Il n’y a aucun compromis chez Mantar. Jamais. En 2022 sort le très léché et fouillé « Pain Is Forever and This Is the End », venant panacher leur blackened death-punk. Un désir d’innover, de terminer ce qui avait été commencé avec « The Modern Art of Setting Ablaze ». Un exercice synonyme de renouveau pour le groupe et de succès critique dans leur pays (l’album a atteint la seconde position des charts allemands), même si quelques doutes s’installent chez certains fans sur le virage stylistique entrepris.
« Aujourd’hui, nous essayons de détruire ce que nous avons construit avec le dernier album. Il y a une certaine beauté à décevoir les attentes des gens ». Voilà comment Hanno présente ce « Post Apocalyptic Depression », histoire de répéter leur mot d’ordre à ceux qui l’avaient oublié en chemin : KILL, DESTROY, FUCK SHIT UP. La pochette est à nouveau peinte par Aron Wiesenfeld, dont l’esthétique fait écho à celle de leur premier album « Death By Burning », comme pour renouer avec leurs aspirations initiales : une approche punk, crue et instinctive.
Zéro compromis, on vous dit. Jusqu’au-boutiste, presque sur un coup de tête, le duo écrit une vingtaine de chansons, en garde douze, s’enferme en studio quelques jours, sans même apporter avec eux leur matériel. « Nous avons simplement utilisé l’équipement que nous trouvions sur place. Nous voulions qu’il soit aussi primitif que possible » explique Hanno. Rapide et sale. Sans fard. Brut. Punk, quoi. Dès les premières secondes de « Absolute Ghost », avec ce larsen brouillon et ce « Check! Check ! » gardés à l’enregistrement, on sait immédiatement que la Mantarte sera crasse et dangereuse comme une bombe de clous et de verre pilé, prête à vous péter à la gueule. Cette énergie féroce sort pratiquement des enceintes.
Trempé dans le même acier que les crans d’arrêt, cet album vous larde la joue, surtout quand Hanno vous aboie dessus de tout son fiel. Encore plus ramassé que le premier album, aucun titre ne dépasse les 4 minutes, témoignage concis de leurs origines punks. « Rex Perverso », « Principle of Command », « Dogma Down » ou « Halsgericht » (je pourrais vous citer tous les titres…), avec leurs hymnes scandés, viendront indéniablement agrémenter les setlist de leurs lives. D’ailleurs, on s’imagine déjà suer sang et eau dans un pit hystérique rien qu’à l’écoute de ces glaviots acides.
Premier single de l’album, « Halsgericht », que l’on pourrait traduire par « droit de vie ou de mort », met en avant les guitares punk qui vous mordent au mollet. Jamais on n’aura autant apprécié de se faire gueuler dessus en allemand — pour la première fois dans le texte. Et si l’approche ne s’y prête pas forcément, Mantar tente tout de même des choses sur « Dogma Down » ou « Church of Suck » avec un chant beaucoup plus clair et intelligible.
Tirant à vue avec une palette émotionnelle allant de la haine de tout à la haine pour tout, avec une pointe de dérision pour tout et surtout pour soi-même, l’album est porté par une rage saisissante mais aussi par la concision des morceaux qui ne renient pas l’impact mélodique. Rappelons ici que le précédent « Pain Is Forever and This Is the End » n’a pas été simple à enregistrer : fruit de plusieurs remises en question, il a connu le succès qu’on lui connaît mais a presque failli faire imploser le duo. Ce nouvel album est donc une réponse à cette amertume gardée en bouche. Un épurement conscient et réfléchi réduisant tout, chansons, style et production, à l’essentiel. À l’essence même de Mantar. Au meilleur de Mantar finalement.
En restreignant leur son à une énergie brute à la colère sourde, « Post Apocalyptic Depression » nous rappelle ce que doit être un putain d’album de Rock : direct, instantané, imprévisible et dangereux. En cela, on peut aisément le classer dans la lignée de ses illustres prédécesseurs The Stooges ou Motörhead, rien de moins. Réduit au fondamental, il reste l’indispensable. L’identité de Mantar. Hanno vous la crache à la figure dans « Cosmic Abortion » pour clôturer le disque, si vous n’aviez pas encore compris : KILL, DESTROY, FUCK SHIT UP.
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Last modified: 13 février 2025