Le Bear Stone Festival est une parenthèse enchantée au milieu des montagnes croates. Ici, personne ne vous entend crier. Ça tombe bien, on vient pour se décrasser les oreilles.
Prélude, jour 1.
En ce jeudi, le festival ressemble à un apéro entre amis. Il s’agit de découvrir le somptueux site au bord de la rivière Mrežnica et de chauffer la toute nouvelle et toute mini scène couverte, la Mill stage. Minuscule mais surplombant tout le festival depuis sa terrasse, elle permet au public au dehors de profiter des sets. Entre les premières baignades et les campeurs qui prennent leurs emplacements, il y a tout de même 4 groupes au programme de la Mill stage et le groupe de jam Sviraj!jam, qui jouera son premier des nombreux sets prévus sur 4 jours.
C’est donc A Gram Trip et leur street doom qui ont la lourde tâche d’ouvrir le festival. Mission remplie haut la main pour la formation de Zagreb qui castagne fort durant tout son set. Tantôt doom crasseux au chant crié caverneux, tantôt brûlot sludge hardcore, une bien belle entrée en matière. Au tour de Jantar d’enflammer le public. Leur fuzz prog instrumental parfois planant parfois énervé sur album se mue en un set tout en énergie et particulièrement péchu en live, dans la veine de Baron Crâne qui sera sur cette même scène le lendemain. Avec Entropist, c’est le doom instrumental, lourd et mélodique qui est l’honneur. Le combo aura fait monter les décibels pendant la golden hour et on leur pardonnera quelques approximations tant l’envie était là.
Enfin, Slowtorch vient nous mettre une véritable torgnole dans les dents. Ici, on tape dans le Stoner métal énergique et rock n’ Roll qui n’oublie jamais de riffer gras. C’est peut être basique mais avec tant d’années d’expérience c’est un euphémisme que de dire que ça joue. Les mecs s’éclatent, le sourire aux lèvres, ça joue avec le public, y compris celui qui ne peut pas rentrer dans la cabane de la Mill Stage en venant haranguer, tel un pape fraîchement élu, tous les festivaliers sur les 2km2 à la ronde.
Dernier groupe de cette journée « apéro entre amis », Slowtorch a clôturé ce prélude avec la manière avant que les jams sessions ne prennent la suite sur la scène dédiée jusqu’aux premières heures du matin.
1er mouvement, jour 2.
Aujourd’hui, les choses sérieuses commencent, les coups de soleil aussi. Nombre de festivaliers sont déjà bien abîmés mais nul doute qu’ils tiendront encore 48h.
La faute à un bagage perdu lors de mon vol, lorsque j’arrive sur le site, ce sont déjà les Frenchies de Baron Crâne qui attaquent. Ils ont instantanément conquis le public de la Mill Stage avec leur fuzz prog frénétique, superbe ambiance malgré la jauge réduite. Comme toujours avec Baron Crâne, ça joue, ça groove à fond et on sent que le groupe a passé les deux dernières années à parfaitement rodé ce set. Paraît qu’il planchent actuellement sur l’écriture d’un prochain album, encore plus ambitieux, affaire à suivre.
La grande scène nous est enfin révélée et c’est ### qui s’y colle. La formation de noise rock instrumental nous offre un court set mais d’une rare intensité. Si l’émotion et le stress semblent avoir parfois un peu pris le dessus, on suivra de très près le groupe tant on tient LA découverte du festival pour moi et assurément un coup de cœur.
La première tête d’affiche s’élance alors qu’une armée de chapeaux pointus envahit le site. On ne va pas tergiverser, Gnome a tout bonnement fait l’unanimité, à part peut-être pour un Matt Pike, les yeux ronds comme des ballons sur le côté de la scène, ne comprenant pas bien ce qui se passe sur scène. Tous les tubes y passent, « Wenceslas », « Ambrosius », on profite de trois des titres du prochain album à paraître en septembre et en une heure tout rond, le groupe a parfaitement assumé son statut de rois du stoner prog tendance Schtroumpfs et Gargamels sous LSD.
