WESTILL FEST 2024 : le report.

Written by Live

Le Muscadet, l’autre pays du metal. À quelques encablures de Nantes, au coeur du vignoble, résonne certainement autant le glougloutage ou le débouchage des bouteilles de vin qu’un florilège de toutes les musiques extrêmes connues à ce jour. Il est aujourd’hui évident que le festival préféré des Français fait des émules dans la région du Muscadet : le In Your Face ! pour le punk hardcore, le Muscadeath en temple du death et du black metal… et le Westill Fest, qui pour sa VIIIème édition, tire son épingle de la vigne en proposant une programmation que tout fan de stoner ne saurait ignorer.  Que l’on soit nostalgique d’une Valley où grondaient jams hallucinantes et riffs ultra-lourds ou que l’on souhaite prolonger le légendaire Desertfest Anvers, le festival proposé à Vallet se pose comme dernière bamboche stoner de la saison. (PHOTOS : Gaël Mathieu)

Si comme moi vous y venez pour la première fois, il y a de quoi émettre quelques hésitations sur l’aspect DIY de l’organisation d’un tel évènement au Champilambart, l’espace culturel de la ville de Vallet. Doutes qui seront bien vite levés tant l’on sent l’envie des bénévoles de toujours faire mieux et de mettre les petits plats dans les grands. Et c’est certainement ce mélange entre organisation bon enfant et commodités pro qui fait le charme du Westill : le service d’ordre est assuré par des bikers tout droit sortis de Sons Of Anarchy mais on paye ses consommations avec le système cashless ; la restauration se fait par un service de traiteur et food trucks mais on trouve aussi un stand de pâtisseries et de gâteaux faits maison comme à la kermesse de l’école ; bière de soif et muscadet insipides of course mais également productions crafts de Piggy, Areofab ou des éphémères (NEIPA, stout, APA) qui permettent de varier et satisfaire les amateurs de houblon ; un simple parvis avec quelques mange-debout mais une tente assez vaste dédiée au merch ; une ambiance salle des fêtes mais (et c’est le plus important) un son souvent irréprochable pour quasiment tous les concerts. De l’aveu d’habitués du festival, il y a chaque année quelque chose qui s’améliore, tant et si bien qu’on se demande ce que l’on pourrait corriger pour la prochaine édition. Et le public ne s’y trompe pas, on vient désormais de toute la France pour apprécier une programmation aussi qualitative que variée.

Et qu’Aphasis veuille bien m’excuser de ne pas pouvoir dire un mot sur leur prestation, tant il est impossible dans les premières heures du festival de ne pas lever le coude dès que l’on croise une trogne que l’on n’a pas vu depuis des lustres. À commencer par les Lords Of The Valley, ces joyeux drilles du stoner qui sont bien décidés à faire du Westill leur grand-messe annuelle.

Au rayon rookie, ce sont les Parisiens de Qilin qui sont les premiers à faire forte impression. Autant émue qu’intimidée devant un parterre si fourni, la créature mythologique hybridant références stoner doom et desert rock ne se laisse pas démonter, se libère de ses craintes et s’emballe dans un tourbillon de solis. Tout autant instrumental, le duo guitare/batterie de Birds Of Nazca n’est pas en reste pour nous emporter dans une transe quasi chamanique. Même si la formule paraît austère de prime abord, le binôme sait investir sa scène et groover malgré l’absence de basse. Radical.

Question programmation, le festival balaye tous les styles que l’on regroupe sous la bannière stoner : de l’instrumental psyché au doom en passant par le stoner pur jus, il y en a pour tous les goûts. Et que l’on aime ou non ces tendances musicales, il faut admettre que le choix des programmateurs se porte toujours sur des artistes reconnus dans leur domaine. À commencer par Siena Root, groupe à géométrie variable depuis le début des années 2000 qui s’évertue à mélanger des voix soul à leur blues aux vibrations psyché des 60’s et 70’s. Accompagnée par cette dorsale polyvalente et bluesy, c’est Zubaida Solid, la chanteuse, qui retient toute l’attention quand elle alterne entre chant chargé d’émotion et jeu sur l’imposant orgue Hammond (à la magnifique structure bois). C’est un plaisir rien que d’entendre un tel instrument live.

Autre formation aux confins du blues, Child écume régulièrement les scènes européennes et régale de sa mosaïque hard rock, soul et psyché. Une salle peut-être un poil trop grande pour qui veut apprécier à sa juste valeur ce voyage poignant dans les sixties, surtout lorsque la guitare de Mathias Northway se fait plus intimiste.

