Quand sera publiée cette chronique, vous aurez déjà tout lu sur l’un des albums les plus attendus de 2024. Tous nos confrères vous auront déjà décortiqué l’album avec des track by track des plus détaillés. Et vous-mêmes, avides de nouveautés, vous vous aurez déjà fait un avis sur ce « difficile deuxième album » de Slomosa. Certains seront de la team « trop radio-friendly » quand d’autres crieront au génie et placeront l’album dans leur top de fin d’année. Profitons donc de ces quelques lignes pour aller plus loin et imaginer tout ce que peut représenter cet album pour la formation, et plus généralement pour la scène.
Slomosa c’est ce groupe qui a su s’imposer dès le premier essai alors que les conditions ne s’y prêtaient absolument pas. Quatre ans plus tôt, fin aout 2020, les Norvégiens révèlent leur album éponyme en pleine pandémie, période dans laquelle les sorties ont dû mal à se frayer un chemin vers le haut, tant la Terre entière regarde ailleurs. Défendre l’album en tournée ? La blague…
Rien d’exceptionnel pourtant. Des formules éprouvées jusqu’à l’os, un ADN QOTSA évident (et assumé) et un amalgame de sonorités rencontrées ici et là dans des formations européennes estampillées Stoner. MAIS malgré cette simplicité toute relative, la greffe prend vite et fort, notamment grâce au capital sympathie du groupe et une omniprésence sur les routes ou festivals — un bouche à oreille qui fonctionne à merveille au point de les emmener à se produire sur la Valley au Hellfest 2022. Slomosa devient très rapidement une alternative crédible aux ennuyeux et rébarbatifs headliners type Truckfighters ou Monolord des grandes messes Stoner. L’ombre du « one hit single band » s’estompe peu à peu : non, Slomosa ne se résume pas à « Kevin » ou « Horses ».
Il leur manque cependant un catalogue de titres plus fourni pour assumer cette position. C’est ainsi que des singles prolongent la partition du premier album et sont déjà solidement ancrés dans la setlist des récentes prestations live du groupe. Le nouvel album reprend donc en ouverture « Afghansk Rev », « Rice » et « Cabin Fever » à l’efficacité sans faille et déjà connus par leur public. Mais vous vous en êtes déjà rendu compte, le reste de l’album est du même bois. Absolument rien n’est à jeter dans « Tundra Rock ». Dépourvus de fard ou complexités, on y revient par addiction pour les grooves imparables et les mélodies obsédantes. Les Norvégiens ont considérablement amélioré leur jeu et peaufiné leur signature hybride de riffs stoner et de hooks grunge dignes du meilleur des 90’s, mais ce sont bien les mélodies qui sont au coeur de ce « Tundra Rock », si irrésistibles que vous les fredonnerez bien après l’écoute de l’album. À n’en retenir qu’une, ce serait la torpille anti-guerre « Battling Guns », avec l’appui désormais de Marie Moe au chant qui offre des contrastes encore plus marqués qu’avec la seule voix de Benjamin Berdous. Ici et ailleurs, les chœurs de la bassiste alpaguent systématiquement l’oreille.
Alors oui, les grincheux vous pointeront que le riff de cette dernière rappelle étrangement celui de « First It Giveth » ou que la section rythmique de « MJ » se cale trop facilement sur le cultissime « Demon Cleaner ». Qu’importe, dirons nous, tant Slomosa a fignolé sa griffe de ce qu’il appelle le Tundra Rock, équivalent norvégien d’un Desert Rock californien, miroir sonore des paysages contrastés entourant leur Bergen natale. Car ce qui fait le sel de Slomosa, c’est sans doute cette capacité à mélanger rugosité rock et fulgurances pop.
Oui, la bande veut clairement toucher les foules et briser le plafond de verre sur lequel s’écrasent nombre de formations de la scène (1000mods au hasard). « Tundra Rock » leur permettra sûrement d’asseoir leur mainmise sur une scène Stoner qui était à la recherche d’une certaine relève. Des piliers de la scène aux groupes actuels, chaque décennie se cherche un « game changer » capable d’apporter un oeil ou un souffle nouveau. Le Stoner – canal historique – est en pleine ébullition en ce moment, avec des marqueurs forts tels que les récentes productions de Lowrider ou Dozer. On pourrait regretter que ce soit des groupes qui avaient déjà fait exploser cette musique en Europe… 25 ans plus tôt.
Quid de la nouvelle génération ? Slomosa prouve aujourd’hui avec sa fraîcheur, sa vitalité et ses compositions entêtantes qu’il peut être le porte étendard d’un Stoner millésime 2020 et pousser cette musique vers des circuits ou festivals plus grand public. Un peu comme l’avait fait QOTSA en son temps. Il en a les moyens. Et si cela peut (à nouveau) mettre la sphère Stoner (et affiliés) en lumière, on ne peut que leur souhaiter.
Last modified: 26 septembre 2024