C’est la journée des groupes aux noms imprononçables donc voici venu Muscle Tribe of Danger and Excellence. Détonnant un peu avec la programmation générale du festival, le groupe de métal alternatif Croate se met facilement les locaux dans la poche, à l’énergie mais ça manque cela dit cruellement de fuzz pour votre serviteur.
**warning, il m’est impossible d’écrire les lignes qui suivent avec la moindre once d’objectivité**
Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs est venu, ils ont vu et ils ont tout atomisé sur leur passage. Face à un public désemparé pendant les premiers titres, la crème de l’élite musicale de Newcastle a vite obtenu l’adhésion d’un très large public. Il faut dire que Matt et son jeu de scène si théâtral laissent rarement indifférent. Malgré quelques galères de guitare et une setlist qui aura, donc, mis un peu de temps à décoller, mes petits cochons signent là le meilleur set du festival mais qui en aurait douté?
Avant d’aborder le set d’High On Fire je me permets une petite requête : amis techniciens, on sait votre boulot difficile et vous avez tout mon respect, mais en 2024 on ne veut plus voir le technicien du prochain groupe monter sur scène pendant qu’un autre joue pour simplement poser des bouteilles d’eau ou des setlists. C’est un manque de respect pour le groupe qui se représente et pour son public. Mon message est passé, sans doute restera-t-il sans effet mais je trouverai dommage que la réputation de tout un groupe aussi légendaire et de tout son staff, au demeurant charmant et très professionnel, se voit entachée pour quelque chose d’aussi trivial.
Quand High On Fire débarque sur la mainstage, la nuit vient de tomber, un ours de lumière est projeté sur la montagne qui nous domine, l’ambiance est des plus atypiques alors que le set débute sous un ciel aux mille étoiles. Les Américains envoient le rouleau compresseur. Pas de temps morts, pas de répits, pas de survivants. Les festivaliers sont nombreux à avoir du mal à encaisser la puissance du trio et, le froid s’invitant à la fête, nombre d’entre nous irons nous coucher à la fin de set. La fatigue l’ayant emporté je n’assiste pas au final (visiblement d’anthologie) de Mother Vulture ni au set de Chui.
Deuxième mouvement, jour 3.
C’est la canicule. Tous les festivaliers se baignent, les bouées licornes, les boratkinis (si vous ne connaissez pas, ne me tenez pas pour responsable de votre curiosité), les chapeaux de paille sont de sortie.
J’arrive sur place à temps pour l’excellent set d’AcidSitter. Du revival 70’s défouloir, psyché et … Forcément, teinté d’acid rock. Les deux guitaristes au jeu particulièrement complémentaire nous auront régalé sur la Mill Stage pour ce set survolté. À peine le temps de ranger leur matos que c’est Kayleth qui prend la relève. Je qualifierai leur son de Stoner cosmique et m’est avis qu’ils valideront l’appellation. Ça joue bien, ça chante juste et puis bon, moi je vois un theremin, je suis déjà bien parti pour valider alors si en plus il est utilisé à bon escient, que demander de plus!
Sur la grande scène, c’est Nemezcek qui ouvre le bal. Entre folk balkanaise et influence cold wave, voire post métal, on est là sur l’ovni du festival. Si le style est si particulier, la prestation reste de très haute volée.
Blitzbop capte bien l’esprit du festival en entonnant son hymne à la MDMA pour ouvrir son set. Entre blues fuzzy, flirtant parfois avec le rock fusion et l’influence 70’s, le groupe a vite su se mettre le public dans la poche alors que le soleil commençait enfin à décliner. C’est sans aucun doute l’entrain de la frontwoman qui constitue le cœur du projet mais c’est pourtant bien la folie totale de leur bassiste qui m’a scotché. Tantôt à quatre pattes à battre la mesure, tantôt les oreilles collées aux retours ou à son ampli, en caleçon blanc, une source intarissable de surprises et de fun.
Them Moose Rush porte bien son nom tant on sent ce sentiment d’urgence dans leur rock fuzzy fusion et expérimental caractérisé par des changements de rythmes et de tempi très fréquents et marqués. Placé à l’heure où beaucoup cherchent à casser la croûte, le groupe a pourtant réussi à captiver un public large et nombreux pendant son heure de set. Personnellement, j’ai été imperméable au projet mais je salue la prise de risque.
