Witchthroat Serpent est de ces groupes qui savent se faire discrets tout en se construisant un nom et une fanbase assez considérable. Ils font partie de ces références tacites qui ne se sont pas construites à coup de tournées interminables ou de sorties hyper fréquentes mais simplement par le bouche à oreille et un focus, évidemment honorable, sur la qualité. Car Witchthroat Serpent n’a jamais cherché à révolutionner quoi que ce soit, mais plutôt à proposer la quintessence d’un doom résolument vintage mais pour autant intemporel.
Ici, tout a été longuement pensé durant les années de gestation d’un album dont l’écriture est daté du monde d’avant JC (Jules Covid). Et on sent ce sens du détail dès le titre d’ouverture “Multi-Dimensional Marvelous Throne”.
Nous voilà face à un titre de dix minutes qui sait prendre son temps, s’orchestrant autour de quelques plans particulièrement bien sentis. Le riff d’intro est certes un hommage au doom massif et fuzzy mais il n’est absolument pas convenu tant le choix des accords qui viennent clore ce riff sont malins et déjouent les pronostics juste assez pour interpeller, sans jamais dérouter. Et après une entrée en matière très longue mais évoluant exactement comme nécessaire, c’est la voix très 70’s qui vient nous cueillir avec sa reverb parfaitement dosée. Une envolée de guitare plus tard et l’on a droit à un pont sur une guitare seule, sale et légèrement dissonante du meilleur effet pour enclencher un final d’une lourdeur infernale. Sur cette simple piste, le groupe démontre déjà un savoir-faire et une patience dans l’écriture et les ambiances que l’on ne peut que saluer.
Chaque plan a été pensé pour être répété précisément le bon nombre de fois, chaque élément s’intègre parfaitement à l’ambiance générale, les solos ne sont jamais trop longs, jamais trop courts, jamais trop mis en avant ou en retrait, la voix se fait rare mais lorsqu’elle est présente c’est une plus value évidente. Et on pourrait présenter ce même constat sur les 5 titres suivants.
“Nosferatu’s Mastery” reprend la même recette mais se permet d’être plus direct et frontal. Entre deux titres fleuves, on profite de “Gorgon” et son ambiance venteuse et décrépite, toujours ancrée dans l’horreur des late 70’s / early 80’s. Une adoration de la VHS qui se retrouve aussi bien dans le grain de l’enregistrement 100% analogique de chez Kerwax Studios que dans l’artwork d’une efficacité implacable signé Branca Studios.
“The House That Dripped Blood” nous gratifie de lead guitares très tôt dans le morceau avant qu’un court sample embraye sur un chant quasi Kadavarien, pour la ligne vocale la plus mélodique de l’album. On est pas bien loin du singalong et ce chant presque aérien crée un contraste particulièrement pertinent avec les paroles et la musique tout en lourdeur. “Yellow Nacre” se veut le titre le plus fougueux avec un BPM un peu plus élevé et des riffs plus chargés. Et comment ne pas parler de ce riff final, tellement bien senti et tellement prenant malgré sa simplicité. Comme quoi, un peu de dissonance parfaitement dosée fait toujours son effet. Sentiment accentué par cette guitare lead noisy et tellement inattendue. Un régal.
Enfin, pour clôturer cet album, ça passe forcément par un peu de claviers, heureusement très vite remplacés par une basse ronde et granuleuse comme on les aime. C’est finalement 8 minutes de pur doom qui viennent terminer cet opus de fort belle manière en laissant un peu de larsen (artifice très peu utilisé jusque là) et la basse prendre le devant et même un peu de chant quasi religieux sur la toute fin pour un semblant de gothisme romantique, au sens le plus noble du terme.
Après avoir écouté cet album, on ne peut qu’être conquis si on aime le genre. Ici, il ne s’agit pas vraiment de surprendre mais de sublimer une formule pourtant éculée. Qu’est-ce qui fait que cet album sort du lot ? La gestation. Chaque détail est à sa place et s’il est vrai que la spontanéité a parfois du bon, rien ne remplace la satisfaction de découvrir un album total, de ceux dont on sait que chaque note, chaque élément, chaque texture, chaque changement est là où le groupe l’a souhaité. Reste à espérer que Witchthroat Serpent pourra défendre cet opus sur scène, eux qui sont plutôt avares en tournée car nul doute qu’on tient déjà ici l’un des meilleurs albums de classic doom de 2003.
Last modified: 15 mars 2023