Il y des concerts qui vous marquent par leur côté grandiose ou parce que vous êtes un fan acharné, parfois c’est la surprise d’une découverte qui fait le job, parfois encore c’est un cadre ou des circonstances uniques qui restent ancrées dans votre mémoire. Et puis des fois, un concert vous marque simplement parce que les musiciens qui se démènent sur scène ont tout bon. Du choix de la setlist en passant par l’interaction avec le public, de l’exécution des titres jusqu’au son et aux lumières. Ce mercredi soir, la Garonne a tremblé en terres bordelaises car Mutoid Man a tout écrasé sur son passage à l’iBoat. Retour sur l’un des concerts les plus marquants de mon année.
J’ai découvert Mutoid Man bien après avoir écouté Cave In, Converge ou même High On Fire pour la première fois. Pourtant en entendant « Bridgeburner » quelque chose en moi s’est éveillé. Voilà un groupe qui prend sa musique au sérieux tout en étant incroyablement fun. Un groupe qui ose la lourdeur, le high gain fuzzy et les cris tout en se permettant d’être extrêmement catchy, vif et moderne. Un groupe qui joue avec les rythmes et les tempo, la technique et le kitsch sans jamais tomber dans la surenchère. Et comme cela ne suffisait pas, il y a eu cette reprise de « Purple Rain » de Prince avec John Baizley de Baroness sur le plateau de Two Minutes to Late Night. Et voilà comment j’étais tombé dans la marmite qui allait faire de moi un Mutoid Fan.
Un peu plus tôt cette année sortait « Mutants », de très loin le meilleur album du groupe. Et même si j’avais eu le luxe de les voir jouer avec Mastodon et Kvelertak il y a quelques années, leur trop court set m’avait laissé quelque peu sur ma faim. Alors quand une date bordelaise est annoncée, qui plus est à l’iBoat dans lequel j’ai déjà d’excellents souvenirs grâce aux concerts organisés par Les Créatures des Marais, j’ai bondi de joie. Ce mercredi un peu spécial, je l’attaque de la meilleure des manières : avec une petite interview de Stephen Brodsky à paraître bien vite. Et une fois l’entretien dans la poche, l’attente commence et l’excitation monte.
Contre Feux se lance. Entre screamo assumé et post hardcore tendance Birds in Row sous amphet, le quatuor se déchaine et nous assène un sacré uppercut dans l’estomac. Le public est peut être même trop choqué, pas forcément préparé à tant de violence viscérale. Pour autant les quatre locaux envoient un set d’une sacrée intensité. Et si, d’habitude, j’aurais gueulé quand l’un des guitariste nous joue tout un titre complètement désaccordé, ici cela donne une touche « at the drive inesque » que je peux facilement excuser. « Comme des loups / Ils reviendront / Plus forts / Et plus nombreux« . C’est eux qui le disent et, dans un contexte plus favorable, je serai ravi de revenir prendre une de leurs mandales.
Mutoid Man monte sur scène. Devant nos yeux ébahis, trois légendes avec des décennies de carrière et d’albums mythiques nous contemplent. Pourtant ils sont à portée de main, dans une petite salle, conviviale mais bien sonorisée et incroyablement bien éclairée.
« Si j’étais eux j’attaquerai avec Call of the Void du dernier album. » J’ai vu juste et c’est parti pour presque 1h30 d’énergie pure, de fun, de prouesses et d’acrobaties sonores dans la gueule. « Call of the Void » donc, mais également « Kiss of Death », « Broken Heart Ceiling », « Siren song », « Melt you Mind », « A date with the Devil », »Setting Sun », « Unborn », « Bone Chain », « Micro Agression »… Tous les tubes des deux derniers skeuds y passent.
Pour autant le groupe n’hésite pas à nous surprendre avec quelques vieilleries. Bien sûr « Bridgeburner » est joué mais également « Reptilian soul » et « Beast » du premier album et même « Gnarcissist » et « Scavengers » du premier EP « Helium Head ».
Cela dit, je suis obligé de faire une parenthèse pour parler de ce moment unique à mes yeux et tant attendu depuis 2017, a jamais gravé dans ma mémoire : entendre et voir « Bandages » en live. Cette power ballad est d’une incroyable efficacité et son solo d’anthologie, pas le plus speed ou le plus technique du groupe mais tellement épique, vient parachever l’oeuvre. Pendant ces quelques minutes j’ai eu le souffle coupé, le regard éteint, happé par ce morceau que je pouvais enfin voir et écouter en live. À lui seul, ce titre aurait justifié de venir voir ce concert et, rassurez-vous Mr Brodsky, vous n’avez pas raté la moindre note de cette masterpiece.
Impossible non plus de ne pas mentionner le tacle à The Animals pour la reprise de « Don’t Let Me Be » de Nina Simone en rappel. Instant classic. Et non contents d’être des bêtes de scène et de proposer des compos aussi dingues, les trois compères sont en plus de véritables showmen, les blagues et références plus ou moins douteuses s’enchaînent entre les titres et ne font qu’agrandir les sourires qui envahissent tous les visages dans le public.
Un nuage d’humidité envahit la cale du bateau alors que nous suons collectivement notre dernier galon d’eau. Jeff Matz, dernière addition au lineup, régale avec ses lignes de basse. Ben Koller disparaît derrière une batterie embrumée et le set prend fin sur une énième pitrerie de Brodsky. Il faudra quelques minutes pour émerger, passer dévaliser le merch et sortir de la salle. Dehors tout le monde a le même verdict. D’aucuns parle de « branlée », d’autres de « masterclass » mais tous son unanimes, vivement le prochain.
Last modified: 2 octobre 2023