C’est peu dire qu’un an et demi sans live commençait à laisser des traces sur notre psychisme. Mais, Oh sweet Lord, le voici, le voilà, le tant attendu Retour des Concerts© ! Alors, pour ne pas trop subir les effets d’un gros fix post-sevrage, sautons à pieds joints dans les vieilles pantoufles du stoner rock hexagonal avec les Dust Lovers, ces (presque) vieux briscards de la scène à présent, si l’âge se mesurait en nombre de concerts donnés. À l’instar de Loading Data, les (ex-Texas Chainsaw) Dust Lovers restent l’un des meilleurs prédicateurs de QOTSA de ce côté de l’Atlantique. La touche Dust Lovers c’est une approche thématique très cinématographique, rendant hommage à la série B sous toutes ses formes : horror flicks, westerns, ou « Film Noir » (titre de leur 1er opus en 2017), y compris sous forme de clips, toujours délicieusement ouvragés. Pour preuve, le dernier en date pour « Higher Desire » célébrant le 007 goldfingerien. Et en terme d’ouvrage, la musique n’est pas en reste. Le groupe se débrouille toujours pour apporter de jolies trouvailles instrumentales par des arrangements funs (handclaps, cowbells, sifflotements) et des compositions toujours bien articulées (breaks et relances à gogo
On devine que l’album « Fangs » sorti en 2020 n’a pas pu être autant défendu que voulu, mais cette rentrée 2021 est l’occasion de se rattraper dans une Boule Noire bien remplie, sous l’œil d’un public plutôt acquis à leur cause (« Nagui, Clem, on vous aime ! » — on a connu accueil plus froid). Assez logiquement, le quintet débute un peu timidement leur set (faut refaire chauffer les muscles). L’axe crooner de « Born to Lose » ou « Higher Desire » n’est certes pas des plus percutants, peut-être à cause d’un emprunt trop transparent aux Arctic Monkeys dernière mouture pour convaincre et faire chavirer la fosse, ou du moins votre serviteur.
Qu’importe, le reste du set comprend son lot de rock’n’roll pur (un « Night Cruising » taillé pour la course, ou un « California sur Marne » punk’n’roll à souhait, une des rares occasions en ce monde de gueuler en coeur « Clermont-Ferrand » ou « Cergy-Pontoise ») et il n’est pas surprenant de voir les premières poussées d’un public jeune, galvanisé par la reprise de la musique en club. La veste de Nagui (guitare lead) tombe, ainsi que les défenses de l’audience. Le rock est de retour, on est bien.
Le petit monde stoner rock français évolue, et Grandma’s Ashes y contribue. Une jeune garde ici 100% féminine, prouvant qu’il est possible de faire bouger les lignes d’un genre qui se complait parfois dans une imagerie quelque peu vieillotte et bourrue. À l’instar des merveilleuses Blackwater Holylight, Grandma’s Ashes ne se laisse pas envahir par quelques clichés virilistes et évite aussi habilement la case « stoner pour filles » en développant avec enthousiasme une musique pleine d’influences diverses, de Josh Homme au folk-prog anglais ou même Black Midi. Surtout, elles n’hésitent pas à explorer des plans plutôt techniques, chose qu’on semble à tort interdite aux musiciennes, en piquant des lignes de basse chez Purcell par exemple. Leur évolution témoigne d’un groupe engagé, bosseur et qui promet une jolie promesse de carrière.
Oui mais ça, c’est sur le papier. Comment ça se traduit sur scène ? Avec seulement un EP à défendre, on peut noter que le trio a déjà une bonne base d’amateurs puisque la Boule Noire est en capacité de chanter à l’unisson le single « Daddy Issues » avec Eva (chant/basse). Tous les jeunes groupes ne peuvent en faire autant. Et pour tenir un set entier, les filles ont également pris dans leur besace une poignée de morceaux composés en confinement, l’occasion d’élargir encore les horizons (« on va parler de hobbits et de voyage maintenant », ok Jimmy Page). Et ça marche ! Malgré quelques télescopages incongrus qui mériteraient d’être affinés (comme certaines parties de groove à la basse, très cool, mais qui arrivent sans prévenir ou repartent trop vite), les filles ne sont pas là pour rigoler et envoient la sauce parfumée à la Flying V et à la Sabian (Myriam à la guitare, Edith derrière les fûts). C’est mélodique, c’est lourd, c’est noisy et même prog parfois. On en a pour son invitation ! Un petit tour sur le public et puis s’en vont, sous vos applaudissements.
S’achève ici un report globalement enthousiaste. La résultante de l’euphorie de retourner dans les salles de shoot musicaux ? L’avenir nous dira si le cynisme nous reprendra de plus belle d’ici peu, mais en attendant : kiffons !
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Last modified: 5 octobre 2021