Les années passent et à force de voir défiler 45 nouveaux albums par semaine dans la catégorie Stoner, Sludge, Doom et dérivés, on est forcément un peu blasés. En junkies de la bonne musique, on cherche sans cesse ce frisson de la nouveauté, le petit coup de génie et le nouveau projet qui nous sortira d’une morosité artistique implacable. Ne nous y trompons pas, il y a encore des tonnes de projets pour nous fournir notre fix régulier mais il faut bien l’avouer, l’abondance est forcément un poids pour ceux qui, comme nous autres chez THC, sont consommateurs depuis un temps que les moins de vingt ans… Attendez, y’a des gens qui ont moins de 20 ans !?
C’est donc dans ce contexte que j’ai lancé, sans attente aucune, l’écoute de ce nouvel opus de Witchpit. Leur premier album « The Weight of Death » m’avait plu par sa production et sa direction globale mais je trouvais que le groupe manquait un peu de personnalité et ne se dissociait pas assez de ses influences. En soit, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose mais je les avais oubliés un peu trop vite (le manque de tournée européenne a aussi dû jouer).
Et pourtant, le miracle a eu lieu. Si avec ce nouvel album, on reste dans du sludge typique du sud-est américain, il y a une différence notable qui le rend simplement exquis : les riffs sont particulièrement inspirés. Ne cherchez pas la révolution, vous êtes venus pour manger du gravier et prendre une bonne dose de violence en intraveineuse dans les tympans, et c’est que vous aurez.
Là où bien souvent les groupes tentant de se forger une place dans ce style finissent par produire quelque chose de fade, ici les riffs de guitares ont tous ce petit quelque chose qui interpelle. Peut-être est-ce mon oreille de guitariste qui est titillée, mais dès l’ouverture du morceau éponyme et son riff en palm mute au rythme particulièrement bien senti, je comprends que le groupe a franchi un cap. Prenons l’excellent “Through Eyes of Apathy”. Que ce soit un accord diminué pour ajouter des dissonances à la Crowbar, une voix criée qui se fait presque death sur certains passages, ou un solo de guitare court et intense, tout fait mouche avec une production d’une puissance indéniable.
Mais il ne faut pas croire que le reste du groupe se contente de faire acte de présence ! La basse est rugueuse, la batterie se permet d’être finalement assez métal pour le genre, et la voix, sans être particulièrement originale, démontre une maîtrise, une puissance et une variété que l’on n’avait pas encore perçues chez Witchpit.
Le groupe se permet un bel hymne stoner métal qui fait secouer la tête avec “Mouth Piece of Hate”, direction confirmée sur le remuant et groovy “Becoming I” et son pont quasi beatdown. Le mid tempo “Panacea” tire son épingle du jeu par quelques suites d’accords moins convenues mais s’octroie surtout une dimension plus épique par les harmonies de guitares et ce solo qui évite le piège d’être trop flashy ou, à l’inverse, trop attendu ou trop long.
“New Age Fallacy” met parfaitement en lumière ce subtile mélange d’intensité et d’originalité dans les riffs. Indéniablement mon coup de coeur de l’album et sa section spoken words n’y est probablement pas pour rien. Et c’est avec le lourd et puissant “Silver Turns to Rust” que se conclut ce court périple en terres de sludge, non sans une petite surprise avec ce plan quasi prog qui vient régulièrement capter notre attention.
Witchpit signe avec ce deuxième album ce qu’on peut attendre de meilleur pour un groupe du genre : un plaisir régressif, puissant et inspiré. Le groupe vient finalement de démontrer que la différence entre un bon album et une véritable réussite tient à peu de choses : de l’inspiration et se concentrer sur ses forces, sans forcer, et sans la moindre piste superflue.
Last modified: 14 décembre 2024