « Return Trip »… Mais la force de ce concert réside dans l’utilisation d’images complètement psychédéliques en fond de scènes. Ces dernières nous noient totalement dans des brumes colorées rouges et violettes où des corps de femmes nues possédées nous charment entre deux giclées de sang pour éveiller le peu de libre arbitre qu’il nous reste, jusqu’à la pièce maîtresse de fin Funeralopolis… Les Anglais savaient pertinemment que nous ne serions pas dans un état de sobriété avancée, alors ils en ont profité pour larguer des tourbillons et autres spirales animées dans le but de nous déposséder le temps d’une heure de lavage de cerveau et d’encrassage de poumons. Personne n’en est sorti indemne, pas même Jus Oborn qui semblait se perdre dans les distorsions de sa propre guitare démoniaque.
Je me réveille quelque part dans la Warzone, non loin d’un concert de punk bien nul qui semble être RANCID, assis avec des amis sur la pelouse synthétique, silencieux, les oreilles endolories, et sous le regard de fer de l’immense statue de Saint Lemmy. Quelques minutes plus tard, lorsque nous revenons enfin dans nos corps fatigués, nous décidons d’aller nous achever une dernière fois sous la Valley avec MONSTER MAGNET. Rien à voir avec ce que nous venons de vivre. Ce n’est même pas très original en soit, mais ça groove ! L’ambiance est posée, le lieu est approprié, et le public (probablement le même qu’il y a une heure) se laisse happer par le délire de ces maîtres du desert rock. Encore des images projetées en fond, dignes d’un reportage Arte, et qui nous permettent d’aller dire bonjour aux étoiles et aux champignons atomiques entre deux stades de l’Evolution et satellites rouillés. Notre cerveau réduit en bouillie par Electric Wizard, c’est désormais nos corps qui sortent en morceaux de cette première journée éprouvante et qui m’a paru sans fin. Reposons nous avant de ré-attaquer demain !
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Last modified: 4 septembre 2017