À l’opposé du spectre, loin des couleurs chaudes et siennes, l’ambiance s’alourdit et s’obscurcit au passage de 1782. Malsain, maléfique et viscéral, tel pourrait se résumer le set tout en doom des Italiens. Une faille abyssale s’est ouverte dans la salle sous l’attaque des riffs telluriques du trio, entraînant une bonne partie du public dans les ténèbres enfumés. La quasi absence de chant en façade ne viendra pas gâcher ce rituel instrumental. Hagards mais envoûtés, les nouveaux conquis viendront en nombre réclamer leur dose au merch. Évidemment Monolord faisait presque figure de boyscouts après un tel maléfice. Pourtant les titans suédois ont leurs fans et malgré un potard limité à 100 dB dans la salle, le son est quali, les solis et le chant sont cristallins. Désormais à quatre sur scène (avec la guest star Per Wiberg) on distingue mieux les subtilités de leur jeu. Un problème technique coupera le set en deux, sacrifiant (ou nous épargnant) au passage le titre « The Weary », mais soyons honnêtes : Monolord aurait pu se contenter d’allonger le triptyque « Empress Rising », « Larvae » et « Rust » et nous aurions passé un bon moment.

Le Westill, c’est aussi la chance de croiser des piliers de la scène qui, depuis plus de trente ans, trainent leur carcasse dans tous les bouges d’Europe. Nightstalker mené par le chanteur Argy, est certainement l’un d’eux. Les Grecs parcourent ce vendredi leur riche discographie, entre mid tempo et heavy rock, avec bien évidemment les hits de « Dead Rock Commandos », dont un « Children of The Sun » en guise de clôture de leur set. Les fans les plus grisonnants sont aux anges.

Autre pointure trentenaire ne décevant jamais, Orange Fuckin’ Goblin était prêt pour chauffer à blanc la salle du Champilambart. La montagne Ben Ward et ses acolytes ont toujours pour mission de nous faire suer comme jamais à coups de napalm. Et malgré sa crise de la cinquantaine (arrêt de tous les excès – drogues et alcool -, boule à zéro, adepte de sport au quotidien), le chanteur est la démonstration qu’un frontman c’est d’abord une carrure et un charisme. D’entrée de jeu, il sait comment faire vriller une salle en haranguant et provoquant la foule qui lui répond bien volontiers ! Orange Goblin, bien trop rare en France, est généreux puisque les Anglais joueront plus de 90 minutes en nous balançant as usual les bombes incendiaires de leur discographie tel que « Cemetary Rats », « Saruman’s Whish », « The Filthy and The Few ». Ils avaient également un nouvel album à défendre et bien représenté ce soir. Le groupe portera le coup de grâce avec un rappel de trois titres qui nous sera fatal, dont les hits « Quincy the Pigboy » et « Red Tide Rising ». Le dicton se vérifie toujours et encore : un concert de stoner metal, ce sont généralement quatre gonzes jouant devant 1500 personnes et à la fin c’est toujours Orange FUCKIN’ Goblin qui gagne.

Le Westill a également bien fait de miser sur des formations plus récentes dont la réputation n’est néanmoins plus à faire. Le concert de Valley of The Sun à Vallet sera le dernier d’une tournée de trois mois en Europe. Et cette dernière communion avec son public aura certainement poussé les Américains à donner le meilleur d’eux-mêmes. Un tout autre groupe qu’au Desertfest deux semaines plus tôt se présente ce soir-là devant les festivaliers. Le chanteur communique beaucoup plus avec son audience, le bassiste donne absolument tout ce qu’il a et cela se ressent dans le groove de leurs compositions. On ne s’ennuie donc jamais avec une setlist faisant la part belle à « Quintessence », leur dernier album et « The Saying Of The Seers » datant déjà de 2011. Conclusion : un groupe qui a le smile, ça se ressent à tous les coups dans sa musique. Et ce samedi soir c’était Vallet of The Sun, assurément.

