HELLFEST 2016 Le Report – Jour 3

Written by Live

Un dimanche au Hellfest, sous le soleil exactement. C’est dans cet esprit détendu du slip et ravis de ce qui nous attend que nous passons ce troisième et dernier jour au Festoche de L’Enfer 2016. Entre la dernière de Sabbath (Ozzy sera-t-il à la hauteur ?), le plaisir de voir quelques raretés (King Dude, MGLA) et valeurs sûres (Municipal Waste, Rival Sons), l’équipe THC a vadrouillé sur les six scènes du fest pour vous fournir un compte-rendu aussi varié qu’étoffé. (TEXTE : Beeho & Razort // PHOTOS : Sylvain GOLVET & Gaël MATHIEU)

« Se lever pour le concert de 10h30 sous la Valley un dimanche ? N’importe quoi ! » Pas quand il s’agit des copains lorientais de STONEBIRDS, pour qui cette vallée du gras et du fuzz est la plus grande scène sur laquelle ils se soient produits. Et le trio s’est visiblement bien préparé, car ils nous livrent trente minutes aussi impeccables qu’émouvantes. Leur post-sludge atmosphérique à la prod léchée sur album est admirablement servi, jusqu’à la voix de Fanch aussi rocailleuse que juste. J’éprouve une grande fierté à voir ce combo que j’ai vu évoluer offrir une performance aussi exquise, ça emplit mon coeur de bonnes ondes pour le reste de la journée. Un pur moment de contemplation comme on en vit peu, et qui déclenche une ovation à la fin de cette trop courte demi-heure. Un groupe à suivre de près dans les prochains mois, parole de Beeho…

En guise de gigot du dimanche midi, ce sont les fabuleux MUNICIPAL WASTE qui viennent nous mettre du baume au corps. J’avais surkiffé la performance pump it up de leur spin-off musical Iron Reagan à la même heure l’année dernière, mais là on est carrément dix levels au-dessus. Dix-sept putain de morceaux en trente minutes, de la bonne humeur, un enchainement « I want to kill the president » + « I want to kill Donald Trump » parfait en ces temps de crise, des punchlines, un peu de politique, et surtout : le plus long circle pit du week-end en Mainstage. Voilà. On passera sur la fin tronquée du concert, alors que Tony Foresta hurle « Municipal Waste is gonna fuck you up! » pour lancer « Born To Party », et que le groupe est prié de quitter la scène pour des raisons de timing. Tout le monde hue la régie, le groupe s’en va dépité, mais ça ne nous empêche pas de repartir contents, et surchauds pour l’apéro. – Beeho

C’est au ras-du-sol de la Valley que je suis le show des amstellodamois (je ne pensais jamais pouvoir placer ce mot dans un report, wow) DEATH ALLEY. C’est à peine si j’arrive à me souvenir de leurs têtes de chevelus, mais j’arrive à discerner leur logo morbide en fond, et bien entendu les grosses basses d’une Rickenbacker. Ma pause s’éternise à l’ombre, et j’en profite pour faire une petite sieste. L’ambiance se prête bien à ce qui va suivre : un son d’une clarté saisissante, une ambiance sombre et une voix envoûtante… Le prince des ténèbres du folk KING DUDE vient de faire son entrée, et nous mène dans un univers personnel et incroyablement riche, avec une musique d’une simplicité et d’une efficacité comme j’en ai rarement vu. Je ne m’étais que peu intéressé à son oeuvre, mais rien que pour la séance de détente onirique qu’il vient de nous offrir, je me dis qu’il mérite d’être écouté plus en profondeur. La grosse découverte de cette journée ! – Razort

L’une des attentes de cette journée pour ma part : UNSANE. 15h50, le trio débarque avec une config scénique carrément minimaliste, comparée aux murs d’amplis Orange habituels des groupes Valley, et lance « Rat » devant un public éparse. Leur post-hardcore heavy aurait-il eu plus de clients sur la Warzone ? Dans tous les cas, ce n’est sûrement pas Tarja sur la Mainstage qui leur fait concurrence… On sent que Chris Spencer impressionne, avec son air sec et son regard qui vous fusille sur place. Puis sa gratte slide et les sonorités redneckisantes du groupe prennent le dessus, et le public habitué au gras commence enfin à réagir. La Valley ne domptera pas le noise/heavy brut des New-Yorkais, ce sont eux qui nous dompteront. Sortir de la Valley pour se retrouver aussitôt prise dans l’étau de la foule qui attend GOJIRA, c’est possible, et fort désagréable. Je me plaignais du monde pendant Rammstein le vendredi, mais aujourd’hui c’est pire. Impossible de circuler correctement au-delà de l’arbre Hellfest, wow. 160 000 personnes, ça commence à faire beaucoup…  – Beeho

