Voilà une chronique qui m’aura demandé bien plus de réflexion et d’introspection que prévu. Comment expliquer que j’ai tant de mal à vanter les mérites d’un de mes albums préférés de 2024, tous genres confondus ? Habituellement, les chroniques me viennent très vite. Il y a toujours quelques titres qui ressortent particulièrement du lot. Mais ce n’est pas vraiment le cas avec WORMSAND et je me trouvais incapable de vous dire dans quel morceau il y avait ce riff que j’aime tant ou ce choeur hanté qui ne quitte plus mon cerveau. Je n’arrivais pas non plus à identifier ce qui faisait systématiquement mouche dans la composition tant celle-ci n’était ni évidente et défouloir, ni avant-gardiste et délurée. J’adorais cet album, j’y revenais systématiquement et je ne mettais pas le doigt sur le “pourquoi”. Alors pendant un temps, je me suis attardé sur des éléments annexes pour recommander “You, The King” jusqu’à ce que finalement, la vérité m’apparaisse enfin en ce début d’année 2025. Je vous livre donc ma révélation quelques lignes plus bas.
Le diable se cache dans les détails. D’abord, il y a cet artwork, mon préféré, toutes sorties confondues pour l’année 2024 et peut-être même des deux ou trois années précédentes. Iconique, mystique, soigné, lisible, simple, d’une classe intemporelle et un impact visuel colossal. Une réussite absolue signée Johrice.
Ensuite, il y a la production. J’ai toujours eu l’oreille attirée par les grains de saturation plus personnels que proposent certains albums. Bien sûr avec Wormsand, ça fuzze à tout va mais les étages de gain se mêlent dans un son massif qui fleure bon l’effondrement total. À l’instar de mes albums sludge préférés, il y a dans ce son de guitares et de basse une forme d’urgence, d’insécurité comme si à tout moment l’ampli allait rendre l’âme et le fil incandescent des lampes doucement s’éteindre, dernier vestige d’un riff perdu dans le lointain. La basse est d’une exquise rondeur mais granuleuse à chaque fois qu’elle doit former un unisson avec la guitare et, plus surprenant pour un album de doom grungiesque, l’accent est particulièrement mis sur les médiums.
Les chants sont subtilement en retrait mais sans jamais être noyés. Ils brillent d’ailleurs par leur éclectisme entre les cris quasi gutturaux, les chants mélodiques lorgnant vers le classique doom, les chœurs variés et cela ne vient pourtant jamais nuire à l’extrême cohérence de “You, the King”. Côté percussions, la batterie est un régal de production et d’écriture. Jamais trop en avant, servant les morceaux sans oublier d’avoir ses moments de bravoure, c’est la définition même de ce que tout musicien rêve comme soutien rythmique.
Je pourrais aussi parler pendant des heures du tracklisting et de la construction des morceaux. L’album est tel un être organique, réalisant de lui-même quand il convient de ralentir, de se poser ou au contraire de remettre les potards dans le rouge. On ne s’ennuie jamais et pour autant c’est d’une fluidité remarquable, au point que l’on pourrait presque croire à un accident heureux mais la récurrence des choix et leur pertinence ne laisse aucun doute sur le travail fourni et l’attention apportée à l’écriture.
Alors s’il faut vraiment parler de parties qui m’ont marquées, il y a bien ce riff en mode noisy au killswitch totalement inattendu sur “Black Heaven”. Il y a ce chant gojiresque rageur et tellement profond sur “Digging Deep”. Il y a ce satané fade out sur le titre éponyme qui d’habitude me hérisserait le poil mais qui, ici, me comble d’une satisfaction béate. Il y a les dissonances mélancoliques et le chant quasi post-hardcore de “Drown” ou encore l’interlude étrangement malaisant “The Crown”. Il y a le solo sur “The Final Drive”, tellement grunge, comme un hommage à Alice In Chains. Il y a bien sûr ce riff d’intro de “Daydream” qui, en quelques secondes, devrait convaincre quiconque d’écouter l’album.
Et avec tout ça, je ne fais qu’effleurer la surface. Ma révélation c’est que Wormsand, c’est un mood cet album est tout bonnement sans faille. S’il m’est si difficile de dégager des éléments clés, c’est qu’à chaque écoute, je me perds totalement dans l’album. C’est une proposition musicale affirmée entre post-doom et post-grunge avec un univers visuel qui propulse directement le groupe bien au dessus des nombreuses formations doom qui fleurissent à longueur d’année. Pourquoi j’aime cet album? Parce que je ressors de chaque écoute un peu plus bluffé. D’aucuns pourront trouver que cela manque un peu de spontanéité et de l’énergie qu’elle apporte mais je crois que le travail fourni et la qualité des prestations live du groupe suffisent à faire taire les critiques.
Cet album est tout bonnement monstrueux, massif et avec ses 37 minutes d’un bout à l’autre, on relance les écoutes encore et encore. Merci Wormsand de montrer que le travail paye, que la finition est importante et qu’il vaut mieux sortir un album de ce calibre que d’enchaîner les sorties faciles.
ARTISTE : Wormsand
ALBUM : You, The King
LABEL : MRS Red Sound
DATE DE SORTIE : 8 novembre 2024
GENRE : Doom metal / stoner metal
MORE : Bandcamp
Last modified: 28 janvier 2025