Le dark crooner DAX RIGGS revient (et nous souffle) avec « 7 Songs For Spiders ».

Written by Chronique

Vous allez entendre parler de Dax Riggs cette année. Plus encore d’Acid Bath. Après une première tentative avortée (Le Sick Sad World ayant été annulé), la mythique et influente formation sludge retournera sur scène en 2025 pour quelques festoches US. Tendance top fashion 2025, les T-shirts à l’effigie de Pogo The Clown sont en train de supplanter ceux de Slayer dans les gardes robes de midinettes metal. Ça, c’est le côté obscur (et mercantile) de ce « coup ». Espérons qu’il se traduira également en un coup de projecteur sur la (trop courte) discographie de Dax Riggs. Doublement inattendues que sont ces annonces, 28 ans après leur dernier concert et premier album depuis 15 ans pour le chanteur en mode solo. C’est dire si nous devions parler de ce « 7 Songs For Spiders », pour ce que représente la musique du groupe et Dax Riggs, frontman Rock absolu des nineties.

Est-ce que l’artiste a signé, tout comme Robert Johnson, un pacte avec le Diable pour devenir un virtuose blues ? Pas certain, il n’en avait pas besoin. Toujours est-il que la présence du Malin transpire dans son oeuvre, et peut-être encore plus dans ce troisième recueil, lorsqu’il explore avec innocence et sincérité les démons tangibles ou ceux enfouis au plus profond de lui.

L’album est traversé par une guitare si chargée de fuzz, que le sol se dérobe sous vos pieds, transformant votre salon en un marécage poisseux, comparable aux marais du Sud de la Louisiane où ont été enregistrés ces sept titres. Sans crier gare, sourire angélique aux lèvres, Dax Riggs vous invite à pratiquer la brasse coulée dans les ténèbres. Pour ce faire, il noircit au khôl ses chansons où son âme s’emmêle et s’en mêle. « I got my soul all tanglеd up in a song » répète-t-il à l’envi. Il invoque démons, morts-vivants, Lucifer, tueurs en série ou fantômes qu’il met en scène dans des cimetières ou à travers des allégories religieuses. Manière de présenter ses chansons comme profondément inspirées par la culture de sa Louisiane, entre traditions créoles et mythes vaudous. Ainsi dans « Pagan Moon » il questionne un jeune homme « s’il sait qu’il est en train de mourir et que ses ténèbres brillent » ou conscient de la fin du Monde, il chante que « même les étoiles tombent » (« Even The Stars Fall »).

Rarement vous aurez entendu quelque chose de plus poétiquement pessimiste. So fuckin’ 2025. Mais pour chaque part d’ombre, il y a tout autant de lumière et on lui reconnaît volontiers un indéniable don pour capturer la beauté dans l’obscurité. Elle devient alors synonyme d’espoir, presque d’insouciance sur des titres, au sommet de son art, tels que « Sunshine Felt The Darkness Smile », « Blues For You Know Who » ou « Graveyard Soul ».

De la poisse et la dangerosité du sludge séminal d’Acid Bath au swamp blues poétique, il n’y a qu’une vie. Pour autant, l’oeuvre n’est absolument pas manichéenne, loin de là. Ni même équilibrée comme un Yin & Yang pourrait l’être. Non, à travers ses méandres artistiques et ce brouillard mystique, Dax Riggs nous fait comprendre, apaisé, qu’il a trouvé comment vivre avec ses démons et qu’il les accepte avec lui. Un peu comme l’on accepte que la mort fait partie de la vie. Bien qu’épuré et minimaliste l’ensemble raisonne bien plus heavy que ses deux précédents album. Mais ce qui ne change pas, c’est sa voix. Riggs est certainement le crooner rock le plus méconnu de cette génération maudite. Moins célèbre que celle de Mark Lanegan ou Layne Staley, moins rauque, moins écorchée aussi, elle n’en demeure pas moins sincère et… terriblement soul. Il devient presque dommage de la noyer dans une brume de reverb, même si on comprend l’effet recherché. 

7 chansons c’est bien trop court. Pas assez pour tisser sa propre toile d’araignée où viendraient se fixer tous les bleus de notre âme. Bonne nouvelle : le frontman a monté un studio et semble encore avoir de nombreuses chansons à enregistrer. On vous a prévenus, vous allez entendre parler de Dax Riggs cette année.  

Last modified: 4 février 2025