Le DESERTFEST BERLIN fête ses dix ans avec une affiche folle sur 4 jours dédiés au culte de la fuzz. Du stoner pur jus, du psyché, du doom, du sludge, du post hardcore, du rock n’roll déjanté voir même du punk grunge, l’affiche nous avait tous fais saliver des babines. Il y en avait pour tous les goûts. En cette fin mai, à peine arrivé sur le site je comprends ce qui m’attend. Un rendez-vous de passionnés, un retour au bercail, Berlin dans toute son étrangeté et sa féérie, une grande fête, un vrai repas de famille. (PHOTOS : Anders Oddsberg)
Jour 1 : jeudi 26 mai 2022.
C’est l’occasion de voir des têtes connues, retrouver les Lords of the Valley, des amis d’Hambourg ou quelques Turbojugend égarés. On prend des nouvelles, tout le monde est frais et dispo. Déjà sous ses apparences de rock 70’s flirtant avec le psyché et le prog, Vug se permet des escapades plus modernes puisant dans le Baroness et le Torche le plus léché. C’est ensuite Polymoon et ses vibes post-metal qui s’attaque à un Desertfest peut-être encore un peu trop timoré, pas assez imbibé pour être parfaitement réceptif.
Sur la main stage, Samavayo nous fait saisir la saveur de l’instant. C’est le Desertfest, bordel. Enfin on commence à planer, on kiffe sur des riffs trop lourds pour nos frêles épaules. La fête est lancée et elle sera assurément belle. Un peu de douceur sucrée s’en suit avec le surf rock psyché de Los Bitchos. Fun mais il est encore trop tôt pour déjà vouloir une pause musicale.
C’est l’heure de la méditation. My Sleeping Karma prend d’assaut la main stage devant 99,9% des festivaliers. Malgré des problèmes de son, les quatre teutons nous embarquent dans leur transe musicale si particulière et c’est toujours un plaisir. Maidavale prend la suite et j’en profite pour me restaurer ; leur set aura tout de même séduit un public nombreux. Witchcraft souffle le chaud et le froid : la faute à un set un peu décousu et des problèmes techniques forçant le chanteur à jouer les troubadours pendant de trop longues minutes. Les morceaux fonctionnement mais le groupe ne semble pas ou plus taillé pour la main stage.
Enfin, les patrons, les tauliers, les locaux, les incontournables Kadavar montent sur scène. Première surprise, le batteur s’est rasé la tête. Cela rassure ma tête à calvitie : le talent ne se mesure pas à la longueur des cheveux. Pendant 1h30 le groupe nous régale de tous ses classiques mais aussi quelques deep cuts comme « The Old Man ». Seule ombre au tableau, un mix pas à la hauteur de l’événement. Lupus est quasiment inaudible au chant et la batterie trop chargée en reverb prend le dessus sur tout le reste dès que ça cogne plus sec. Espérons que ces petits soucis de son sur la main stage soient tous complément réglés pour le jour deux.
Jour 2 : vendredi 27 mai 2022.
Love Machine. Je ne savais pas à quoi m’attendre, même en sachant j’aurais été surpris. Vous voyez votre oncle tellement ringard qu’il en devient presque cool ? Imaginez-le, coupe au bol, jean taché façon « je viens de faire de l’enduit », lunettes de soleil bien trop fines pour être légales. Et maintenant, dites-vous qu’il va au karaoké faire le crooner sur des hits rock 70’s. Entre le génie et le massacre. Love Machine. Un ovni qui aura régalé les lève-tôt les plus téméraires.
On tient déjà la bonne surprise de la journée avec le psyché assumé et quasi space rock des Tokyoites de Dhidalah. Sans rien révolutionner, le trio conquis parfaitement une foule grandissante. Pari réussi pour eux sur la main stage ! On continue dans le même état d’esprit avec le space rock expérimental de Temple Fang qui me parait un poil fade après Dhidalah. Et ce avant que Spirit Adrift nous apporte notre dose de metal, hommage aux classiques du NWOBHM comme à la scène post-sludge américaine, le groupe régale malgré un son parfois trop puissant pour que la sono suive sans broncher.