Ma dose de violence de la journée n’est autre que le concert que j’attendais le plus de tout le festival : celui des black metalleux polonais MGLA (à prononcer « M-gwa »). C’est avec beaucoup de crainte que je m’avance dans une foule éparse et immobile : le son sera-t-il au rendez-vous ? Le public sera-t-il composé de fans ou d’idiots ? Mis à part un coreux qui tente de lancer un pogo dès le premier titre, oui, nous sommes bien entre amateurs, et cet imbécile hors-sujet se heurtera très vite à un champ de lave froide et dure comme la musique du groupe. Un monolithe lourd de black metal nous écrase durant cinquante minutes avec trois titres issus de With Hearts Toward None et Exercices In Futility, et dont se dégagent pourtant de chaudes et hypnotiques mélodies, le tout dans une immobilité générale mystique et impressionnante, accentuée par l’anonymat des musiciens cachés derrière leurs cagoules et Perfectos. Comment ne peuvent-ils pas mourir de chaud là-dessous ? Je ne sors pas indemne de leur prestation, mais ô combien comblé…

MGLA_Hellfest_stage

Le changement d’ambiance qui va suivre est assez radical. Je sors d’un bloc d’obsidienne pour rentrer de nouveau dans de la lave en fusion, celle des génies du riff allemands KADAVAR (que j’ai découvert ici même en 2014)… L’ouverture se fait sur « Lord of the Sky » et les premiers titres de leur dernier album (en boucle dans ma sono l’été dernier), alors forcément la joie est au rendez-vous ! On rentre progressivement dans le groove chaleureux du trio, qui est comme toujours hyper en forme et nous fait hocher de la tête et sautiller malgré la fatigue, les courbatures, la gueule de bois… « Mile Away from Home » a un goût particulier dans ma mémoire, une senteur chaude et psychédélique, une véritable madeleine de Proust musicale. Je ferme les yeux sur « Living in Your Head » et semble voir un kaléidoscope, des triangles orange et rouge défilent à travers mes paupières fermées, je pense à des Doritos qui s’envolent au-dessus de la Valley en délire. Tous les classiques y passent, la batteur Tiger martèle toujours autant sa petite batterie transparente tandis que le bassiste Dragon écrase ses quatre cordes avec impassibilité, et Lupus d’agiter chevelure et barbe tout en nous réveillant de ses diaboliques solos… Un voyage chaleureux qui se termine encore une fois trop vite. – Razort

Mais LE rendez-vous rock incontournable de ce troisième jour n’est autre que RIVAL SONS. Récemment tombée sous leur charme à l’écoute de leur brillant nouvel album « Hollow Bones », les voir sous la Valley me ravit car je sais que le public de passionnés de cette scène saura leur faire honneur comme il se doit. Et c’est dans une ambiance survoltée que les Californiens répandent leurs riffs bluesy gonflés au groove avec la plus grande application – que certains qualifieront de « classe ultime ». Du vrai gros rock’n’roll comme l’Amérique seule sait nous offrir, le genre qui suscite émoi chez les jeunes filles et bombement de torse chez les mâles. La performance vocale de Jay Buchanan me laisse tellement sur le cul que j’en oublie presque le reste du groupe. Vers la fin du set, Buchanan fait chanter la foule qui ne sait plus s’arrêter, jusqu’à ce qu’il nous fasse cesser d’un « shhhhhhh » et enchaîne aussi sec sur l’ultime morceau (damn, les festivals et leur timing ultra-serré…). Revigorant, jouissif, PARFAIT. – Beeho

Nouveau changement d’ambiance. Après le froid du Temple, la lave en fusion de la Valley, je me prépare pour la quatrième fois au bain de sang/tempête de sable que sont les concerts de SLAYER… En arrivant je constate qu’une foule opaque et endormie bloque l’accès au (petit) pit qui se crée dès les premières notes de « War Ensemble ». Je me rapproche, hurle en vain les paroles qui ont bercé mon adolescence… Mais plus je me rapproche, plus je suis horrifié : public mou, musiciens en retrait, jouant de façon robotique, interagissant quand même de temps à autre avec les festivaliers. Certains rares fans – que je repère en croisant leur regard – arrivent à chauffer la fosse, mais je dois atteindre le cinquième rang pour enfin VIVRE l’expérience Slayer : un long cri de haine qui vient des tripes. « Dead Skin Mask », « South of Heaven », « Raining Blood », « Angel of Death »… Ce final de la mort m’achève une fois de plus, même si ce n’était pas la meilleure prestation que j’ai pu voir d’eux.