Les choses sérieuses commencent avec le set de 1000Mods. Depuis quelques années, le groupe a clairement franchi un palier en live et même si on sent que la tournée commence à fatiguer les organismes, les Grecs ont encore répondu présent. Surmontant même quelques soucis de guitare, le combo nous a offert une setlist solide, bien que pas assez énervée à mon goût. Cela aura au moins fait une parfaite introduction pour la suite.
Les Allemands de Colour Haze envahissent la main stage et le temps s’arrête, pendant une heure et quart, c’est tout le festival qui s’évade vers un rêve éveillé. Le son est parfaitement équilibré, la setlist variée et n’oubliant pas de s’énerver un peu de temps en temps, de loin le meilleur set des teutons auquel j’ai pu assister à ce jour. Restons en teutonie car les patrons sont enfin là. Nous avons attendu jusqu’à 00h30 pour voir et revoir Kadavar. Comme toujours, le groupe s’impose comme un monument de scène. Puissance, maîtrise, style, attitude, tout y est et le public, bien que saisi par le froid et l’humidité, répond encore présent. Nous rentrons au bercail alors que les dernières notes nous accompagnent sur le chemin.
Épilogue, jour 4.
Vous voyez les champs de bataille romains dans un album d’Astérix après un abus de potion magique ? C’est un peu à ça que ressemble le camping et le festival avec ses quelques tentent encore debout, ses survivants défraîchis et cette sensation de fin du monde. Mais la nuance tient dans les sourires collés aux trombines. Peu nombreux sont les braves qui viendront profiter des 4 derniers concerts offerts sur la petit scène qu’est la Mill Stage, et c’est bien dommage.
Vukojarac nous ont offert un sludge en mode « no thrills, no chill, just riffs » dans la lignée d’un Crowbar au chant quasi doom death. Une des plus belles surprises du festival. On reste dans le gras et le velu avec Misery Crown qui délivre un stoner metal un poil sludge mais groovy et lorgnant du coup plus du côté d’un Corrosion of Conformity.
Décidément le fuzz rock tendance prog a la cote en Croatie. Après Jantar et Baron Crâne, c’est Rens Argoa qui reprend le flambeau. Plus feutré et moins frénétique que les deux formations susnommées, le groupe propose des ambiances plus posées avec de gros morceaux de rock n’roll à l’intérieur.
Zolle c’est de l’amour, des paillettes, de la folie et surtout énormément de funs. Je n’ai pas tellement d’atomes crochus avec ce type de rock un peu défouloir, disco et grotesque. Mais cela ne m’empêche pas de parfaitement comprendre pourquoi ça marche si bien pour conclure un fest. Les cerveaux ne sont plus à même de disséquer des plans progs ou d’encaisser un niveau de fuzz indécent après 4 jours. On souhaite simplement lâcher prise et perdre les quelques dernières gouttes d’eau présentes dans notre corps. Et à ce jeu là, Zolle est simplement un régal. Le Hellfest n’a pas eu son feu d’artifice de clôture mais nous on a eu Zolle, et je vous assure, c’est beaucoup mieux!
Postlude (eh oui, ça existe).
Ce que je retiens de ce premier périple au Bear Stone Festival ? D’abord que ce ne sera probablement pas le dernier. Le cadre est fantastique, la programmation éclectique, originale et de qualité et l’ambiance est sans pareille. Bien sûr, il reste quelques points d’amélioration, notamment dans l’organisation des différentes scènes tant la jam stage avait tendance à couvrir le Mill stage ou pour mettre un peu plus en adéquation le site avec la jauge actuelle. Mais le festival est encore tout jeune et à ce rythme, il va s’annoncer comme un incontournable de l’été pour ceux qui recherchent l’authenticité, la fuzz et les découvertes musicales.
Retrouvez le Bear Stone Festival sur leur site web, Facebook et Instagram.
Last modified: 2 septembre 2024