24/7 Diva Heaven nous offre une petite claque punk alternative en mode revival riot grrrl. Très efficace mais peut être trop convenu, et manquant du brin de folie et de provocation spontanée des pionnières du genre. On croit entendre la foule scander « du biniou, du biniou ! ». Villagers of Ioannina City investit la main stage pour un set très carré et qui m’aura nettement plus séduit que l’automne dernier à Anvers. Ce n’est pas forcément ma came, mais force est de constater que c’est solide et bien fait.
Dvne en revanche nous offre un set de très haute volée. Parmi les ersatz de Mastodon et compagnie, le combo anglais a vraiment su tirer son épingle du jeu avec une identité sonore marquée et de très bons plans pour faire travailler les nuques.
Alors que de nombreux fans de Yob attendent de pied ferme la bande de Mike Scheidt, celle-ci se fera désirer, la faute à des balances interminables. Une nouvelle fois en cause, le son absurde de cette main stage vraiment pas capable d’assumer quand les basses se font trop lourdes. Lorsque le set débute, mieux vaut s’accrocher tant la descente d’organe est proche. Il faudra attendre les derniers titres pour qu’enfin le son nous permette d’entrapercevoir les nuances de jeu du groupe. Alors oui on a profité d’un « Adrift in the Ocean » mémorable mais que de gâchis pour ce set. Toutes mes félicitations au groupe qui a assuré à l’énergie malgré ces conditions.
Tout cela ne promettait rien de bon pour Electric Wizard. Il n’en est rien. Electric Wizard assomme simplement les rescapés avec un son monumental, un set maîtrisé et cette puissance stoner doom sans pareil. On aime ou pas, mais on n’obtient pas un statut de légende par hasard. On a déjà un peu trop mangé sur l’apéro et l’entrée mais arrivent les plats de résistances, alors chacun y va de sa petite technique pour rester aussi frais que possible le lendemain dans ce contexte.
Jour 3 : samedi 28 mai 2022.
Enigma Experience porte bien son nom, finalement. Ce groupe est une énigme car malgré des tenues de scène, des artworks et un nom au goût douteux, le groupe nous met une bonne grosse claque pour attaquer ce samedi. Tout de robes vêtus, Dango et compagnie nous mettent parfaitement en jambe pour la journée marathon à venir avec leur son plus trippant, plus lourd et aventurier que les combattants de camions.
Sur la main stage, c’est Black Rainbows d’entrée de jeu. Autant dire que la foule est jouasse et que ça se déchaîne sur scène. Pas mal de nouveau titres, et même si encore une fois, le son de la main est très capricieux, les Italiens conservent leur statut de tauliers avec ce set des plus solides. Petite pause de mon côté alors que le classic rock n’roll s’installe sur la petite scène avec Velvet Two Stripes. Très bien fait et avec une bonne énergie, je profite de ce set de loin, me préparant pour les heures chargées qui m’attendent.
Le gros morceau, les patrons du jour et clairement du siècle. Le groupe qui avec seulement deux albums en 20 ans s’est bâti un statut hors du commun sur la scène stoner : Lowrider. Une gifle monumentale en 50 minutes. Imaginez donc, les mecs montent sur scène en polo et jogging, et pourtant, pas un seul festivalier n’aura pas bavé de plaisir pendant ce trop court set. Imbattables et inarrêtables. Lowrider dicte sa loi jusque dans ses messages de remerciements sincères et à propos.
Je me restaure pendant The Well dont j’écouterai la majorité du set à 200 à l’heure à distance. J’ai cela dit nettement profité des derniers titres et de la débauche d’énergie du trio. 1000Mods or rather Milloumods arrive sur la main stage. De plus en plus rodé par ses tournées permanentes, le groupe gagne en contrôle ce qu’il perd un peu en spontanéité, mais le set reste des plus agréables.
Les anglais de Steak colonisent la petite scène, leur son lorgnant entre stoner kyussien et influences metal alternatif voire presque grunge assumées, c’est un set plus fin et plus travaillé qui nous attend. Coincé entre deux mastodontes, cela aurait pû signer leur arrêt de mort, mais Steak s’est montré coriace et aura finalement conquis un public grandissant au fil des minutes.