Autant vous dire qu’après Slayer, revoir les suédois de KATATONIA sous la Altar aura l’effet inverse de ma première fois à la Galerie Tatry de Bordeaux, lorsqu’elle existait encore. Le son est au rendez-vous, la voix de Jonas toujours envoûtante et maîtrisée, mais je suis exténué par les trois précédents concerts. Je m’assoie, écris, écoute les nombreux nouveaux titres qui m’ennuient un peu, mais discerne quelques merveilleux autres issus de The Great Cold Distance et Night Is the New Day, qui sont à mon sens leurs deux chef d’oeuvres… Encore une madeleine de Proust qui me ramène au collège et me fait voyager, étendu quelque part sur l’herbe desséchée…

Je passe les prochaines heures seul, à errer, croisant Jimmy de Mars Red Sky sous la Valley et qui attend un spectacle étrange : celui de JANE’S ADDICTION (qui ne me convainc pas lorsque le concert commence, la voix m’hérissant instantanément les poils). J’ai reconnu avant ça Fursy Teyssier sur scène avec Empyrium, mais je n’ai pas pu écouter plus en détails. La fatigue se fait de plus en plus présente, je ne sais plus trop où je vais, jusqu’à me souvenir d’une destination particulière…

Chorale, orgue, lightshow de fou, feux d’artifice… J’hallucine devant le spectacle que le groupe GHOST donne en cette fin de festival. Dire qu’en 2013, ils devaient jouer sous la Valley et ont explosé en popularité depuis pour se retrouver sur la Mainstage… Je ne sais toujours pas si j’aime vraiment ce qu’ils font, certains titres me plaisent énormément, mais le reste est trop mou à mon goût… excepté l’ultime et incroyable morceau « Monstrance Clock », parfait pour entamer la suite des hostilités !

La grosse crainte du jour : BLACK SABBATH. Le groupe de légende sera-t-il à la hauteur pour cette ultime tournée d’adieu ? Ozzy Osbourne a t-il retrouvé sa vigueur et sa voix par rapport à leur dernier passage en 2014 ? Entrés sur des images un peu kitsch, les premiers accords de Black Sabbath laissent présager le pire… et pourtant ! Les classiques sonnent, Ozzy n’est pas si mauvais que ça, alors je me rapproche pour profiter de plus de décibels en me disant « merde à la fin ! C’est Sabbath, et ils ne passeront bientôt plus en ce bas monde ». « Fairies Wear Boots », « Into the Void », « War Pigs »… Plus les titres s’enchaînent et plus la foule se laisse aller, chante les classiques sur le bout des doigts, et pour ma part je pète littéralement les plombs sur « NIB ». Malheureusement, le solo de batterie à rallonge de « Rat Salad » coupe un peu le groove de ce concert bercé d’images psychédéliques sur les écrans géants, mais ils ont au moins l’honneur de finir en beauté avec le très attendue « Paranoid ».

Le dimanche soir est généralement le moment où on est paumé, cherchant des camarades au loin, plus ou moins en état d’ébriété ou à deux doigts du coma dans mon cas, tant je suis fatigué… C’est seul, assis devant le Temple et luttant difficilement contre le sommeil que j’assiste au concert de DEICIDE, de loin le plus violent du festival. La bande de Glen Benton arrive et se met à taper sans prévenir et à toute vitesse sur « Homage for Satan », avec une énergie diabolique, un son de porc rarement entendu sur cette scène, et un manque cruel de raffinement et de poésie. Je pique pourtant allègrement du nez et suis vaguement réveillé par des titres comme « In the Mind of Evil ». J’abdique finalement et quitte le site du festival sur ces dernières notes barbares, pour aller m’écrouler au camping. – Razort

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Last modified: 1 septembre 2016