La Suède nous a également envoyé non pas un, mais bien deux monstres sacrés de plus avec la paire Greenleaf/Dozer ! Un alignement des planètes qui se produit trop peu souvent, même si Tommi Hollappa et Sebastian Olsson jouent dans les deux formations. Sur le papier, ce combo avait sacrément de quoi pimenter l’affiche du vendredi soir, volant presque la vedette aux headliners du festival. Et Greenleaf a une revanche à prendre, puisque le groupe avait dû annuler sa précédente venue à Vallet à la dernière minute (2022). Arvid déboule sur scène comme Muhammad Ali sur George Foreman, investissant chaque cm2 de scène, prêt à en découdre. Le reste du groupe est rieur et au vu de leur enthousiasme, on sait déjà que l’on va passer un putain de bon moment. D’autant plus que le crooner Arvid a une obsession ce soir : les chevaux (son père est éleveur). Obsession avec laquelle il s’amuse autant en coulisses que sur scène, notamment lorsqu’il énumèrera les groupes scandinaves qui ont écrit des chansons sur les canassons pour présenter « Different Horses ». Tommi en réponse feindra de lancer « Horses » de Slomosa… Le guitariste est d’ailleurs absolument grandiose en menant son groupe à coups de riffs. Les tubes de la discographie avec Arvid s’enchainent et les nouveaux titres de « The Head & the Habit » se fondent à merveille dans la setlist, au point de déjà résonner comme des classiques.

Après un tel concert, on s’imagine déjà Dozer reproduire la prestation incroyable que le groupe avait donnée au Hellfest en 2023. Surtout que Tommi et Sebastian sont dans une forme olympique ce soir. Mais… malgré l’entrée en matière incisive « Drawing Dead » et « Mutation/Transformation », les Suédois sont moins percutants qu’ils ne le devraient. Puis interviennent les premières erreurs de chant avec certaines notes difficiles à atteindre, Fredrik s’essouffle facilement puis part en roue libre, jetant nonchalamment sa réserve de médiators sur le public. Gênance. Regards croisés entre Tommi et Johan qui ne lâchent rien. Le guitariste encore une fois soutient son groupe à grands renforts de riffs des albums « Through The Eyes of Heathens », « Call it Conspiracy » et du dernier en date « Drifting in The Endless Void ». Fredrik se reprend sur la fin du set et sauve ce qui peut l’être avec un « From Fire Hell » aidé par Sebastian, en transe, qui tabasse les fûts comme jamais. On hésite entre remerciements et malaise alors que, hormis son chanteur-guitariste (à la doze de trop), le groupe aura tout fait pour assurer un set digne de ce nom.

Mais le véritable headliner du festival, tout du moins dans les coeurs, c’était bien évidemment Slomosa ! Le Westill avait bien sûr pressenti cet amour réciproque entre la France et les Norvégiens de Bergen en les plaçant en clôture du festival. Et quand on aime, on le prouve ! Seul groupe à se présenter avec un backdrop aussi large que la scène, Ben arbore son désormais célèbre maillot « Desailly 98 » que l’on traduit volontiers comme un attachement sincère au public français. Lorsque résonnent les premières notes de « Cabin Fever » il n’était plus question d’aller fumer une dernière clope, tout le Westill se retrouve face aux Norvégiens. La suite ne sera qu’un enchainement de tubes, best of de leurs deux albums, que la salle reprend à tue-tête. Et si le groupe maîtrise à présent bien son sujet, on est littéralement subjugué par la prestance de Marie ! Véritable pile d’énergie derrière sa basse, elle headbangue à tout va et invite le public à faire de même. Au chant, elle apporte une nouvelle profondeur so nineties aux titres tels que « Red Thundra » ou « Battling Guns ». Avec un tel charisme, Ben n’est plus seul pour animer le show sur scène. Les Ricains ont Gina Gleason/John Baizley de Baroness comme duo le plus cool de la fuzz, les Européens peuvent à présent compter sur ce nouveau tandem entre la force tranquille de Ben et l’énergie de Marie.

À la sortie, plus personne pour émettre un quelconque doute sur le manque d’originalité de leurs compos ou leurs choix artistiques : Slomosa a mis le feu et c’est un véritable plébiscite, à l’image de la queue avant ET après le show au merch du groupe. Aucun autre groupe n’a eu droit à un tel engouement. Et malgré les heures passées, les Norvégiens restent accessibles, imperturbables et enthousiastes à chaque demande de fans. Headliners dans les coeurs, assurément.

S’il fallait encore vous convaincre de la qualité de ce festival et de sa dernière édition, c’est simple: nous avons enfin un Desertfest à la française ! Avec bien sûr une orientation artistique propre. C’est un stoner – canal historique –  assumé et réfléchi qui est proposé ici. Tout est pensé pour que le festivalier passe un bon moment avec une logistique et des conditions sonores soignées. En effet, on se demande bien ce qui pourrait être amélioré sur ce festival. Peut-être une pincée de sludge dans la programmation pour balayer tout le spectre musical de la scène ?

Merci Westill et à l’année prochaine ! Retrouvez le festival sur Facebook et Instagram.

Last modified: 11 novembre 2024