Deuxième set de la journée pour Dango avec Truckfighters, qui compense le son un peu approximatif à l’envie et à l’énergie, comme d’habitude. Dans son short de boxe, il enchaîne les cascades et pirouettes alors que ses deux compères sont aussi dans un grand jour. Ça se fait plaisir, ça ressort même de vieux morceaux bref, on prend tous notre pied.
La fatigue se fait sentir et les pieds sont lourds avant l’arrivée d’Orange Goblin. Encore des patrons ? Décidément, c’est grand soir sur les rives de la Spree. Orange Goblin anéantit donc les derniers rescapés du soir. Dignes descendant de Sabbath et de Motörhead, les britanniques incarnent cinq décennies de savoir-faire hard rock à l’anglaise. C’est puissant, parfaitement exécuté et même si vous n’êtes pas fan de base, difficile de résister à cette énergie rock. On est gonflés d’avoir trop mangé, on défait le bouton du haut et on ne dirait pas non à un digestif avant de finir le repas.
Jour 4 : dimanche 29 mai 2022
On est accueilli par la lourdeur de Sâver, un set entre post-hardcore, noise et sludge d’une violence inouïe, mais un defouloir idéal pour la petite foule dominicale. À peine le temps de quelques étirements que Slomosa s’envoie sur la main stage. Niveau justesse de chant et scénographie, c’est un peu approximatif mais tellement d’énergie positive, tellement de bonheur sur les visages et des titres déjà tellement rodés, on ne peut que succomber. Nick Oliveri est venu faire les backs sur la fin de set, le dernier de leur tournée commune.
Le temps d’une petite interview avec [Insert secret band here] et me voilà arrivant sur la fin du set bouillant de Kaleidobolt bien plus péchu que sur album. C’est déjà l’heure de Stöner, dont bon nombre de festivaliers attendaient visiblement la venue. Gras, groovy, la classe américaine malgré un son peu flatteur sur la main stage. Sur la traditionnelle fin de set à base de Kyuss (« Gardenia » et « Green Machine »), les festivaliers craquent complètement. Incroyable.
C’est l’un de mes coups de coeur des dernières années et forcément une grosse attente en live, voilà Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs sur la petite scène qu’ils vont retourner en long en large et en travers. Une masterpiece d’autodérision, d’énergie, de fun mais aussi de lourdeur, de trip et de puissance. Tout ce que j’aime, x7. Ufomammut crache littéralement ses tripes avec un set au volume incroyablement élevé, bien trop pour mes oreilles fatiguées par 4 jours de Fest. Rotor de son côté vient redynamiser la petite scène avec son Stoner prog groovy toujours aussi efficace.
On attaque le dernier volet de ce Desertfest Berlin 2022. Elder et Baroness vont se succéder sur la main stage. Elder attaque son set pied au plancher pour nous prendre par la main et nous accompagner doucement vers leurs penchants les plus planants. Une heure de kiff pour nous faire doucement glisser vers la fin du weekend.
Je suis fan de Baroness depuis des années. Parler d’excitation avant leur set est un euphémisme. Moi qui n’ai pu les revoir depuis la tournée de Purple, je suis comblé. Toutes les couleurs y passent, un peu de jaune pour commencer, du rouge, du bleu et cet incroyable enchaînement « Chlorine and Wine », « If I have to wake up », « Fugue », un délice. Notons également que Baroness, à l’instar de Kadavar deux jours plus tôt, maîtrise parfaitement l’espace scénique. Gina a fait le show et la voix de John n’aura jamais failli. Un grand show pour lancer leur tournée européenne et clore ce Desertfest Berlin.
Exténués après ce trop long repas, aphones et cassés de partout, on retourne se coucher en sachant que demain on ne revoit pas une dizaine de groupes qu’on adore ou tous nos copains de Fest. Non, on retourne vers nos vies, heureux des moments passés, un peu soulagé et attendant de pieds fermes nos prochaines retrouvailles avec cette scène qui a tant à offrir.
Meilleurs sets et coups de coeur : Lowrider, Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs Pigs, Baroness, Dhidalah, Samavayo, My Sleeping Karma, Electric Wizard, Sâver.
Last modified: 2 juillet 2022